Réorganisation des marchés de Nouakchott: Aux grands maux, les grands remèdes   
12/02/2008

Depuis le 06 février 2006, les grands marchés de Nouakchott sont l’objet de mesures spectaculaires d’assainissement. Les vendeurs ne disposant pas de boutiques ou de cantines sont simplement déguerpis. Mesures préventives contre d’éventuelles actions terroristes ? Volonté de mettre enfin en pratique une politique radicale d’assainissement ? Les avis divergent.



Pour qui connaît l’effervescence qui règne en permanence au grand Marché de la Capitale, ce samedi 09 février 08 paraît bien curieux au regard du visage qu’il offre. Les abords du marché qui étaient le fief des vendeurs de chaussures, des marchandes de voiles sont vides des occupants habituels. L’intérieur du marché où le ciel était presque invisible de par les tentures attachées dans l’espace et chaque mètre carré ratissé par ces mêmes personnes était trop dégagé. Des gendarmes à bord de véhicules étaient postés aux quatre coins du marché. D’autres circulaient à travers les allées, matraque à la main et grenades lacrymogènes accrochées à la ceinture. Ils pourchassent les récalcitrants tandis que des camions chargeaient les tables pour des destinations inconnues. En face du même marché, deux camions des sapeurs-pompiers sont en faction. Quelques éléments du corps para militaire font des rondes dans le marché. Sur place, des interrogations sortent des bouches des gens. Certains commerçants semblent se réjouir de la nouvelle physionomie des lieux. Les boutiques sont plus en évidence et les clients n’ont aucun mal à y accéder.
Des interrogations, toujours des interrogations
A la question : Â« Qu’est ce qui est à l’origine de cette situation ? Â» Mohamed, debout devant une cantine où il a coincé deux sacs pleins de chaussures, l’air dépité, laisse éclater sa colère : Â«Qu’est ce que j’en sais? Allez leur demander. Ils sont venus avant-hier, nous étions au dehors, ils nous ont fait déguerpir et ont saisi nos tables. Je comprends que l’on nous interdise le dehors, mais l’intérieur n’est qu’espace et où veulent-ils que nous allions ? Ecrivez-le, vous de la presse, nous sommes des victimes .Ils prennent tout le temps des mesures qui ne durent pas et entre temps, nous aurons perdu nos biens et il faudra recommencer à zéro.»
En effet, par endroit, le marché est méconnaissable. Hormis les convertisseurs de monnaie qui continuent à opérer le plus tranquillement du monde leur activité illicite au même endroit, au centre du marché, tous les autres compartiments revêtent un aspect inédit. Dramane Camara, une liasse de devises étrangères à la main n’est pas plus avancé : Â«On ne sait pas trop ce qui se passe, on parle de sécurisation des lieux à cause de la concentration humaine, d’autres disent que c’est la mairie qui veut organiser le marché. En tout cas, nous, cela ne change rien à nos habitudes. Nous n’avions pas de places fixes et on n’en a pas besoin de toutes les façons.» Comme quoi les répercussions de cette situation sur les résidents diffèrent selon les cas. Autre lieu, autre réalité. Le marché de l’îlot H appelé «marché du charbon» a de son côté subi un toilettage impressionnant qui a également laissé sur les carreaux un grand nombre de marchands. Ce marché qui était certes difficile d’accès tant ses sentiers étroits étaient surexploités présente depuis ce 06 février 08 un tout autre visage. Les vendeuses de légumes, de couscous et de…pesticides qui «officiaient» devant les bijoutiers en sont tenues de tenir leurs produits dans des sachets en plastique. Le hangar inachevé sous lequel des femmes vendaient des légumes et des poissons a été dégarni de sa toiture et ses occupantes chassées.
Des bouchers super puissants
Surgie d’une arrière-cour, Rokhaya Mint Bilal, vendeuse de légumes et Présidente d’association de femmes vendeuses confie : Â« les agents de la mairie nous ont chassées du hangar que vous voyez. Quand nous avons voulu nous mettre à côté des bouchers, ces derniers nous ont également renvoyées. Vous voyez ces cinq hangars, ils appartiennent à une poignée de personnes. Ils ne font pas plus de cinq personnes et gèrent l’ensemble de ces hangars. Chacun d’eux loue la place à plus de 20 personnes. Chaque table louée leur rapporte de 2000 à 3000 um par jour. C’est la somme qu’ils nous ont exigée et que nous ne pouvons honorer. C’est pourquoi nous nous sommes installées dans cet espace dont les clients ne connaissent même pas l’existence. Â» Un attroupement s’est vite formé. Visiblement, les esprits sont échauffés. Un homme s’approche : Â«On veut la justice. On en a assez d’être chassés tout le temps. Nous voulons qu’on nous construise quelque chose plutôt que de demeurer comme ça dans le vide. De plus, il faut en finir avec le monopole des bouchers. Il est vrai que cette situation concerne beaucoup de monde depuis deux jours mais nous, notre cas dure depuis trois mois. La commune nous avait envoyée une personne qui nous a recensée. Mais il n’y a pas eu de suite. On entend ces derniers temps que les places se négocient à 145.000 um. Nous sommes pour le principe d’une bonne organisation du marché. Il y va du bien-être de tous ; mais nous ne devons pas être tout le temps lésés. Â» En définitive, pendant que les pouvoirs publics déclenchent une opération inédite d’assainissement des marchés, l’on ne peut s’éviter de noter que l’entreprise est de taille même si par le passé, des mesures similaires ont fini aux orties. De plus, il faut noter que des marchés comme celui de SOCIM ou celui des volailles n’ont pas été touchés par la réorganisation. C’est bien dommage vu la pagaille qui y règne ! Dans tous les cas, c’est une situation qui mérite d’être gérée avec beaucoup de doigté car elle risque de laisser plusieurs victimes sur le bord de la route.
Biri N’diaye


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