Interview: Nguyen Tien-Duc, «hydropolitologue», analyse les tensions futures autour de l’eau :«Rien n’est possible sans la volonté des Etats»   
03/04/2006


Ce qu’il faudrait, ce serait utiliser l’eau de manière à ce qu’elle devienne un facteur de paix, ce qu’elle n’est pas toujours. Pour cela, il faudrait l’utiliser avec parcimonie. L’eau unit les peuples et les différentes populations du monde dans la mesure où il y en a assez pour tout le monde. Actuellement, l’eau fait encore office de facteur d’apaisement, mais qu’en sera-t-il dans cinquante ans ? Avec les années, il y a de moins en moins d’eau pour les hommes. Le niveau de la ressource est le même depuis la nuit des temps, mais la démographie a explosé. Les besoins, de plus en plus importants en volume, sont de plus en plus difficiles à combler. D’où des tensions de plus en plus palpables sur la ressource hydrique.

Les technologies ou les grandes infrastructures peuvent-elles soulager les tensions ?

Ponctuellement, pourquoi pas, mais ces technologies ne sont pas à la mesure des besoins. Le dessalement est une solution qui nécessite beaucoup d’énergie. Elle a la faveur des pays du Moyen-Orient, où la question de l’énergie ne se pose pas. Seulement, l’eau douce obtenue coûte encore assez cher, autour de 1 dollar le m3. Environ 7 000 stations de dessalement d’une capacité de plus de 100 m3 par jour sont exploitées dans le monde. Par ailleurs, il existe 45 000 barrages de toutes les tailles sur les cinq continents, et les chutes exploitables sont déjà équipées : on ne peut pas construire des barrages partout. Même si on ne doit pas négliger ces technologies, les efforts doivent se porter ailleurs.

C’est-à-dire ?

Je pense à l’agriculture : 70 % de l’eau douce à la surface de la planète est destinée à l’irrigation des cultures. Et ce sera 80 % en 2030. Il faut penser à utiliser des variétés moins gourmandes, développer des méthodes d’irrigation économes comme le goutte-à-goutte, la microaspersion ou les canalisations enterrées sous pression... Ce qui est sûr, c’est que les cultures sèches, appréciées des zones montagneuses, n’ont pas un rendement extraordinaire alors qu’il faudra nourrir trois milliards de bouches supplémentaires d’ici à 2050.

Comment éviter ces conflits qui semblent inéluctables ?

Quand la pénurie est là, tout le monde pense à sa survie. Sur un même fleuve, tous les pays concernés en amont et en aval devraient pratiquer la solidarité. Il faut utiliser toutes les solutions. Aujourd’hui, ce sont les discussions diplomatiques qui permettent d’éviter des conflits armés directement liés à l’eau. A l’avenir, il faudra redoubler de talents diplomatiques, faire appel à la sagesse des Etats, inventer de nouvelles gouvernances. Mais aussi utiliser toutes les technologies à notre disposition pour économiser la ressource.


Est-ce que les grands rendez-vous comme le forum mondial peuvent aider à atteindre ces objectifs ?

Rien n’est possible sans la volonté des Etats : il faut réformer les institutions, développer une gestion intégrée de la ressource qui prend en compte tous les aspects (qualité, quantité, eaux pluviales, fluviales, souterraines, technologies, assainissement...). Plus de 1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau. On en parle au moins depuis 1978 ! Bien sûr, ce ne sont pas les mêmes individus depuis trente ans, mais l’enjeu, lui, reste le même : fournir 15 litres par personne chaque jour.

(SOURCE: LE NOUVEL OBS)


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