Mon retour sur Terre, une raie aux nageoires bleues   
18/05/2014

Plusieurs mois que mon profil est en apesanteur. Symboliquement, je me trouve, depuis, loin des miens, des terriens, jouant au navigateur interplanétaire. Je ne respire que par scaphandre, bouteilles de gaz sur ...



... mon dos, mes narines dans des tuyaux qui me fournissent l’oxygène, et Ă©vacuant le dioxyde de carbone.   Et cette combinaison encombrante? Elle me sert de protection contre le froid, contre les rayons cosmiques, contre les micromĂ©tĂ©orites...et des « trucs » contre la dĂ©pressurisation… Trop lourds, trop complexes, ces Ă©quipements d’astronautes ! Je les supporte difficilement, surtout que je n’ai pas eu cette chance, comme les autres cosmonautes. Moi, je n’ai pas fait la CitĂ© des Etoiles...ni aucun autre centre d’entrainement pour spationautes. De ce fait, je ne suis pas du tout prĂ©parĂ© aux risques inhĂ©rents Ă  l’espace extra atmosphĂ©rique.
Par exemple : l’autre jour, depuis que des débris spatiaux ont failli me taper plein sur la figure, revenir sur Terre, j’y pense intensément. Effrayé, l’idée me hante tout le temps, ça me travaille inlassablement. Certain que ça n’aurait tardé à venir, je me refusais pourtant à l’évidence, mon esprit hésitant, faisant rempart contre la vérité, contre mon retour parmi les miens.
Tôt ou tard, elle finira par s’imposer, cette lapalissade : « jouer à l’extra terrestre est insensé pour le terrien que je suis », me disais- je souvent, bien que indécis parfois. Mais cet après midi, la barrière sauta subitement. Et la décision tomba rapidement, me ramenant du ciel.
Quelques mots échangés avec une personne à qui je suis très attachée, et me voilà sur Terre.
Des rapports très solides nous lient. Des intimités profondes, qui parlent fort. Difficile à cerner, à qualifier, à préciser : c’est de l’amour et toute sa force de persuasion.
Résultat : mon retour effectif sur Terre. Où : en mer, dans l’air, ou sur la terre continentale ?
Là encore, une décision curieuse, aux conséquences imprévisibles pour l’humain que je suis : j’ai pris l’option de me fondre dans la faune marine, mon profil devenant cette belle raie que vous voyez.
Pour combien de temps l’accoutumance durera ? Comment serai- je accueilli, moi qui suis dévastateur de tous les milieux, moi l’homme destructeur de la biodiversité, l’homme ennemi des équilibres environnementaux… ? Comment est ce que je serai accepté dans ces milieux marins, riches, complexes… mais répulsifs et aussi fragiles? Serai-je intégré ou, au contraire, des trains de vagues vont-ils me repousser, me jeter, violemment, à l’extérieur, hors de l’eau, m’échouant je ne sais où? Kham.
En attendant de savoir, je médite cette mauvaise réputation qui me colle maintenant à la peau: celle d’animal égoïste, féroce et détestable. Mon nouveau "statut" d’Etre aquatique bizarre, en quête de refuge invraisemblable sous l’eau, ne risque pas d’y changer grand chose.
Mon sors d’homme est plus qu’incertain sur Terre. Ma réflexion ne conduisant nulle part, je me résigne à me contenter de cette option de raie aux nageoires bleues. C’est mon nouveau logo, mon profil, comme on dit, dans la "tribu" FB.
Je vous le présente, chers amis. Appréciez le, tout en pensant à notre rapport à cette planète Terre, qui nous abrite, et que nous ne cessons pas de mettre à mal par notre bêtise humaine.


El Boukhary Mohamed Mouemel


Mai 2014


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