Mali : le Conseil de sécurité de l’ONU appelle les mutinés à ''regagner sans délai leurs casernes''   
20/08/2020

Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a été renversé mardi soir par un coup d’Etat fomenté par une partie de l’armée. Ces militaires assurent vouloir mettre en place une « transition politique civile ».



 A la suite d’une réunion d’urgence qui s’est tenue mercredi 19 août, le Conseil de sécurité de l’Organisation des nations unies (ONU) a appelé les soldats mutinés à « regagner sans délai leurs casernes ».

Les pays membres ont également réclamé la libération « immédiate » de tous les dirigeants arrêtés et ont « souligné la nécessité pressante de rétablir l’Etat de droit et d’aller vers un retour de l’ordre constitutionnel », au lendemain du coup d’Etat qui a poussé le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, à la démission.


Cette réunion, demandée par la France et le Niger, a eu lieu juste avant que le colonel Assimi Goita ne se présente devant la presse à Bamako, la capitale malienne, comme le chef de la junte qui a renversé le président Keïta. « Le Mali se trouve dans une situation de crise sociopolitique, sécuritaire, a-t-il déclaré, entouré de militaires armés. Nous n’avons plus le droit à l’erreur. Nous, en faisant cette intervention hier, nous avons mis le pays au-dessus [de tout], le Mali d’abord. »

Le colonel Goita était apparu à la télévision dans la nuit de mardi à mercredi lors de l’annonce par un groupe de militaires de la création de ce comité qui a poussé à la démission le président Keïta, mais il n’avait pas pris la parole. Il s’exprimait mercredi après avoir rencontré des hauts fonctionnaires au siège du ministère de la défense. « Il était de mon devoir de rencontrer les différents secrétaires généraux pour que nous puissions les assurer de notre soutien par rapport à la continuité des services de l’Etat », a-t-il expliqué.

 
La junte désormais au pouvoir à Bamako a également appelé les Maliens à « vaquer librement à leurs occupations » et à « reprendre sainement leurs activités », réclamant également l’arrêt du vandalisme. Et le mouvement de contestation qui réclamait depuis des mois le départ du président malien a appelé à fêter sa démission vendredi.

« Nous organisons le plus grand rassemblement patriotique vendredi au monument de l’Indépendance », épicentre de la contestation à Bamako, « et sur l’ensemble du territoire national pour fêter la victoire du peuple malien », a déclaré à la presse Choguel Maïga, président du comité stratégique de la coalition d’opposition du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) du Mali.


Condamnations
Le colonel Assimi Goita au cours d’une réunion au ministère de la défense, le 19 août à Bamako, au Mali.Le colonel Assimi Goita au cours d’une réunion au ministère de la défense, le 19 août à Bamako, au Mali.
 
Malgré les appels au calme et des déclarations qui se veulent rassurantes, les condamnations se sont multipliées mercredi contre ce coup d’Etat. L’Union africaine (UA) a suspendu le Mali « jusqu’au retour de l’ordre constitutionnel » et « demand[é] la libération du président Boubacar Keïta, du premier ministre et des autres responsables du gouvernement arrêtés par la force par l’armée ».

Le président français, Emmanuel Macron, a notamment estimé mercredi soir sur Twitter que « la lutte contre les groupes terroristes et la défense de la démocratie et de l’Etat de droit sont indissociables ». « En sortir, c’est provoquer l’instabilité et affaiblir notre combat. Ce n’est pas acceptable », a poursuivi le chef d’Etat français, en appelant à ce que le pouvoir soit « rendu aux civils », que « des jalons [soient] posés pour le retour à l’ordre constitutionnel » et que le président malien et son premier ministre soient libérés. Les Etats-Unis, pour leur part, par la voix de leur secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, ont appelé à « œuvrer au rétablissement d’un gouvernement constitutionnel », sans toutefois parler de coup d’Etat.

Quelques heures avant, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a condamné l’action de « militaires putschistes ». L’organisation intergouvernementale « dénie catégoriquement toute forme de légitimité aux putschistes et exige le rétablissement immédiat de l’ordre constitutionnel », a-t-elle déclaré dans un communiqué. Elle « exige la libération immédiate » du président malien et « de tous les officiels arrêtés ».

La Cédéao « suspend » le Mali de tous ses organes de décision « avec effet immédiat ». Elle « décide de la fermeture de toutes les frontières terrestres et aériennes ainsi que [de] l’arrêt de tous les flux et transactions économiques, commerciales et financières entre les [autres] pays membres de la Cédéao et le Mali ». Une visioconférence des chefs d’Etat de la Cédéao sur « la situation au Mali » se tiendra jeudi sous l’autorité du chef de l’Etat nigérien, Mahamadou Issoufou, a annoncé la présidence du Niger, qui préside actuellement la Cédéao.


« Transition politique civile »
La mutinerie a éclaté mardi matin dans la garnison militaire de Kati, près de Bamako. Des soldats ont ensuite fraternisé avec des manifestants qui réclament depuis des mois la démission du président. Puis ils ont arrêté à Bamako le président Keïta et son premier ministre, Boubou Cissé.

Quelques heures après l’annonce par M. Keïta de sa « décision de quitter toutes [ses] fonctions », les militaires qui ont pris le pouvoir ont assuré, dans la nuit de mardi à mercredi, vouloir mettre en place une « transition politique civile » devant conduire à des élections générales dans un « délai raisonnable ».

« Nous, forces patriotiques regroupées au sein du Comité national pour le salut du peuple, avons décidé de prendre nos responsabilités devant le peuple et devant l’histoire », a déclaré celui qui a été présenté comme le porte-parole des militaires, le colonel-major Ismaël Wagué, chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air. « Notre pays, le Mali, sombre de jour en jour dans le chaos, l’anarchie et l’insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée », a accusé l’officier.

La coalition d’opposition du M5-RFP « prend acte de l’engagement » du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), créé par les militaires désormais au pouvoir, « d’ouvrir une transition politique civile », a-t-elle fait savoir dans un communiqué. Elle « entreprendra toutes les initiatives » pour « l’élaboration d’une feuille de route dont le contenu sera convenu avec le CNSP et toutes les forces vives du pays ».


« La gestion familiale des affaires de l’Etat » fustigée
Le colonel-major Ismaël Wagué a dénoncé le « clientélisme politique » et « la gestion familiale des affaires de l’Etat », ainsi que la « gabegie, le vol et l’arbitraire », une justice « en déphasage avec les citoyens », une « éducation nationale qui patauge », ou encore des massacres de villageois, le « terrorisme et l’extrémisme ».

« La société civile et les mouvements sociopolitiques sont invités à nous rejoindre pour, ensemble, créer les meilleures conditions d’une transition politique civile conduisant à des élections générales crédibles pour l’exercice démocratique à travers une feuille de route qui jettera les bases d’un Mali nouveau », a ajouté le colonel-major.

Des manifestants sur la place de l’Indépendance, à Bamako au Mali, mardi 18 août. On peut lire sur la pancarte Â« Adieu IBK Â», en référence au départ du président malien Ibrahim Boubacar Keïta, à la suite d’une prise de pouvoir de l’armée.

Des manifestants sur la place de l’Indépendance, à Bamako au Mali, mardi 18 août. On peut lire sur la pancarte « Adieu IBK », en référence au départ du président malien Ibrahim Boubacar Keïta, à la suite d’une prise de pouvoir de l’armée.
Des manifestants sur la place de l’Indépendance, à Bamako au Mali, mardi 18 août. On peut lire sur la pancarte « Adieu IBK », en référence au départ du président malien Ibrahim Boubacar Keïta, à la suite d’une prise de pouvoir de l’armée. STRINGER / AFP
 Â« La [mission de l’ONU] Minusma, la force [antidjihadiste française] "Barkhane", le G5 Sahel [qui regroupe cinq pays de la région], la force Takuba [un groupement de forces spéciales européennes censées accompagner les Maliens au combat] demeurent nos partenaires », a-t-il également assuré. « Tous les accords passés » seront respectés, a-t-il déclaré, en affirmant que les militaires étaient « attachés au processus d’Alger », l’accord de paix signé en 2015 entre Bamako et les groupes armés du nord du pays. « Nous ne tenons pas au pouvoir, mais nous tenons à la stabilité du pays, qui nous permettra d’organiser dans des délais raisonnables des élections générales pour permettre au Mali de se doter d’institutions fortes », a également dit Ismaël Wagué.

Le Mali est confronté depuis des mois à une grave crise sociopolitique qui préoccupe la communauté internationale. Une coalition hétéroclite d’opposants politiques, de guides religieux et de membres de la société civile a multiplié les manifestations pour réclamer le départ du président Keïta, accusé de mauvaise gestion.

 Le M5-RFP, qui mène la contestation, avait refusé, jeudi 13 août, une rencontre avec le président Keïta, fixant notamment comme préalable la fin de la « répression » contre ses militants. Le week-end du 10 juillet, une manifestation à l’appel du M5-RFP avait dégénéré en trois jours de troubles meurtriers.

Le Monde avec AFP


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