L’Algérien Moktar Belmokhtar, un important chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) destitué par sa hiérarchie il y a quelques semaines, a quitté cette organisation dont des phalanges sont installées dans le nord du Mali depuis plus de 10 ans.
Moktar Belmokhtar, était chef de katibate Almoulathamoune - unité combattante - présente à Gao (nord-est du Mali) avant d’être destitué courant octobre. "Moktar Belmokhtar n’a pas supporté sa destitution. Il a envoyé à sa hiérarchie une lettre annonçant qu’il n’est plus membre d’Aqmi", a déclaré une source sécuritaire malienne. "Belmokhtar a claqué la porte des rangs d’Aqmi. Il est désormais un électron libre dans le Sahara. Il peut être tenté de composer avec le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (Mujao)", a affirmé de son côté une source sécuritaire régionale. Moktar Belmokhtar est un des chefs historiques d’Aqmi, qu’il a introduit dans le nord du Mali. Selon des sources sécuritaires concordantes, il a combattu en 1991 aux côté des jihadistes en Afghanistan, avant de revenir trois ans plus tard dans son pays intégrer le Groupe islamique armé (GIA). Il a ensuite été "émir" dans le Sud algérien, voisin du nord du Mali, où il a aidé à installer le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), devenu ensuite Aqmi.
Belmoktar, a décidé de quitter Aqmi pour créer un mouvement plus large, ont déclaré lundi 3 décembre un de ses proches, Oumar Ould Hamaha, et un maire-adjoint du nord du Mali qui a souhaité conserver l’anonymat.. "C’est vrai", a déclaré Oumar Ould Hamaha. "C’est pour que nous puissions mieux opérer sur le terrain que nous avons quitté ce groupe qui est lié à l’appellation ’Maghreb’. Nous voulons élargir notre zone d’opération à travers tout le Sahara, en allant du Niger jusqu’au Tchad et au Burkina Faso." Oumar Ould Hamaha a précisé que Belmoktar et lui-même restaient sous les ordres d’Al-Qaïda l’organisation mère d’Aqmi. Aqmi a appelé lundi les dirigeants africains à se désolidariser de la "politique va-t-en guerre de la France" dont elle a menacé la vie des sept ressortissants otages et ses intérêts au Sahel jusque-là épargnés. "A Hollande (François) et certains dirigeants africains, si vous voulez la paix et la sécurité dans votre pays, nous sommes pour. Si vous voulez la guerre, le Sahara sera un grand cimetière pour vos soldats et un désastre pour vos intérêts", a déclaré le chef d’Aqmi, Abou Moussab Abdel Wadoud plus connu sous le nom d’Abdelmalek Droukdel, selon une vidéo diffusée sur des sites islamistes. Dans cette vidéo intitulée, "L’invasion du Mali, une guerre française par procuration", le dirigeant islamiste radical algérien accuse la France de vouloir à tout prix diviser le Mali pour profiter des richesses de ce peuple qu’elle a déjà appauvri via ses multinationales. "Le prix de la décision de Hollande sera très élevé, les sages français se doivent de destituer ce président s’ils veulent préserver les intérêts de leur pays". L’ancien chef du Groupe salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC, actif en Algérie durant la décennie noire des années 90) affirme que son mouvement dispose de nombreuses armes et menace d’éterniser la guerre "pour vous saigner et accentuer votre crise économique". "Cette guerre va nous valoir beaucoup de sympathie et nous rendra plus déterminés à frapper vos intérêts, qui sont nombreux au Sahel et que nous n’avons pas encore visés". Il appelle les familles des sept otages français, dont le dernier a été enlevé le 20 novembre dans le nord-ouest du Mali, à mener une campagne médiatique pour les sauver. "En dépit des déclarations de Hollande qui affirme tout faire pour les sauver, sa volonté de mener une guerre au Mali ne fait que creuser leurs tombes", menace encore Droukdel. A l’adresse des pays du Sahel, Mauritanie, Sénégal, Côte d’Ivoire et Niger Droukdel les appelle à suivre cette devise africaine: "quand ta maison est en verre, ne jette pas de pierres sur les gens". Ces pays, membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), doivent envoyer quelque 3,300 soldats au Mali pour l’aider à reconquérir le Nord occupé par des groupes islamistes dont Aqmi, dès que l’Onu aura donné son accord. Quand la guerre sera déclenchée, leur déclare-t-il encore, "les débris toucheront toutes les maisons en verre pour les détruire". Le président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne, a reçu mardi pour la première fois ensemble des émissaires du pouvoir malien et des groupes armés Ansar Dine et MNLA. "Le président recevra toutes les délégations ensemble demain (mardi) à 16H00 (locales et GMT)", a annoncé la présidence burkinabè. Une délégation du gouvernement malien a été reçue lundi par M. Compaoré. Des représentants d’Ansar Dine, l’un des groupes islamistes armés occupant le nord du Mali, et de la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) sont arrivés depuis ce week-end dans la capitale burkinabè en vue des premières discussions conjointes avec des représentants du pouvoir malien. La délégation de Bamako, emmenée par le ministre des Affaires étrangères Tiéman Coulibaly, a rappelé ses conditions pour un dialogue, après un entretien de moins d’une demi-heure avec M. Compaoré, médiateur pour la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). "Nous agissons dans le cadre de la Constitution du Mali : la République est une et indivisible et elle est laïque, et à cet égard les revendications indépendantistes et autres, les tentatives d’installer une confession et une loi par la force ne peuvent pas prospérer au Mali", a souligné M. Coulibaly devant la presse. Mouvement essentiellement composé de Touareg maliens, Ansar Dine occupe le nord du Mali avec deux autres groupes islamistes, les jihadistes surtout étrangers d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Ils appliquent très strictement la charia (loi islamique) dans la région. Rébellion touareg laïque et prônant l’autodétermination du Nord malien, le MNLA a été évincé en juin de la région par les islamistes avec qui il avait mis en déroute l’armée malienne en début d’année. Il reste toutefois considéré comme un acteur-clé. Depuis plusieurs mois, M. Compaoré "a beaucoup discuté avec les uns et les autres dans le cadre de séances préparatoires. Je crois que le moment est venu de passer à une autre phase, c’est pour cela que nous sommes là ", a encore expliqué le chef de la diplomatie malienne. "Nous aboutirons", a-t-il assuré. Il s’est cependant montré prudent sur les discussions de mardi : elles doivent selon lui seulement permettre d’examiner "les possibilités d’amorcer un dialogue". Ce qu’un autre membre de sa délégation interrogé par l’AFP, l’homme politique Tiébilé Dramé, appelle une "phase pré-exploratoire". Le président Compaoré pousse à une solution négociée alors que se prépare une intervention armée africaine, qui attend l’aval de l’ONU. Si les discussions de Ouagadougou aboutissaient, une éventuelle opération militaire ne devrait viser que les groupes "terroristes" occupant le nord du Mali, Aqmi et le Mujao. Mais certains à Bamako refusent tout compromis avec Ansar Dine et le MNLA. Plusieurs associations et partis politiques maliens se sont dits samedi contre toute négociation avec ces mouvements et ont récusé la médiation de M. Compaoré. (Agences)
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