Ali fait partie de ces centaines de charretiers qui, dès 8h du matin, se
retrouvent aux points d’eau du quartier pour remplir bidons et barils à livrer
aux clients habituels. " …nous livrons entre 20 et 200 litres, selon la taille
du foyer, qui peut tenir Ă 12 personnes ou 3, pour quelques rares familles
monoparentales" explique-t-il en ne quittant pas des yeux sa charrette dĂ©jĂ
pleine de 3 barils. En moyenne, il livre jusqu’à 6000 litres par jour.
Quelques centaines de moins durant les périodes de canicule, où les prix
grimpent et le liquide précieux se raréfie. " Ce qui met certains foyers dans
l’obligation de se rationner " affirme-t-il. La récente hausse des prix du
baril de 200 litres, à 500 ouguiyas, contre 400 habituellement, obéit simplement
à la loi mécanique de l’offre et la demande selon lui. "On ne saurait mettre en
cause la cupidité des marchands d’eau" soutient-il tranquillement, en cravachant
ses deux ânes. La pénibilité du travail est grande. Ali travaille en moyenne
10h par jour, et les bénéfices ne sont pas aussi grands que beaucoup le croient.
"Je gagne à peu près 200 ouguiyas par baril livré, et cette somme est ajoutée au
coût de l’eau. J’achète le baril de 200 litres à 200 ouguiyas, je le revends en
temps normal à 400, ou à 500, voire beaucoup plus parfois … " reprend-il,
songeur. La hausse des prix du baril, n’augmenterait donc, que pour compenser
une peine du travail plus excessive. En effet " les robinets sont coupés
durant les temps de grosse chaleur, car les balcons sont vides. Les camions ont
beaucoup plus de travail et ne peuvent respecter les délais habituels de
livraison " ajoute un responsable de la SNDE. Ali en grande tournée
Voilà le premier foyer à livrer. Ils ont demandé 100 litres; Ali remplit 5
de leurs bidons avec son vieux tuyau usé. Il jette dans la besace, ses premiers
250 ouguiyas de la journée. Il lui reste encore 500 litres à livrer avant de
retourner au point d’eau. À 10h, la première tournĂ©e est effectuĂ©e, il lui reste
à en faire 4 ou 5 pour tirer un revenu substantiel de la journée, soit 3000
ouguiyas en moyenne. " En pleine canicule, en retournant au point d’eau, je peux
attendre plus d’une heure pour recharger mes barils, ce qui me retarde
considérablement dans mes livraisons; dans ces cas, je peux finir très tard,
jusqu’à 22h " avoue-t-il, en attendant le remplissage de ses barils. Retour Ă
la case départ, à peine quelques bidons jaunes devant la borne fontaine. 15
minutes plus tard, c’est reparti pour de nouvelles livraisons vers un autre
point. Cette fois-ci, Ali arrive à une maison qui a un balcon, qu’un
camion-citerne de la SNDE vient remplir 2 fois par mois, mais celui-ci aurait un
retard de plusieurs heures… en attendant, ils s’alimentent auprès d’Ali, pour
parer aux travaux d’urgence, comme la cuisine, la vaisselle .… En le
quittant, je lui demande comment il fera avec l’arrivée de l’eau du fleuve
Sénégal en ville, avec le projet Aftout Es Sahili. Il ne connaissait pas. Après
lui avoir expliqué que ce projet permettra la mise en place d’un réseau
d’alimentation en eau courante pour ses clients qui n’en seront plus. Il me dit
avec un grand rire: " demain est un autre jour! ".
|