Dans cette nouvelle chasse à l’islamiste engagée depuis le 25 avril, un groupe de treize figures de l’islamisme mauritanien sont entre les mains de la Police. En plus d’un premier groupe de présumés djihadistes interpellés la mi-mars et des douze personnes arrêtées le 25 avril ,
un treizième, Habib Ould Hemdeit , conseiller du ministre de la Culture a été interpellé la journée du 26 avril. Tout au long des journées du 26 et 27 avril, aucune interpellation n’a eu lieu, semble-t-il. On parle néanmoins dans les milieux islamistes de quelques dizaines de recherchés.
D’ailleurs, certains dirigeants islamistes recherchés sont toujours en clandestinité d’où ils sortent sur les chaînes satellitaires et d’où ils diffusent des déclarations. Il s’agit de Jemil Ould Mansour, de Mohamed Ghoulam Ould El Haj Cheikh (secrétaire général du «Ribat», une association anti-normalisation avec Israél) et de Khattri Ould Hamed.
Ces deux derniers ont d’ailleurs, une expérience de la clandestinité : Ils avaient, tous les deux, pu échapper à la rafle de mai 2003.
Dans les rapports Pouvoir/Islamistes, les récentes interpellations nous ramènent à la case départ. Les autorités qui n’avaient pu, au mois d’octobre 2004, établir un lien entre les dirigeants islamistes et des jeunes islamistes complices des putschistes en fuite, estiment cette fois, tenir la preuve du radicalisme du mouvement islamiste sur la base des aveux et de la dénonciation de salafistes djihadistes inscrits à l’école du GSPC algérien.
Guerre de communiqués
Le 25 avril, la Police a rendu public un déclaration signée de son porte- parole, le Commissaire Yahfdou Ould Amar, directeur de l’Inspection et de l’Ethique dans laquelle il est dit que «les services de sécurité ont reçu il y a trois semaines spontanément, les aveux de quelques éléments affiliés à une organisation terroriste, qui leur ont revelé l’existence d’une structure dangereuse pour le pays. Et de poursuivre que «l’enquête menée par la Police a d’ores et déjà établi que ce groupe a envoyé une vingtaine d’éléments en formation militaire auprès du GSPC, dont un premier contingent de 7 éléments est revenu au pays». Eléments qui ont donc été arrêtés et placés sous enquête. A la fin de la déclaration, nous apprenons que «le démantèlement de cette structure rentre dans une phase nouvelle, avec l’arrestation, sur dénonciation des principaux chefs de cette organisation». Ainsi, et si l’on comprend bien, les dirigeants islamistes ont été arrêtés sur la base d’une dénonciation «spontanée» d’éléments qui étaient en formation au sein du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC). Fondé en 1998 par Hassan Hattab, le GSPC est une organisation créée pour prendre le relais du Groupe Islamique Armé (GIA algérien). Son émir national Nabil Sahraoui a été abattu par les services de sécurité algériens en juin 2004, et la loi sur la concorde nationale en Algerie a débauché l’essentiel de ses troupes. Le numéro deux du GSPC Abderrazak le Para avait été capturé par des rebelles tchadiens en mars 2004 et livré aux autorités algériennes. Malgré sa présentation comme une organisation terroriste par le département d’Etat américain et comme mouvement affilié à Al Qaida, auteur de multiples attentats sanglants en Algérie et du kidnapping entre février et août 2003 de touristes européens, de nouvelles révélations troublantes concernant le GSPC ont été publiées récemment par « Le Monde Diplomatique » dans son édition de février 2005, sous le titre : Enquête sur l’étrange «Ben Laden du Sahara».
Très troublant en effet, car Abderrazak le Para est présenté dans cette enquête, plus comme un outil de la raison d’Etat, que du Terrorisme. En outre, un deuxième groupe supposé être affilié au GSPC fait du Nord du Mali sa base de repli. Ce deuxième groupe dirigé par Moctar Bel Moctar alias Bélaouar (le borgne) est considéré comme étant plus contrebandier que dogmatique.
Réaction des Islamistes «A chaque fois que la pays surpasse une épreuve, il est tiré vers une dérive» Dans une déclaration diffusée le 27 avril, les islamistes ont réagi au communiqué de la Police soulignant que «malgré l’espoir suscité dans un contexte global, pour le rapprochement et la compréhension, en dépit des divergences de vues et après que les acteurs politiques aient appelé au dialogue comme seule issue aux tensions sécuritaires, politiques et économiques, la Police a procédé à l’arrestation d’oulémas et des personnalités prétextant l’existence d’une organisation terroriste, un procédé qui rappelle les mises en scènes de la brigade de Moussa’b Ibn Oumeir*, l’anti-malékisme, le soutien aux putschs et la diffusion de photos portant atteinte aux valeurs». Décrivant un contexte national marqué par les tensions de tout ordre, dénonçant le décalage du week-end , la visite du ministre israélien des Affaires Etrangères , la hausse des prix, les détournements des deniers publics , rappelant la grève des employés de la SNIM, le cas de détenus de Ouadnaga, les islamistes affirment qu’en prenant pour cible le mouvement islamiste réputé pour «son centrisme et sa retenue», les autorités et les lobbys dévoilent leur véritable nature. Selon les islamistes, «ces lobbys ne veulent pas que les mauritaniens aient un quelconque répit», car soulignent-ils, à chaque fois que la pays surpasse une épreuve, il est tiré vers une dérive et ce dans le but de «perdurer un système d’exception duquel certains lobbys tirent profit, pour dilapider les ressources et préserver des intérêts personnels».
Les islamistes se déclarent en outre, attachés à la voie qu’ils se sont tracés, affirmant que la répression ne les entraînera pas à l’encontre de leur volonté de suivre une voie centriste modérée et pacifique, loin de toute formes de violence et de troubles .
A la fin de leur déclaration, les islamistes appelleront toutes les forces politiques à défendre les libertés, à s’ériger contre l’arbitraire, et à dénoncer la future visite du ministre israélien des Affaires Etrangères.
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