Guerre du Sahara: La bataille de Boulanouar   
14/07/2021

Le 02 DĂ©cembre 1977, vingt six jours après l’attaque de Bir Gendouz, le Fpolisario attaque la Base de Boulanouar. 



La base militaire de Boulanouar, au moment de l’attaque, est composĂ©e de deux escadrons statiques et d’un escadron motorisĂ© rĂ©duit soit un effectif de cent cinquante six hommes. La mission de la base militaire est d’assurer la sĂ©curitĂ© du Chantier de la SociĂ©tĂ© Nationale Industrielle et Minière (SNIM) installĂ© par la MIFERMA sur un forage Ă©quipĂ© en charge d’assurer le ravitaillement en eau de Nouadhibou, Zouerate et d’autres chantiers Ă©parpillĂ©s sur les six cent cinquante kilomètres de la voie terre,  reliant Zouerate Ă  Nouadhibou.
   Le dispositif de dĂ©fense de la base est articulĂ© en trois positions statiques et deux pelotons motorisĂ©s. Les positions statiques, armĂ©es de mitrailleuses (Mit 50 et Mit 30) et de mortiers (81m/m et 60m/m) et bien amĂ©nagĂ©es avec des fortifications Ă  base de rails et de traverses, sont installĂ©es sur trois Ă©lĂ©vations points –clĂ©s au nord-ouest, au sud-ouest et au sud-est de la localitĂ©, leur permettant de contrĂ´ler la quasi totalitĂ© du terrain. Les positions sont distantes d’un kilomètre de la localitĂ© chacune avec des secteurs de tirs qui se recoupent sans angles morts. Les deux pelotons motorisĂ©s sont prĂ©-positionnĂ©s, respectivement Ă  l’extrĂ©mitĂ© de la piste d’atterrissage au nord de la voie ferrĂ©e et Ă  l’est de la localitĂ©.
   Le Lieutenant Attih Ould Sid’Ahmed et le Sous-lieutenant Youssouf Ould Mamady, qui venaient de finir la passation de consignes et de commandement, attendaient sur la piste d’atterrissage l’avion qui devait amener ce dernier Ă  Tmeimichatt, son nouveau poste d’affection. Vers dix heures, l’avion passe en battant des ailes comme pour signaler un danger. Quelques minutes après l’opĂ©rateur du Cdt de Base, le soldat de 2 Cl Dioulde Malick arrive en courant pour les informer que l’avion signale un ennemi en attaque venant du Nord et de l’est. Les deux officiers se rabattent aussitĂ´t sur les positions, le Lt Attih se rend sur la position nord-ouest et le S/lt Youssouf sur la position sud-est.
   Dans son attaque, l’ennemi a axĂ© son effort, dans un premier temps sur les deux pelotons motorisĂ©s qu’il tenait Ă  mettre hors de combat pour dĂ©truire le potentiel de mobilitĂ© de la base. Le peloton motorisĂ© Ă  l’extrĂ©mitĂ© de la piste est vite encerclĂ©,  toutes ses voies de retraites sont coupĂ©es et sera complètement anĂ©anti en moins d’une trentaine de minutes. Par contre, le deuxième peloton motorisĂ© qui se trouvait Ă  l’est de la localitĂ© a rĂ©ussi a rompre le contact avec l’ennemi et s’est esquivĂ© en direction de la base en passant entre la positon sud-est, tenue par le s/lt Youssouf et la position sud-ouest, tenue par le brigadier Mohamed Ould Bowbaly.
   En l’absence de liaison radio, une terrible mĂ©prise fit croire aux deux positions qu’il s’agissait d’un Ă©lĂ©ment ennemi forçant une pĂ©nĂ©tration du dispositif  et, elles le prirent Ă  partie, lui interdisant l’accès de la base. Le peloton alors contourne par le sud et s’esquive en direction de Nouadhibou oĂą il arrive vers onze heures.
   L’ennemi met a profit le dĂ©sĂ©quilibre tactique crĂ©Ă© par le vide laissĂ© par les pelotons motorisĂ©s, qu’il exploite pour exercer sa pression sur les positions en particulier les positions nord-ouest et sud-est, la position sud-ouest Ă©tant un ilot imprenable du fait du glacis l’entourant sur plus de cinq cents mètres, sauf Ă  un prix que l’ennemi ne semblait pas disposĂ© Ă  payer dans l’immĂ©diat.
   L’artillerie ennemie concentre ses feux sur les deux autres positions et les Ă©lĂ©ments d’assaut multiplient leurs attaques, mais les positions rĂ©sistent grâce Ă  leurs avantages tactiques, positions bien amĂ©nagĂ©es dominant le champ de bataille et un terrain mou peu favorables aux mouvements des vĂ©hicules, mais qui prĂ©sente tout de mĂŞme quelques rĂ©cifs qui seront mis Ă  profit par l’ennemi pour s’accrocher au terrain.
   Devant la dĂ©termination des positions, l’ennemi numĂ©riquement supĂ©rieur joue la carte de l’usure. Pendant plus de deux heures les positions alternent les tirs des mitrailleuses et des mortiers pour repousser les attaques ennemies et lui interdire l’accès de la localitĂ©.
   Vers 12 heures, la position nord-ouest que tenait le commandant de base, le Lt Attih, qui n’avait plus que six hommes sur la trentaine qu’elle comptait, perd pied et, bĂ©nĂ©ficiant de l’appui des armes de la positon sud-ouest, se replie en direction de la position sud-est, tenue par le S/lt Youssouf.
   La tactique de « La Tâche d’huile » faisait son inexorable Ĺ“uvre d’enveloppement. La position sud-ouest, malgrĂ© son combat farouche, succombe une demie heure après la position nord-ouest. Le brigadier Mohamed ould Bowbaly sera fait prisonnier avec une dizaine de ses hommes.
Il ne restait plus que la « Citadelle » du sud-est, au milieu des forces ennemies qui l’entouraient sur les trois cent soixante degrés. Entre la soumission et l’anéantissement, les occupants de la position sud-est avaient fait le choix que dictait la dignité : jusqu’à la dernière goutte de sang.
   A deux reprises l’ennemi pĂ©nètre dans la localitĂ©, Ă  deux reprises il est refoulĂ©. MalgrĂ© sa supĂ©rioritĂ© numĂ©rique et sa mobilitĂ© tout de mĂŞme rĂ©duite par la nature du terrain, l’ennemi n’arrive pas Ă  briser la rĂ©sistance de l’imprenable « Citadelle ».
   Les combats font rage. La consommation des munitions est hallucinante. Les rejets de gaz et la poussière s’élèvent en nuages. Les hommes, ayant Ă©puisĂ© très tĂ´t leurs rĂ©serves d’eau, suffoquent et se dĂ©shydratent. La soif devient insupportable. Il devient impĂ©ratif de se procurer de l’eau. Les officiers demandent des volontaires pour franchir le dĂ©luge du feu ennemi vers la localitĂ© pour un ravitaillement en eau. 
   Le garde de deuxième Ă©chelon Bounena Ould Ely Zeine se porte volontaire. Le Brigadier Ahmedou Ould Ely Zeine, l’oncle maternel de Bounena refuse de laisser son neveu partir tout seul et se porte volontaire. Un deuxième combattant, le garde de deuxième Ă©chelon, Ahmed Ould M’bareck se porte Ă©galement volontaire. Les trois hommes, les armes Ă  la main, descendent vers la localitĂ© en utilisant le terrain, sous la protection des feux amis.
   Une quarantaine de minutes plus tard, les trois hommes reviennent transportant des jerricans pleins d’eau. A une vingtaine de mètres de la position, Ahmed Ould M’bareck est touchĂ©. Bounena transportera l’un des jerricans de son camarade et continuera Ă  le soutenir, jusqu’à la position oĂą le garde de 2ème Ă©chelon Ahmed Ould M’bareck rendra son dernier soupir, donnant un exemple sublime du sens Ă©levĂ© du sacrifice et de l’abnĂ©gation.
   A cause du rythme infernal des combats, les munitions des positions commencent Ă  s’épuiser, leur imposant une drastique Ă©conomie de consommation.  Les tirs amis se rĂ©duisent et deviennent de plus en plus sporadiques. L’ennemi, s’apercevant que sa stratĂ©gie d’usure commence Ă  produire ses effets, investit la localitĂ© et s’avance vers la « Citadelle » qui continue son baroud d’honneur, la prenant en tenaille.
   A treize heures vingt, un avion de type Jaguar survole le champ de bataille. Les belligĂ©rants Ă©taient si proche les uns des autres et, la confusion Ă©tait telle que le pilote, ne pouvant distinguer les amis des ennemis, s’abstint d’intervenir. Dès le passage de l’avion, l’ennemi lève le siège et se replie vers le nord, en direction d’Adrar Souttouf. Les hommes de la « Citadelle » ont tenu leur serment.
La colonne ennemie sera rattrapée, vers quinze heures trente minutes, par les jaguars français à Jeloua où ils lui infligeront d’énormes pertes.
De son côté, le bilan de la base militaire de Boulanouar est lourd: 30 morts, 16 blessés et 35 disparus.
Mohamed Lemine Ould Taleb Jeddou
Extrait de « La Guerre sans Histoire »


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