«Maa vih mouchkilé»   
11/06/2007

Il existe en nous mauritaniens un sacré état d’esprit, c’est celui de ne rien prendre au sérieux. On s’entend dire à propos de tout : Â«Maa vih mouchkilé». En d’autres termes : il n’y a aucun problème. Cette boutade se répercute jusque dans les sphères les plus vitales de notre société.



Tout le monde conviendra sur le fait que le domaine de la santé est un univers où il n’y a pas de place pour l’approximation. Hélas ce serait mal connaître le «courage» de mes concitoyens. Si le sermon d’ Hippocrate oblige le praticien ou l’apothicaire à n’exercer leur profession qu’après des études sanctionnées de diplôme et dans le respect de l’éthique et de la déontologie, il y en a qui ne s’embarrassent pas de fioritures pour plonger les pieds joints dans le métier, sans le moindre parchemin en poche. Et c’est là le drame ! Déjà que tout le monde s’adonne à l’automédication. On ne sait pas pourquoi, mais, la plupart des fils de ce pays rechignent à surveiller leur santé et encore moins à se rendre chez le toubib. S’il arrive qu’ils couvent une vilaine grippe ou un mal de dent, le réflexe est de se rendre chez le pharmacien, pardon, le marchand de médicaments du coin. Là, ni vu, ni connu, ils se font servir des médicaments sans la moindre ordonnance. Le milieu pharmaceutique mauritanien est une cour des miracles. Quiconque veut exercer ce métier peut le faire sans aucun mal. Il suffit simplement de savoir rendre la monnaie au client qui vous tend un billet de banque, car ceux qui vous servent ne se préoccupent jamais de l’article demandé mais plutôt de la valeur marchande du dit article. Un médicament est certes un produit conçu pour soigner un mal mais il n’est pas totalement inoffensif car c’est d’abord un produit chimique. La question est de savoir si on n’a pas fait des études en pharmacie, comment peut-on prévenir les risques encourus par un patient ayant absorbé un médicament contre indiqué ? Et pourtant c’est ce qui se fait de mieux dans les officines de Nouakchott et de partout ailleurs dans le pays. Non contents de manipuler et de recommander des produits dont ils n’ont souvent aucune notion, certains vendeurs de médicaments se muent à l’occasion en infirmiers et se permettent même d’injecter des piqûres à de braves gens dans l’arrière cour de leurs boutiques. C’est bien d’une boutique qu’il s’agit car ici, le port de la blouse n’est pas un sacerdoce, les médicaments sont disposés sur des étagères comme de vulgaires marchandises et parfois dans la crasse. Cette situation est grave. Ça l’est à telle enseigne que parfois, l’on se fie à l’instinct et par élimination. Ainsi lorsque l’on entre dans ces officines, on cherche du regard la personne la plus âgée et on s’adresse à cette dernière pour se faire servir ou conseiller plutôt qu’aux jeunets impertinents qui vous lancent : Â«vous voulez un produit français ou marocain ?». Cette dichotomie qui liste les médicaments en deux variantes est tout aussi terrifiante pour les acquéreurs. Les articles dits français sont plus chers que ceux provenant du Maroc mais on vous dira toujours qu’ils ont le même effet. Si tel est le cas pourquoi importer les premiers? C’est pareil pour les «équivalents.» C’est quand vous demandez un flacon ou un tube ne se trouvant pas dans les rayons et qu’on vous dise : Â«nous avons son équivalent !». Dans ce cas, le vendeur fait dans le marketing pour vous influencer et avoir vos sous. S’il y avait réellement l’équivalence comme ils disent pourquoi le médecin prescrit tel produit et non un autre ? Les mauvaises langues diront que même ce dernier est de mèche avec les grands groupes pharmaceutiques et, par l’entremise des délégués médicaux, ils font la pluie et le beau temps des marques de médicaments. C’est à y perdre le nord! Dans cette grande foire, c’est le patient qui est le dindon de la farce. Lui qui ne sait qui croire. En tout cas une chose est certaine : On peut estimer qu’être corrompu jusqu’à la moelle des os n’est pas une chose grave en soi, qu’exploiter outrageusement son prochain est ce qu’il y a de plus normal au monde, considérer que finalement que toutes les vilenies du monde sont permises, mais, la Santé, la Santé, la Santé n’a pas de prix et on ne doit en aucun cas la monnayer. Il est plus que temps de débarrasser nos pharmacies des «weggaves» qui l’infestent et de les renvoyer à leurs chères boutiques. Là-bas, ils seront moins dangereux. Relativement.

BIRI NDIAYE


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