La filière de la ferraille : Des indiens exploitent le filon   
08/01/2008

La ferraille, sous quelque forme que cela soit, ne traĂ®ne plus Ă  Nouakchott. Depuis quelques annĂ©es dĂ©jĂ  on s’était habituĂ© Ă  voir des camions transporter des tas de ferraille en direction du  Port Autonome de Nouakchott ou vers les  pays limitrophes. C’était assez singulier, mais, depuis peu, une vĂ©ritable fièvre s’est emparĂ©e du phĂ©nomène. RĂ©sultat : les charretiers boudent les ordures et se reconvertissent.



Sur la route du wharf de Nouakchott, en dĂ©passant le portail de quelques mètres, l’on aperçoit une image assez inhabituelle. Il s’agit d’une montagne impressionnante de carcasses de voitures. Les Ă©paves sont disposĂ©es de part et d’autre du portail d’une grande aire et s’élèvent très haut vers le ciel. Il n’est point besoin d’être devin pour comprendre qu’on est devant un cimetière des voitures. A l’intĂ©rieur, c’est le domaine du fer. Une douzaine de personnes Ă©voluent devant des tas de ferrailles oĂą l’on peut distinguer dans un enchevĂŞtrement incroyable de vielles portes, des morceaux de containers, des tiges de fer et mĂŞme de vielles assiettes, bref, tout vieux matĂ©riel conçu en fer finit sa vie ici. Rien n’est jetĂ©. Une Ă©quipe, Ă  l’aide de chalumeaux, dĂ©coupe les carcasses de voitures. Les pièces dĂ©coupĂ©es sont assemblĂ©es et prĂ©sentĂ©es avec les autres plus petites devant une Ă©norme machine qui se charge de les broyer et de les empaqueter. Les paquets de ferraille sont chargĂ©s dans une demi douzaine de containers, acheminĂ©s au  Port de l’AmitiĂ© avant d’être envoyĂ©s en…Inde. Oui, c’est bien cette destination que prend le gros de la ferraille qui est rĂ©cupĂ©rĂ©e Ă  Nouakchott. En tĂ©moignent les deux contremaĂ®tres indiens qui supervisent les opĂ©rations. L’un est chargĂ© de surveiller la pesĂ©e de la ferraille que dĂ©verse un ballet incessant de charrettes, l’autre est chargĂ© de payer les mĂŞmes charretiers sur prĂ©sentation d’un tiquet correspondant Ă  la valeur marchande de la cargaison. L’asiatique qui baragouine un hassaniya incertain explique : «  Nous travaillons en collaboration avec des mauritaniens. Nous achetons tout type de fer. Cela va du fer neuf au très rouillĂ©. Bien sĂ»r, le prix du kilogramme varie selon la qualitĂ© du fer. Le kilogramme peut aller de huit  Ă  25 ouguiyas. » Il interrompt ses explications et scrute un bout de papier que lui remet un garçon d’une dizaine d’annĂ©es tout couvert de la poussière de  rouille. L’indien tape sur sa calculette et tire de son sac quelques centaines d’ouguiyas qu’il remet au jeune homme qui s’en va les yeux brillants de plaisir. Nagi, de son vrai nom, confie : «avant, je transportais des charges et des ordures pour les gens, mais, depuis plusieurs mois, je n’attends plus les clients. Je me contente de circuler dans la ville et dans les dĂ©charges d’ordures pour ramasser de la ferraille que je viens revends ici. C’est plus facile pour moi car comme ils achètent tout, je peux travailler toute la journĂ©e et je gagnerai de l’argent tant que je ne me fatiguerai pas, l’argent m’attend toujours ici. » Devant l’impressionnant tas de ferraille, cinq hommes dĂ©chargent systĂ©matiquement les charrettes et manipulent les morceaux de fer Ă  tout vent. Pour la plupart, ce sont des Ă©trangers. Ils s’acquittent d’un travail Ă©prouvant et passablement risquĂ©. Ne parlant pas les langues locales, c’est, un compatriote qui s’exprime en leur nom : « ils font un travail très dur. Ils commencent Ă  8 heures du matin, s’arrĂŞtent Ă  13 heures 30 pour une pause d’une heure de temps et reprennent Ă  14 heures 30 jusqu’à 17 heures pour prendre une seconde pause de 15 minutes pour finir Ă  19 heures. On leur donne des gants, mais s’il arrive qu’ils se blessent, ils ne sont pas pris en charge. A la fin de la journĂ©e, ils touchent 1.500 um. MĂŞme cela, ils l’ont eu dernièrement. Ils Ă©taient payĂ©s 1.300 um/jour. C’est Ă  l’issue d’une grève qu’ils l’on obtenu. De toutes les façons, ils n’ont pas le choix, il y a beaucoup de candidats pour le travail. » Cette rĂ©flexion en dit long sur la prĂ©caritĂ© de l’emploi. Ce qui est surprenant du reste pour le commun des mauritaniens. En effet,  c’est que cet intĂ©rĂŞt et cette organisation autour de la ferraille sont  nouveaux chez nous qui Ă©tions surtout habituĂ©s Ă   nous dĂ©barrasser promptement de nos outils et autres ustensiles en fer. Et puis, de toute façon, nous n’avons pas la culture de la rĂ©cupĂ©ration du ferraille eĂ»t Ă©gard Ă  notre rĂ©alitĂ© de pays exportateur de fer. Aussi, observer des personnes en majoritĂ© d’origine Ă©trangère s’adonner Ă  la rĂ©cupĂ©ration du mĂ©tal Ă©tait la position habituelle des mauritaniens. Mieux, c’est de gaĂ®tĂ© de cĹ“ur que l’on cĂ©dait la vielle caisse de voiture, le lit antique en fer de la famille ou les rĂ©sidus des fĂ»ts. C’est juste si on n’embrasse pas le charretier qui nous  a allĂ©gĂ© de cette poubelle ferrailleuse sans aucune contre partie. Il faut noter que cette situation a Ă©voluĂ©. Certains ont bien compris tout le bien qu’on peut tirer de la ferraille et monnayent leur bout de fer contre des espèces sonnantes et trĂ©buchantes. Et depuis lors, la ferraille se fait rare. La preuve : les Ă©paves disparaissent comme par enchantement. MĂŞme les vieux rafiots qui gisaient sur les plages ont disparu. 
Biri N’Diaye


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