Esclavage : Le regard de Messaouda   
14/01/2008

Le 13 janvier Ă  Nouakchott la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) a abritĂ© une cĂ©rĂ©monie Ă©mouvante. Après une sĂ©paration de 9 ans durant lesquelles elle Ă©tait maintenue en esclavage Ă  BoghĂ©,  Messaouda,  une fille âgĂ©e de18 ans,  a enfin retrouvĂ© sa mère Towva. La petite Messaouda vivait depuis 9 ans Ă  BoghĂ© avec la famille Ehel HeinĂ© après que sa maman ait fui l’esclavage Ă  la faveur d’un deuxième mariage.



Le dĂ©clenchement de l’affaire remonte Ă  octobre 2007 quand les militants anti-esclavagistes se sont saisis du cas. En novembre,  le redoutable activiste Biram Ould Dah Ould Labeid dĂ©barque Ă  Aleg et saisit le Wali du Brakna Sidi Maouloud Ould Brahim qui ordonne au Hakem de BoghĂ©  et Ă  la police locale  de diligenter une enquĂŞte dont les  rĂ©sultats sont prĂ©sentĂ©s au parquet d’Aleg. Mais le procureur d’Aleg avait  alors exigĂ© -selon les activistes- que la mère de Messaouda porte plainte. Cette dernière ne s’étant pas prĂ©sentĂ©e, l’affaire tourne en rond, bien que le code de la protection des enfants en son article 149 habiliterait les associations de droits de l’Homme Ă  ester en justice au nom des victimes. Yehdiha la tente maternelle de la petite Messaouda se fait prĂ©senter au Parquet d’Aleg, mais sans rĂ©sultat : « ils m’ont amènĂ© avec Messaouda, se sont dits quelque chose avec le procureur d’Aleg et ils sont partis avec la petite» indique-t-elle. Et de prĂ©ciser : «Le procureur a demandĂ© Ă  Messaouda s’il elle veut partir avec moi, ou si elle veut rester avec Ehel Heine. Elle lui a rĂ©pondu qu’elle veut rester».
InterrogĂ©e pourquoi n’a-t-elle pas portĂ© plainte,  car  sa nièce est quand mĂŞme rĂ©duite en esclavage, Yehdiha  rĂ©pond : «Je n’avais pas compris au dĂ©but, c’est par la suite que j’ai compris. Et mon mari Ghoulam ainsi que  mon fils sont allĂ©s porter plainte». Devant ce cafouillage,  les militants anti-esclavagistes entrent de nouveau en ligne et dĂ©posent cette fois une requĂŞte devant la CNDH. A partir de ce moment, les choses vont vite. La CNDH  dĂ©pĂŞche  Ă  BoghĂ© une mission conduite par Me Mohamed Ould Dahane et Issa Ould Mohamed. Cette mission rĂ©cupère la petite Messaouda Ă  BoghĂ© pour  la remettre Ă  sa mère Towva. Messaouda retrouve  alors sa mère le 13 janvier dans les locaux de la CNDH. Une scène Ă©mouvante. «C’est le plus beau jour de ma vie. Je ne dormais plus. J’attendais ce jour. J’avais peur. Je ne pouvais partir la chercher. J’avais mĂŞme voulu la rĂ©cupĂ©rer en utilisant son frère dans cette mission. Mais que pouvais- je ? J’étais esclave comme elle »,  dĂ©clare Towva la mère de Messaouda.
La petite Messaouda tendue peut ĂŞtre Ă  cause de la timiditĂ© ou de l’émotion jetait des regards attentionnĂ©s sur sa mère. Des regards qui cherchaient les yeux de cette dernière,  qui voulaient lire….comprendre .Timide,  elle refuse dans un premier temps de parler mais finit par se rĂ©soudre Ă  le faire, encouragĂ©e par l’assistance. Oui dit-elle, «je suis contente de retrouver ma mère». Etais-tu maltraitĂ©e par tes maĂ®tres ? Est-il vrai que tu Ă©tais une bergère? RĂ©ponse de Messaouda: «Non, je n’étais pas une bergère, je lavais la vaisselle,  je faisais la cuisine et j’accompagnais les filles ave lesquelles, je vivais dans les mĂŞmes circonstances. Il n’ y pas autre chose (Ma vem chi awkhar) ». Messaouda jette un regard sur  sa mère et baisse la tĂŞte. Silence total dans la salle, en fait, dans le bureau de Biram Ould Dah Ould Labeid. Messaouda ne comprenait peut ĂŞtre pas son ancienne condition servile. Elle tentait  peut ĂŞtre de comprendre sa nouvelle situation. Dans sa vraie famille. Dans les bras de sa mère qui l’a portĂ© dans ses entrailles et l’a mis au monde,  de laquelle, elle Ă©tait sĂ©parĂ©e. Messaouda lève la tĂŞte et regarde l’assistance, puis baisse le regard. Quelques yeux rougissent de larmes, d’autres de honte. Le regard de Messaouda a remuĂ© les consciences.
Avec le sentiment du devoir accompli, Me Mohamed Ould Dahane parle : «Vous venez d’assister à un cas d’esclavage avéré. Je voudrais à l’occasion saluer la parfaite collaboration des autorités administratives du Brakna avec la mission de la CNDH. Dans sa mission de prospection, la CNDH a eu à découvrir ce cas d’esclavage et nous avons agi par la mesure prioritaire pour créer l’union effective de cette famille divisée par l’esclavage. Je remercie notre président de nous avoir envoyé dans une mission de ce niveau. Je remercie également SOS Esclaves qui nous ont alerté sur ce cas ».
Des procĂ©dures sont par la suite engagĂ©es Ă  la CNDH pour accorder  Ă  la famille de Messaouda, un soutien financier. Towva ne disposant  pas d’une pièce d’état civil, donne procuration Ă  Ghoulam, le mari de sa soeur Yehdiha pour  dĂ©charger le montant qui pourra  probablement  contribuer  Ă   garantir une forme d’autonomie Ă  cette famille, divisĂ©e jusqu’ici, par l’esclavage.

             Reaction de Birama Ould Dah Ould Labeid
«Cette action constitue un rempart contre les tracts et les graffitis que nous voyons prĂ©sentement. Mohamed Ould Dahane et Mohamed Ould Issa se sont investis dans cette affaire et transcendĂ©s les clivages faisant ainsi tomber les arguments des extrĂ©mistes. Ils sont des arabo-berberes en pointe du combat anti-esclavagiste,  et ils ont obtenus des rĂ©sultats probants »


IOM


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