Clôture des journées de concertation sur les Réfugiés et le Passif humanitaire : Le Rapport de synthèse   
22/11/2007

Les journées nationales de concertation sur le retour des refugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali ainsi que le règlement du Passif humanitaire ont été clôturées le 22 novembre au Palais des congrès de Nouakchott. Un millier d’invités ont pris part à ces journées historiques dont des officiels, des anciens présidents, des anciens premiers ministres, des anciens ministres, des officiers supérieurs et une multitude de représentants des partis politiques de la société civile ainsi que les représentants des organisations de réfugiés et des victimes du passif humanitaire.



Trois jours durant (20, 21 et 22 novembre) les participants ont évoqué les questions liées au retour, à l’accueil et à la réinsertion de quelque 24.000 négro-mauritaniens expulsés, essentiellement vers le Sénégal, lors de violences inter-ethniques de 1989 ainsi que le Passif humanitaire de l’ancien régime de Ould Taya. Dans son discours d’ouverture des journées de concertation le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi a déclaré son intention de "réconcilier les coeurs" précisant : "Nous ne cherchons pas à remuer le couteau dans la plaie, mais plutôt à la guérir. Nous ne cherchons pas à régler des comptes, mais à lever des injustices et à réconcilier les coeurs".Le président de la République, a demandé l’adhésion de tous les Mauritaniens à son "action pour réconcilier et tourner la page du passé afin de construire une Mauritanie nouvelle". La priorité est de "rétablir dans leurs droits ceux qui ont subi l’injustice dans leur pays", a poursuivi le président de la République, se félicitant du "consensus national" autour de cette question. M. Ould Cheikh Abdellahi a également affirmé qu’il allait étudier le cas des Mauritaniens expulsés du Sénégal lors des évènements de 1989. Pour le représentant du Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) en Mauritanie, Didier Laye, ces journées de concertation sont "l’aboutissement d’un processus rassembleur et exceptionnel". Le rapatriement de nos compatriotes réfugiés au Sénégal et au Mali doit débuter en décembre, et selon le HCR, 12.600 réfugiés mauritaniens ont déjà exprimé le souhait d’être rapatriés dès que possible". Après le discours du président de la République, les participants aux journées de concertation avaient poursuivi leurs travaux dans le cadre de 4 ateliers.
Le 1er atelier : Structure d’encadrement et de gestion, présidé par M. Sarr Mamadou Secrétaire Exécutif du FONADH, était chargé d’examiner les structures nationales et locales devant être créées pour encadrer et gérer toutes les opérations liées au retour des réfugiés, à leur accueil et à leur insertion en plus de l’orientation des programmes d’insertion en leur faveur.
Le 2ème atelier : Organisation matérielle des opérations conduit par le Professeur Cheikh Saad Bouh Kamara, était chargé de la discussion des mesures pratiques d’organisation du retour. Cet atelier s’est penché en particulier sur les mécanismes déterminant la vocation des réfugiés, leur retour et les questions qui sont liées à la mise en oeuvre sur le terrain de ces mesures.
Le 3ème atelier Insertion des réfugiés présidé par M. Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Radhi, était chargé des questions intéressant l’insertion durable de ces réfugiés et les mesures de rétablissement de leurs droits ainsi que leur accès aux services de base en plus du financement des activités génératrices de revenus au profit de tous les intéressés.
Le quatrième atelier en charge du Passif Humanitaire était présidé par le Pr. Ball Amadou Tidjane président de la HAPA. Cet atelier s’est s’attelé à l’examen du passif humanitaire et du cadre institutionnel pour traiter ce dossier et présenter des propositions pour déterminer la vocation des victimes et des ayant droit. Ouvertes par le président de la République dans une ambiance de retrouvailles nationales les travaux des ateliers ont été ponctués de joutes verbales qui n’ont pas finalement compromis le succès des journées clôturées jeudi 22 novembre par le Premier ministre Zeine Ould Zeidane. Nous vous livrons ici le rapport de synthèse de ces journées historiques. Une page de l’histoire s’ouvre.


                             Le Rapport de synthèse


Les 20, 21 et 22 novembre 2007, se sont tenues, à Nouakchott, au Centre International des Conférence, les journées nationales de concertation et de mobilisation sur le retour des réfugiés et le règlement du passif humanitaire, sous le haut patronage du Président le République, Monsieur Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi.

Considérations générales

Les participants ont unanimement salué la volonté politique du Président de la République qui a placé au premier rang de ses priorités la consolidation de l’unité nationale et le raffermissement de la cohésion sociale.
Dans ce cadre, dans son discours solennel du 29 juin, il a exprimé, au nom de tous les Mauritaniens, sa compassion à l’égard de toutes les victimes de ces années sombres et a réaffirmé la disposition de l’État à assurer un retour digne pour l’ensemble de nos concitoyens qui en exprimeraient le désir et le règlement définitif du passif humanitaire.
Les participants ont tenu à rappeler que notre histoire commune et le partage des mêmes valeurs islamiques, constituent le ciment de notre unité nationale. Cette histoire partagée et ces valeurs islamiques communes constituent le terreau fertile dans lequel nous devrons puiser les ressources nécessaires pour dépasser ces douloureux événements.
Les participants enregistrent avec satisfaction, les directives données au Gouvernement par le Président de la République pour que l’Etat prenne toutes dispositions utiles pour le dépassement définitif de ce drame.
Les participants ont exprimé leur satisfaction pour l’organisation de ces journées nationales de concertation et de mobilisation. Ils ont par ailleurs loué la qualité du travail accompli par le Comité Interministériel.
Les participants ont salué l’engagement du Président de la République en faveur de l’examen et du traitement du dossier des citoyens rapatriés du Sénégal lors des événements de 1989 et de la nécessité d’accorder à cette question tout l’intérêt qu’elle mérite.
Les participants ont été unanimes à saluer la sérénité, la tolérance, l’ouverture d’esprit, la compassion et la responsabilité qui ont caractérisé les débats.

QUINTESSENCE DES DEBATS

Les documents de travail préparés par le Comité Interministériel ont fait l’objet de discussions approfondies au sein de quatre ateliers prévus à cet effet. Le premier atelier a discuté des structures organisationnelles d’encadrement et de gestion du retour des réfugiés. Le second a traité des questions relatives à l’organisation matérielle du retour. Les questions liées à l’insertion des réfugiés ont été abordées au sein du troisième atelier. Enfin, le quatrième s’est penché sur les questions liées au règlement du passif humanitaire.
Après des débats libres, riches et contradictoires au sein de l’ensemble des ateliers et en plénière, il est ressorti les éléments ci-après.
1°) Concernant les structures en charge de l’encadrement et de la gestion du retour des réfugiés.
Le document de travail propose le dispositif suivant : un comité interministériel de pilotage, une commission nationale de concertation, une commission nationale d’identification, des commissions régionales, départementales et locales et enfin une Agence Autonome d’Appui et d’Insertion.
Les débats ont fait ressortir les points de convergence suivants :

Les structures qui seront mises en place, doivent disposer d’organes de pilotage et de concertation au sein desquelles seront représentés les réfugiés, être managés par les meilleures compétences nationales reconnues pour leur moralité et intégrité, s’appuyer sur des systèmes efficaces de contrôle, d’évaluation et de suivi, appliquer des procédures de gestion transparentes respectant les principes basiques d’une bonne gouvernance.

Rechercher les meilleures formes organisationnelles pour éviter les lourdeurs et les enchevêtrements des structures.

Élargir le Comité Interministériel aux Ministres en charge de l’Education, de la Santé, de l’Orientation Islamique et de la Promotion de la Femme.

Ouvrir la commission nationale d’identification aux représentants des réfugiés et aux organisations de défense des droits de l’homme et les faire présider par des magistrats.

Associer les notables et les personnes ressources aux commissions locales des sages et élargir leurs compétences en matière d’identification.

Instituer un organe indépendant chargé de la supervision des différentes étapes du processus.

Mettre en place un dispositif adapté de communication et d’information décentralisé.

Compléter le dispositif des répondants locaux de la Commission Nationale d’Identification par la création de commissions au niveau des arrondissements des Moughataa concernées.

 

2°) Concernant l’organisation matérielle des opérations de retour :
Le document de travail a évoqué les questions liées à l’identification, le transport, l’accueil et l’installation des réfugiés.
Les débats ont fait ressortir les points de convergence ci-après :

Les réfugiés peuvent être classés selon les profils suivants : éleveurs, agriculteurs, populations déplacées à l’intérieur du pays, fonctionnaires réfugiés, fonctionnaires radiés et restés au pays, élèves, étudiants, professions libérales, opérateurs économiques, employés du secteur privé, femmes, jeunes en déperdition scolaire, personnes âgées, handicapés …

L’identification des candidats au retour doit être effectuée sur la base de toutes les sources d’information disponibles (recensements administratifs, RANVEC, registres du HCR, recensement effectué par les Autorités Sénégalaises ainsi que tout autre document établi par tout service mauritanien compétent). Ces renseignements pourraient être complétés, au besoin, à travers les témoignages établis par les commissions locales des sages.

L’Administration devra mettre en place un dispositif adéquat permettant aux citoyens concernés de disposer d’états civils, pour eux et leurs descendants nés en exil.

Les zones d’accueil doivent être déterminées en fonction des lieux d’origine des populations cibles (pastorale, agricole fleuve, rural hors fleuve, urbaine –Nouakchott et Nouadhibou notamment- …), mais également en fonction de leur choix.

Pour assurer une bonne fluidité des déplacements des réfugiés, un nombre suffisant de points de passage doivent être ouverts.

Le démarrage de l’opération de retour doit être précédé par la mise en place d’installations décentes de logement.

 

 

3°) Concernant l’insertion
Le document de travail précise les bénéficiaires des programmes et projets d’insertion, notamment les réfugiés désireux de rentrer au pays, ceux rentrés dans le cadre du PSIR où de façon spontanée, les « moussafrines Â» installés le long de la vallée et plus généralement les populations des zones concernées. Les domaines d’insertion prioritairement ciblés sont l’agriculture, l’élevage, la pêche, les services de proximité, la micro finance et les activités génératrices de revenus.
Les participants ont fait ressortir les points de convergence suivants :

Notre pays jouit d’une expérience dans les domaines de l’insertion relative au retour des rapatriés en 1989 et aux programmes ambitieux mis en oeuvre ces dernières années, devant être valorisée, face à ce nouveau défi.

Les programmes d’insertion devraient être conçus en fonction de la classification et des profils dégagés. Les propositions d’insertion devraient tenir compte de la volonté et des compétences des bénéficiaires. Elles pourraient s’inscrirent dans le cadre des axes ci-après :

 

A. Les Programmes d’urgence :
Ils sont relatifs à l’accueil, à l’habitat, et à l’alimentation.
B. Les Programmes à moyen et long terme :
Ils doivent permettre une insertion durable à travers des projets structurants dans les domaines de l’élevage, de l’agriculture, de la santé, de l’éducation, de l’approvisionnement en eau potable, des activités génératrices de revenus, de la micro-finance, de l’emploi des jeunes, de programmes spécifiques au profit des femmes, de la réintégration des fonctionnaires, de la promotion du secteur privé et industriel … Les programmes spécifiques peuvent se décliner comme suit :

Programme spécifique de restitutions et/ou compensations des habitations et des terres agricoles spoliées sans préjudice des droits légitimes des propriétaires et de ceux des attributaires actuels.

Programme spécifique au profit des étudiants et des élèves en année scolaire à travers l’octroi de bourses et la formation professionnelle.

Programme spécifique devant être mis en œuvre au profit des éleveurs, qui ont particulièrement été affectés.

Programme spécifique en faveur des personnes vulnérables ou handicapées.

Programmes culturels et sociaux bâtis selon des concepts permettant un accompagnement culturel, social et psychologique des réfugiés, mais également des populations d’accueil.

Programmes de communication à travers les médias, les mosquées, des réunions de quartiers, des représentations artistiques favorisant un accueil fraternel et chaleureux et garantissant une insertion durable, digne, juste et équitable.

 

4°) Concernant le règlement du passif humanitaire
À la suite de débats contradictoires francs, ouverts et parfois passionnés mais toujours empreints de sérénité et de responsabilité, les participants ont unanimement reconnu :

La nécessité d’apurer ce dossier en ayant toujours en vue la restauration et le renforcement de l’unité nationale et la stabilité du pays.

La volonté de puiser dans nos valeurs profondes, les meilleures solutions pour le règlement de cette question en tenant compte des droits légitimes de toutes les victimes et de leurs ayant droits.

La particularité et la sensibilité de la question exigent qu’un temps suffisant soit donné et que les concertations soient poursuivies, afin de trouver une issue consensuelle pour un règlement définitif

La solution à envisager devra tenir compte des devoirs de mémoire et de pardon pour la Nation, de justice et de réparation pour les victimes.

L’acquis positif pour le pays traduit à travers la qualité des débats qui sont venus illustrer de manière remarquable la conversion de nos citoyens à la pratique démocratique, à la convivialité et à l’acceptation de l’autre.

 

Par ailleurs, les participants ont suggéré, pour le dispositif à mettre en place pour la gestion de ce dossier, trois scenarii :

Création d’une Commission Indépendante composée de personnalités d’envergure nationale, reconnue pour leur compétence, leur probité, leur intégrité et leur patriotisme.

Création d’une Commission Nationale telle que proposée par le document du Comité Interministériel

Élargissement de la commission proposée dans le document de travail, aux représentants des victimes, aux organisations de défense des droits de l’homme et à des personnalités indépendantes.

 

Dans tous les cas de figure, la structure qui sera retenue, de concert avec toutes les parties et en particulier les victimes et ayant droits, devra permettre, à partir de ces journées, d’amorcer un processus concerté devant aboutir au règlement définitif de ces douloureux événements par la mise en place des mécanismes les plus appropriés.

Recommandations d’ordre général

 

Les participants ont formulé des recommandations suivantes :

Adoption d’une loi d’orientation qui encadre le retour des déportés et le règlement du passif humanitaire.

Prolongation du mandat de la commission nationale d’identification au-delà du retour des réfugiés du Sénégal et du Mali, afin de permettre la prise en charge des réfugiés établis ou travaillant actuellement dans d’autres régions du monde.

Prolongation du mandat de la nouvelle Agence au-delà des 3 ans pour une plus grande durabilité des actions permettant aux bénéficiaires une intégration effective à terme.

Création d’un fonds de solidarité citoyenne pouvant recevoir les contributions volontaires des citoyens et des personnalités morales.

 

Fait à Nouakchott le 22 novembre 2007

Les participants


Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Réagir à cet article
Pseudo
E-mail
Commentaire
Entrer le code
La rédaction de Tahalil vous demande d'éviter tout abus de langage en vue de maintenir le sérieux et de garantir la crédibilité de vos interventions dans cette rubrique. Les commentaires des visiteurs ne reflètent pas nécessairement le point de vue de Tahalil et de ses journalistes.
Les commentaires insultants ou diffamatoires seront censurés.

TAHALIL 2006-2022 Tous droits reservés