Premier jalon de ramadan   
03/10/2014

Premier jour de ramadan. 14 H. Un après-midi pas trop chaud malgrĂ© un soleil assez brulant. Je suis seul chez moi. Mes  enfants et leur mère ne font pas le jeĂ»ne, ce qui fait de nous deux petits mondes, sĂ©parĂ©s et distincts.



Eux qui continuent leur vie comme ils faisaient les jours précédents : boivent, mangent, cuisinent pour la soirée et s’activent. Ils me donnent même l’air plus heureux que d’habitude. Pourtant non ! C’est une fausse impression que fait naître en moi des sentiments de solitude qui m’accaparent progressivement depuis le début de la journée, me rendant quelque peu irréaliste et mélancolique.
Moi, par contre, je suis dans mon coin, un peu à l’écart de la petite animation familiale joyeusement conduite par mon épouse, cherchant à m’habituer rapidement aux privations que je m’impose. Elles m’offrent une énorme satisfaction en m’y soumettant de plein gré. Eh oui, s’acquitter de son devoir religieux est noble et payant, comme le sait tout le monde des croyants. Y penser me réconforte largement et me donne un moral d’acier. Tels sont la force et l’intérêt de la foi.
Malgré cette force, cette première journée est coriace. Sa dureté s’affiche irrésistiblement. Je la lis sur plusieurs tableaux.
 CĂ´tĂ© physique, des maux de tĂŞte me font souffrir. Ils me rappellent douloureusement mon accoutumance au thĂ© prĂ©parĂ© Ă  la mauritanienne, une boisson chaude, omniprĂ©sente et dĂ©licieuse, dont je m’abreuvais Ă  longueur de journĂ©e et qui me manque aujourd’hui. Heureusement que j’ai abandonnĂ© le tabac depuis longtemps, sinon il aurait immanquablement, lui aussi, dĂ» s’inviter dans les Ă©preuves terribles de ce premier jour de ramadan. A y ajouter un peu de faim et un peu de soif, tout juste ce qu’il faut pour me sentir pas tout Ă  fait Ă  l’aise, et voilĂ  que physiquement le ramadan imprime sa marque dĂ©s que le dĂ©part est donnĂ©. Alors que le marathon vient Ă  peine d’être lancĂ© pour durer un mois !
CĂ´tĂ© social, visiteurs et amis se font rares. MĂŞmes ceux qui sont virtuels ! Plusieurs abonnĂ©s aux rĂ©seaux sociaux ont dĂ©sertĂ© sans que je puisse savoir comment ;  d’autres ont dĂ©sactivĂ© leurs comptes ; tandis que certains ont changĂ© le contenu ou la contexture, rĂ©servant beaucoup plus de places aux prières, aux incantations religieuses… ou tout simplement en diminuant fortement le dĂ©bit des messages et/ou des partages.
De mon côté, je ne suis pas en reste. Je m’évade, voyageant dans mes pensées, ne sachant pas trop où ça va conduire.
 Après un bon moment de mĂ©ditation tout azimut, je me dis : il faut que je « plante des repères » pour conduire ma rĂ©flexion. AussitĂ´t dit, je m’exĂ©cute. Et voilĂ  le premier jalon :
 
« Seule certitude dont je ne doute pas : je doute.
Tel est l’outil intellectuel qui aide Ă  pardonner, Ă  partager, Ă  aimer, Ă  dĂ©passionner… Ă   rĂ©flĂ©chir calmement … Ă  avoir les pieds sur terre, Ă  agir en connaissance de cause et avec retenue quand il le faut...
Pour autant, est ce que ce genre de philosophie du comportement, qui appelle à la raison, à la modération, à la retenue, suffit-il- dans la vie ? Kham. Je ne saurais répondre : ni par un « oui », ni par un « non ».
Tout au plus, je sais que  tout n’est pas mesurable chez l’humain, tout n’est pas contrĂ´lable dans l’ocĂ©an de la pensĂ©e, et encore moins dans les torrents des ruisseaux de l’intuition et des sentiments.
MalgrĂ© tous les filtres dont se munit la logique, combien de fantasmes passent Ă  travers les mailles des filets de la raison ! Heureusement d’ailleurs ! Cette porositĂ© est salvatrice.  Sans quoi, on resterait dĂ©muni face Ă  ces vagues de questions, graves et sans rĂ©ponses, qui nous assaillent sans cesse et depuis toujours:
Où trouver les sources « immatéterielles » nécessaires pour nourrir l’âme ? Comment stimuler la réflexion ? Comment sublimer l’amour ? Comment nous mener loin dans nos projets, dans nos illusions... ? Comment nous donner des idéaux ?...
Inimaginable, la vie humaine, sans le rĂŞve !
Une belle liberté à vivre consiste en une aventure magnifique, joliment menée en effectuant un bon dosage entre fantasmes et réalités ».
 
El Boukhary Mohamed Mouemel
Juin 2014


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