ENFVA de Kaédi: chronique d’une mort annoncée   
26/07/2007

L’Ecole Nationale de Formation et de Vulgarisation Agricole (ENFVA) tout comme le lycée de Rosso, fait partie des premiers établissements dont s’est dotée la Mauritanie. En effet, elle a été mise en fonction aux premières heures de l’indépendance. En 1962 déjà, naissait le Centre de Formation et Vulgarisation Agricole (CFVA) dans les locaux des silos de Kaédi avant d’aménager dans ses propres bâtiments. 



Pendant plusieurs années, elle a formé et produit le fleuron des cadres du développement rural et de l’élevage. Mais depuis la fin des années 80 elle se meurt lentement.
Située à quelques six kilomètres de la ville de Kaédi, l’ENFVA s’est pendant longtemps présentée comme un camp retranché car à l’époque où elle tournait à plein régime, s’y rendre n’était pas aisé. Le site a été implanté dans un espace caractérisé par une végétation luxuriante. La longue haie qui s’enfonçait dans la forêt dégageait une hostilité qui décourageait plus d’un. A l’époque, pour pénétrer dans les locaux de l’école, il fallait montrer patte blanche. Il fallait y être interne ou accompagner un des nombreux cadres, employés et ouvriers qui y travaillaient. Ceci donnait la permission de grimper dans une des voitures qui faisaient la navette entre l’école et la ville. C’était un privilège rare en cette période, car monter à bord d’une voiture n’était pas donné à tous. Mais les élèves internes de l’ENFVA n’étaient pas des élèves comme les autres. Ils étudiaient dans un cadre sain, ils vivaient dans des dortoirs et se restauraient dans des réfectoires tenus avec maestria par des maîtres d’internat. Le menu proposé était des plus étudiés. Chaque repas était suivi d’un dessert. L’école avait une autonomie certaine quant à son fonctionnement. Ainsi, elle disposait d’un maçon, d’un menuisier d’un maître-forgeron, de jardiniers et d’une pléthore d’ouvriers. Par ailleurs, le prestige de l’ENFVA se reflétait également à travers les avantages criards dont jouissaient ses élèves. Ainsi, l’école était pourvue d’ équipes de foot-ball, de basket-ball et de volley-ball particulièrement équipées. Qui ne se souvient pas de l’arrivée des joueurs de cet établissement dans l’enceinte du stade de Kaedi lors des parties mémorables? Ils arboraient des maillots frappés des initiales de l’école, portaient des chaussures à crampons à côté des autres joueurs aux tenues dépareillées. Qui ne se souvient également pas des bals de fin d’année qu’organisait l’école et où tout le gratin de Kaédi convergeait chaque an avec l’assurance de manger un bon méchoui et de boire autant de bouteilles de soda que l’on veut à condition de rester éveillé jusqu’à l’aube. Ces bals étaient cotés et ont connu le sommet de la popularité l’année où Labba Sooseh, star de la musique salsa est venu animer la soirée de fin d’année. L’ENFVA est donc cette institution qui a formé un très grand nombre de cadres du développement rural mais aussi des hauts cadres de l’élevage. L’école était un sanctuaire où étaient expérimentées les théories de l’agriculture et de l’élevage, c’est pour cette raison que cet emplacement a été choisi. Les élèves pouvaient facilement étudier les plantes qui foisonnaient tout au tour ainsi que les bêtes dont un grand nombre vivait sur place. Toutefois, il est regrettable de devoir évoquer tout ce qui a trait à l’ENFA à l’imparfait. En effet, c’est un fait incontesté aujourd’hui que d’affirmer que l’école a ses heures de gloire derrière elle. Depuis la fin des années 80, une politique de mise à mort à petit feu a été entreprise en son endroit. Cela s’est d’abord manifesté par la non absorption des sortants dans le tissu de la fonction publique. Pendant plusieurs années, plusieurs promotions sont restées au chômage au point de jeter le discrédit sur la validité des diplômes. On laissait entendre alors que l’école ne formait que les candidats malheureux de l’enseignement général. En revanche, certains ont vu dans ce fait une sanction du régime d’exception qui oeuvrait pour asphyxier la ville de Kaedi en torpillant toutes les infrastructures fonctionnelles de l’heure pour lui faire payer le prix de son opposition.
En tout cas, quelque soit la réelle cause de la situation actuelle de cette école, une chose est certaine, c’est que l’ENFVA mérite qu’on la réhabilite en restaurant les bâtiments qui sont encore solides, mais surtout en relançant la formation et le suivi des professionnels de l’agriculture et de l’élevage car dans tout le pays, aucun autre site ne répond mieux à cette vocation. Ce serait bien que les salles de classes, les allées et les ateliers de l’école revivent pour ne plus ressembler à cet espace aux airs hantés qu’elle présente actuellement. Pour la petite histoire, l’école a été le lieu de détention de l’ex Chef d’Etat Mohamed Khouna Ould Haidalla. Le voisinage se rappelle encore de sa silhouette sur la colline surplombant l’établissement, son poste radio collé à l’oreille.
Biri N’Diaye


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