Le nouvel épisode dans les hostilités entre le Pouvoir et les islamistes rappelle à bien des égards, les précédents. Parmi les prévenus interpellés, il y en a qui ont quitté leurs cellules, il y a à peine quelques mois. Quand aux accusations formulées par la Police, elles sont à quelques nuances prés, similaires à celles avancées depuis mai 2003.
Cette fois, les accusations sont nettement plus graves parce que la Police parle d’ «organisation terroriste» et de l’existence d’une «structure dangereuse pour le pays». Mais il s’agit toujours d’une accusation qui ne s’éloigne guère de celle de mai 2003 suite à la grande rafle qui avait concernée plus de 40 personnes.
A l’époque, les autorités avaient parlé de "l’utilisation des mosquées en vue de l’embrigadement de jeunes pour des menées subversives", mais aussi de " connexions avec les milieux terroristes et extrémistes à l’étranger". Placés en détention préventive durant un mois les islamistes avaient été présentés à la justice le 3 juin 2003 et inculpés pour "complot contre la sécurité intérieure et extérieure du pays", "complot contre l’ordre constitutionnel" et "appartenance à des associations illégales". Ils ont été écroués le 3 juin 2003 à la prison de Beila. Quelques jours, après il y eut la tentative de putsch du 8 juin 2003.
Les islamistes sortent de cette prison dans le tohu- bohu et la regagnent le 11 juin 2003, quand la situation s’était calmée.
Seul, Jemil Ould Mansour avait manqué à l’appel. Après un exil bruxellois, il reviendra au pays quelques mois plus tard, se fera prisonnier, avant d’être remis en liberté.
Par contre, tous les autres prévenus avaient regagné leurs cellules, d’où ils sortiront le 25 août 2003. Rebondissement, le 25 août 2003. Dans un élan de décrispation qui allait d’ailleurs bénéficier au leader du Front populaire M Chbih Ould Cheikh Mélainine, la liberté provisoire, était accordée à tous les prévenus islamistes. Ces derniers la refusent au début, exigeant l’annulation des poursuites lancées contre eux, avant d’être contraints de sortir de leur prison. Sortis de prison, les islamistes se lanceront dans la campagne électorale en apportant leur soutien massif à l’ex-président Mohamed Khouna Ould Haidalla. Après les élections du 7 novembre 2003 et la tension qui s’en suivra, la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP) dans laquelle ils étaient des acteurs principaux éclate. Les islamistes affluent au Parti de la Convergence Démocratique (PCD) que les autorités refusent de reconnaître. Le 3 octobre 2004, nouvelle tension. Après l’arrestation du Capitaine Abderrahmane Ould Mini et le démantélement de «la filière Koutiala», les autorités se rendent compte de la présence au sein des «Cavaliers du Changement» de plusieurs jeunes affiliés à la mouvance islamiste : Ould Siyam, Sid’Amar Ould Cheikhna , Brahim Ould Kherchy , Moulaye Ould Brahim.
Les dirigeants islamistes s’empressent d’apporter des précisons. Jemil Ould Mansour rend public un communiqué le 4 octobre dans lequel il exprime ses réserves par rapport à ces informations parce qu’émanant des autorités, mais précise qu’au cas où elles sont confirmées, que les islamistes n’hésiteront pas à condamner de telles attitudes et les considérer comme l’expression de volonté personnelle qui ne reflète en rien la position de la mouvance islamiste dans son écrasante majorité.
Et Ould Mansour d’ajouter que malgré la marginalisation, l’isolement, le bannissement et la privation des droits, la mouvance islamiste a choisi la voie pacifique. A son tour Ould Dedew a appelé le 7 octobre 2004 au cours d’un rassemblement organisé par les islamistes à la Mosquée "Al Dhikr" de Dar Naim, à une réconciliation nationale pour l’intérêt de la Nation et des citoyens.
Ould Dedew a puisé, dans une série de références tirées du Saint Coran et de la Sunna, condamnant l’utilisation des armes contre les gouvernants et les gouvernés et l’interdiction de porter du tort à l’endroit des personnes.
Le 10 Octobre 2004, une journée après l’arrestation de Saleh Ould Hannena à Rosso, les trois des principaux dirigeants de la mouvance islamiste, (Mohamed El Hacen Ould Dedew, Jemil Ould Mansour et Moctar Ould Mohamed Moussa) sont de nouveau interpellés. Dans la soirée du 10 octobre 2004, la Police publie une déclaration sous la référence 0052/DPJSP/DGSN. Le Commissaire principal Nkeranny Ould Mohamed Mahmoud a expliqué la raison des interpellations:
" Messieurs Mohamed El Hacen Ould Dedew, Moctar Ould Mohamed Moussa et Jemil Ould Mansour ont été interpellés dans le cadre de l’enquête en cours, car des jeunes évoluant dans leur sillage ont été recrutés et convoyés par Hamoudi Ould Siyam, Yehdhih Ould Mohamed Ould Ebnou, Sidi Mohamed Ould Mohamed et Mohamed El Moustapha Ould Sid’Ahmed vers le nord de la Côte d’Ivoire en zone rebelle, afin d’être formés pour des actions de terrorisme en Mauritanie." Entendus, les dirigeants islamistes seront remis en liberté quelques jours après. .Mais le 2 novembre 2004 les choses se gâtent à nouveau. Après la publication par des sites proches de la mouvance islamiste de photos représentant des scènes de torture les dirigeants islamistes sont de nouveau accusés dans communiqué de Police en date du 3 novembre 2004 , de "subversion" et présentés le 15 novembre 2004 devant le parquet . Le parquet les a accusé de " complicité dans la fabrication et l’usage de faux sur des images (photos), de nature à créer des trouble à l’ordre public extérieur et intérieur du pays et à porter atteinte à une structure organisée, conformément aux articles 19-23-24-25 de la loi n° 23/91 organisant la liberté de la presse ainsi que la violation de l’article 5 de la loi n° 19/94 par la publication de photos montrant des personnes nues et soumis à la torture, chose qui est contraire à la morale islamique et aux valeurs humaines, conformément aux articles 4-5 de la loi 19/94 en date du 03/07/94 organisant l’exercice de certaines activités audio-visuelles ainsi que l’article 263 du code pénal ". Trois mois après nouveau coup de théâtre dans ce feuilleton à multiples rebondissements. Dans la soirée de dimanche 13 février 2005, les dirigeants islamistes sont de nouveau remis en liberté. Une mesure prise comme pour s’inscrire dans la décrispation de la scène entamée avec l’apaisement né du verdict du procès de OuadNaga. Un verdict qui ne comportait aucune condamnation à la peine de mort. La remise en liberté est intervenue également suite à la détérioration l’état de santé de Cheikh Mohamed El Hacen Ould Dedew sur la base du diagnostic du Pr. Moustapha Ould Mohamedou, qui a consulté Ould Dedew à la prison civile de Nouakchott et qui avait recommandé qu’ « il est urgent d’adresser le malade dans un centre spécialisé en France, au Maroc ou en Tunisie». 25 avril 2005. Rebondissement dans le feuilleton Pouvoir/ Islamistes .Treize personnalités de la mouvance islamiste représentant ses deux courants de pensée : les Frères Musulmans (modérés) et les Salafistes (radicaux) sont interpellés dans le cadre du démantèlement d’une «structure dangereuse» pour le pays.
Les développements futurs de la présente affaire sont difficiles à deviner. Le pouvoir est appelé à choisir entre le traitement radical et le traitement habituel. S’il n’y a aucun doute sur la présence de jeunes islamistes au sein de l’organisation armée des putschistes en fuite, «les cavaliers du changement», et s’il est plausible que d’ autres jeunes islamistes ont fait l’école du GSPC, il reste à prouver la responsabilité des dirigeants politiques de l’islamisme mauritanien dans les folies ou écarts de jeunesse de leurs militants.
*Brigade Mossa’ab ibn Oumeir : Les islamistes ont été accusés en septembre 1994 d’avoir un bras armé sous cette dénomination.
IOM
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