Quel modèle pour une commission «Vérité et Réconciliation» en Mauritanie?   
27/01/2008

Pour échanger et débattre de la meilleure approche pour un processus national  de renforcement de l’unité nationale, à travers les leçons positives à tirer des expériences marocaine et sud-africaine en matière de «commission de vérité et de réconciliation» mises en place dans ces pays...



...pour traiter et réparer les violations des droits humains, plus de 150 participants représentant des organisations de droits de l’Homme, des associations des victimes, et des medias mauritaniens, ont participé sous le thème : «Tirer les leçons du passé pour construire ensemble l’avenir», à une  conférence organisée les 22 et 23 janvier 2008 au Palais des conférences de Nouakchott.

Une conference initiée  par le National Democratic Institute (NDI), et  la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH).
Des experts étrangers ont présenté au cours de cette conférence des exposés se rapportant à différents processus de réconciliation. Ahmed Herzenni , président du Conseil Consultatif marocain des Droits de l’Homme a présenté l’expérience marocaine.   Hanif Vally, de la Fondation Sud Africaine pour les Droits de l’Homme a présenté l’expérience de l’Afrique du Sud), et Mark Freeman du Centre International pour la Justice transitionnelle (Bruxelles) a présenté un exposé analytique sur les processus nationaux de réconciliation de plusieurs pays. Coté mauritanien, il y avait l’ambassadeur Mohamed Said Ould Hamody président de la CNDH qui a présidé la conférence ainsi que le Pr Cheikh Saad Bouh Kamara, Sociologue professeur des Universités et Me Mohamed Ould Dahane, membre de la CNDH qui ont présenté, chacun, un exposé. Les travaux de groupes ainsi que d’autres présentations ont été modérés par Boubacar Ould Messaoud président de SOS Esclaves, Kane Ndiawar du GERDDES et Sarr Mamadou Secrétaire Exécutif du Fonadh. La conférence a été ouverte par des versets du Saint Coran lues par l’Imam Ba Amadou Mbaye en présence de plusieurs ministres du Gouvernement. Puis ce fut le discours de bienvenue de Jane Hurtig directrice des programmes du NDI qui a cédé la parole au Président de la CNDH avant  le discours de l’ouverture officielle prononcé par le ministre des Affaires Islamiques et de l’Enseignement Originel qui a déclaré que la Mauritanie poursuivra ses efforts visant à renforcer l’unité nationale, la justice, la liberté et l’égalité entre ses citoyens  et rappelé que la dignité de l’individu, la protection de son intégrité physique et sa religion constituent la quintessence du Message du Prophète Mohamed (PSL). Le ministre de l’Orientation Islamique a indiqué que c’est la foi des musulmans  qui entrent en considération  dans leur appréciation. «l’Islam a rejeté l’esclavage» a-t-il indiqué. Le Message de l’Islam est universaliste pour preuve a-t-il dit ; il a été embarrassé simultanément par Souheib, le Romain , Salmane le Perse, et Bilal l’Ethiopien.

 

L’exemple marocain : écarter la voie de la punition
Avant d’expliquer l’expérience marocain Ahmed Herzenni président du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme (CCDH) titulaire d’un doctorat en Sociologie et Anthropologie de l’Université du Kentucky, lauréat de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Rabat, ancien professeur à l’Université Al Akhawayn d’Ifrane et ex-directeur de la recherche de l’Institut National de la Recherche Agronomique a fait un survol de l’histoire récente du Maroc . M. Herzenni   fut au titre de cette histoire  une victime des violations des droits de l’homme au Maroc où il fut emprisonné et torturé. Dans son survol  de l’histoire du Maroc de l’indépendance en 55-56 à nos jours il a abordé  le lancement d’un processus de réconciliation dans son pays.  M Herzenni a parlé de  la création en 1999 de la «Commission Indépendante d’Arbitrage» créée pour indemniser les victimes des violations des droits humains puis, la constitution la même année, du «Forum Vérité et Justice» regroupant les victimes dont le premier président fut Driss Benzekri. Cette instance  avait recensé plus de 7700 victimes qui ont toutes, été indemnisés. Il a fallu a-t-il dit, élargir par la suite, le cercle des victimes, procéder à des réparations collectives pour des communautés,  à la réhabilitation morale des victimes et faire la lumière sur les disparitions forcées. Il y a eu le Conseil Consultatif des Droits de l’Homme qui a été  réorganisé en 2001 ainsi que  l’instance «Equité et Réconciliation». Deux principes ont été retenus par nos voisins marocains dans leur processus de réconciliation et de réparation apprend-on  de la bouche de M. Herzenni. Il s’agit des principes de l’équité globale concernant les communautés et celui du devoir de contribution positive qui implique l’aboutissement à un meilleur système de gouvernement qui importe plus, a-t-il souligné que la punition de quelques individus. M Herzenni  a précisé : «Au Maroc, les victimes ont  écarté la voie de la punition, car ce qui est important, c’est le changement de système de gouvernement» et d’ajouter : « Excusez moi de vous le dire, j’ai été emprisonné durant quelques années, j’ai été torturé. Mais  j’ai été torturé par des sous- fifres et en cherchant à identifier les commanditaires, j’aurai pu passer plusieurs années sans les connaitre». Une déclaration qui a eu un grand effet dans la salle où il y avait des victimes mauritaniennes des violations des droits humains. Comment ont-elles perçues cette déclaration ? Sont-elles disposées à être dans le  même état d’esprit que leurs semblables au Maroc ? Seul l’avenir le dira ! M Herzenni a parlé  par la suite du périmètre de l’action de « l’Instance Equité et Reconcilation» (IER) dont le mandat a été fixé à 23 mois pour examiner les violations qui se sont produites entre 1956 et 1999. Pour sa mission,  l’IER a employé 373 personnes et examiné les cas des disparitions forcées, les détentions arbitraires, les tortures, les violences sexuelles, les atteintes au droit à la vie, l’exil et les décès et blessures en détention . Les méthodes utilisées par l’IER ont varié entre  l’investigation sur le terrain, le recueil des témoignages, les audiences publiques et à huis clos, l’audition des anciens responsables, celles des hommes et femmes ayant vécu les événements,  l’examen des archives officielles, la visite des anciens centres de détention et l’audition des victimes. L’IER a également médiatisé les auditions de certaines victimes dans les objectifs de preservation de la mémoire, de l’interpellation de la conscience collective et l’établissement de la vérité. A la fin de sa mission, l’IER après avoir traité 17 000 dossiers individuels a été dissoute et le CCDH en est devenu légataire.
Fortement applaudie la présentation du président Ahmed Herzenni  a été suivie de celle Hanif Vally consultant exécutif de la Fondation pour les Droits de l’Homme de l’Afrique du Sud et de celle de Mark Freeman directeur du Centre International pour la Justice Transitionnelle (ICTJ-Bruxelles).
M Hanif Vally fut conseiller juridique national pour «la Commission Vérité et Réconciliation» de l’Afrique du Sud tandisque Mark Freeman est spécialiste des lois d’amnisties et des commissions de Vérité. Il a exercé et enseigné le droit au Canada et travaillé au Haut Commissariat des Droits de l’Homme à New York.
Les travaux en  groupes de travail ont approfondi la réflexion sur les exposés des conférenciers ainsi que sur les questions relatives à la  mise en place d’institutions indépendantes pour assurer la bonne conduite d’un processus impartial ainsi que les  rôles du Gouvernement, de la société civile et des medias dans un tel processus. L’importance du consensus dans un tel  processus a été  considérée comme un atout essentiel pour  préserver la paix et garantir les droits des victimes.
De graves violations de droits de l’homme se sont produites en Mauritanie en 1990 et 1991 lesquelles ont culminé avec des exécutions extrajudiciaires de militaires negro-mauritaniens. Dans son discours adressé à la Nation le 29 juin dernier, le président de la République a présenté des excuses aux victimes des violations passées des droits de l’homme : "Je voudrais ici, au nom de la République, exprimer ma compassion à l’égard de toutes les victimes de ces années sombres", a-t-il déclaré, soulignant que la consolidation de l’unité nationale et le raffermissement de la cohésion sociale ont été placés au premier rang des priorités de l’Etat Mauritanien. Le président Ould Cheikh Abdellahi avait également  appelé ses compatriotes à  « faire preuve de tolérance et d’ouvrir dans notre histoire une nouvelle page où plus jamais ce genre de pratiques absurdes et d’un autre âge ne pourra se reproduire».

IOM

 


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