Interview de Thiedel M’Baye : «L’artiste ne peut participer au développement qu’à travers son Å“uvre »   
04/11/2007

Thiediel M’Baye, diva de la musique mauritanienne est une artiste du pur cru. Première artiste-femme à monter un orchestre dans l’univers musical pulaar, elle a fini de s’imposer comme une référence nationale, musicalement parlant. Très tôt, abreuvée aux sources de la musique traditionnelle, la chanteuse a été à bonne école et capitalise aujourd’hui sur scène le répertoire immensément riche. Fille des grandes familles griottes de Boghé, elle a très tôt contracté le virus du chant auprès d’une tante et a décidé d’y consacrer sa vie malgré le désaccord d’un père qui voulait la voir poursuivre ses études. Dans cet entretien, la cantatrice revient sur sa carrière, son répertoire, son style, ses acquis et ses attentes.



Tahalil Hebdo : A quelle période remonte votre passion pour la musique ?

Thiedel M’Baye : Depuis le bas âge, je suis issue d’une famille griotte. J’avais une tante qui chantait très bien. C’est auprès d’elle que j’ai commencé à fredonner des chansons avant même que je ne me lance dans la chanson. Cela n’a pas été facile car mon père tenait à ce que je fasse des études. D’ailleurs j’ai poursuivi mes études jusqu’en classe de terminale. 

T.H : Dans quel style musical vous définissez-vous ? Etes- vous traditionaliste ou moderniste ?

T.M : Je suis dans les deux camps à la fois. Je fais ce que j’appelle de la tradi-moderne. Mon orchestre et moi interprétons des morceaux typiquement traditionnels tels que le « Yéla Â» sous plusieurs variantes. Nous composons aussi des chansons modernes portant sur des thèmes d’actualités. Mais même à ce niveau, nous adaptons à la musique moderne, la guitare traditionnelle Â« Hoddu Â» lors des concerts, nous commençons toujours par la musique et la danse traditionnelle ainsi que tous le décor qui va avec ensuite, on attaque le moderne et là tous les genres sont visités même la salsa.

T.H : Quels thèmes abordez-vous généralement dans votre répertoire ?

T.M : La plupart de mes chansons portent sur la sensibilisation : lutte contre l’ignorance, lutte contre la pauvreté, lutte contre l’excision, lutte pour le droit à l’enfance, l’émancipation de la femme.

T.H : Thiedel M’Baye est-elle une artiste engagée ?

T.M : Je suis engagée sur tous les fronts de la sensibilisation. Etant Présidente de l’Association des Communicateurs traditionnels, je m’investis partout pour défendre les violences faites aux femmes et aux enfants.

T.H : d’où tirez-vous votre inspiration ?

T.M : En tant que femme et mère de famille, beaucoup de choses ayant trait à la vie de tous les jours m’interpellent sur la lecture à en faire. Ma tante dont j’ai parlée plus haut m’inspire ainsi que Baba Maal également. En faisant de la sensibilisation, je participe au développement du pays car l’artiste ne peut participer au développement qu’à travers ses Å“uvres.

T.H : Thiedel M’Baye est-elle auteur ou interprète ?
T.M :
Il existe dans mon répertoire des chansons que j’ai écrites telles que Diombadio, Houmambiné,Deftere, Enfants de la rue. D’autres chansons ont été écrites par Athié Mohamed. Il s’agit de : S.I.D.A, Hare nguuro, Kaedi.

T.H : Quelle est la place de l’artiste en Mauritanie ?

T.M : Pendant longtemps, l’artiste a toujours été négligé dans note pays. Comment comprendre qu’un artiste qui se décarcasse pour monter un concert ne voit pas le public venir alors que le plus nul des artistes étrangers attire des foules et à des prix très chers là où nous réclamons 200 UM ? Nous demandons au public de soutenir les artistes mauritaniens en venant aux concerts. S’ils ont des choses à nous reprocher, qu’ils le fassent dans les médias. C’est cela qui nous fera avancer.

T.H : L’art nourrit-il son homme ?

T.M : Actuellement, ça n’est pas le cas. Imaginez qu’avec nos faibles moyens, nous nous battons pour faire produire des cassettes, les gens au lieu de les acheter pour nous soutenir, préfèrent les avoir cadeau et ils les copient sans compter avec le piratage. C’est très dur ! Certains, lors des concerts, prennent des films qu’ils commercialisent sur nos dos. On vit difficilement. Sans les tournées que l’on fait parfois en Europe et aux Etats-Unis et au Sénégal, ce serait impossible. Ici, on peut rester deux à trois mois sans faire de concert. Si on nous appelle pour un spectacle officiel, on touche un cachet de 200.000 ou 300.000 UM que l’on réutilise dans une soirée à perte car le public ne viendra pas.

T.H : Quels sont vos rapports avec les autres artistes mauritaniens ?

T.M : j’ai de très bon rapports avec tout le monde. On fait des choses ensemble mais il n’y a pas une véritable organisation. L’association des Artistes Mauritaniens a été créée mais elle n’a pas encore fait quelque chose de concret.

T.H : Q’avez-vous produit jusqu’ici ?

T.M : J’ai sorti deux albums : Â« Diombadio Â» avec 6 titres en 2001 et «Houmambiné», un album à 8 titres sorti en 2006.

T.H : Quels sont vos projets immédiats ?

T.M : Nous sommes entrain de préparer un troisième album qui va sortir en décembre 2007. Nous ferons ensuite une tournée de promotion en Europe. Pour le moment, nous faisons quatre répétitions par semaine pour préparer l’album avec les mêmes musiciens qui m’ont toujours accompagnés.

T.H : Un dernier mot ?

T.M : J’appelle le public à prêter plus d’attention aux artistes. Les médias doivent aussi aider à la promotion. Ils doivent nous soutenir. Actuellement tous les artistes ont senti le changement. Si nos compatriotes viennent voir nos spectacles en participant avec 200 UM, ça nous encourage.
Propos recueillis par Biri N’Diaye


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