Interview avec Mohamed Abderrahmane Ould Zoueïne: «Nul ne viendra construire pour les Mauritaniens, leur propre pays»   
08/10/2007

D’importants changements ont eu lieu en Mauritanie depuis le 19 avril dernier même si de grandes questions restent posées notamment sur le rôle de l’institution militaire, la nature des rapports entre le pouvoir et l’opposition, la forme que prendra le nouveau parti présidentialiste, les défis auxquels fait face le Gouvernement et surtout sur les problèmes de la presse mauritanienne.Pour lever un coin du voile sur toutes ces questions nous avons cherché à obtenir les réponses d’un journaliste fin observateur de la scène nationale.



Nous reproduisons ici la traduction de l’interview accordée à notre confrère arabophone «El Emel El Jedid» par notre confrère Mohamed Abderrahmane Ould Zoueïne président de l’association des journalistes mauritaniens et directeur de publication du quotidien arabophone «Essevir»

 

Commençons par la situation de la presse. Après votre récente rencontre avec le Premier Ministre, le Gouvernement a pris des mesures pour alléger les problèmes que vous avez exposé. Quelle évaluation faites-vous de ces mesures ?

Mohamed Abderrahmane Ould Zoueïne: En ce qui concerne la situation de la presse je ne rappellerai pas toutes les doléances que tout le monde connaît. Après le changement du 03 août 2005, la presse a été conviée pour des rencontres de concertation dans le but de mettre en place une nouvelle loi dont l’application devrait mettre fin à tous les problèmes. Pour ce faire, on s’est inspiré de différentes lois appliquées dans les pays frères et amis, des lois qui ont donné entière satisfaction dans ces contrées. C’est ainsi qu’une nouvelle loi a vu le jour en Mauritanie. Mais il y a eu un choc avec l’esprit militaire et ce qui est resté des ennemis des libertés. Finalement, on a abouti à une loi qui ne reflète pas ce qui était convenu entre les partenaires. Malgré tout, certains ont considéré que cette loi constitue un pas en avant et ils ont certes raison car on est passé du mal au moindre mal. L’ancienne loi était appliquée sous l’égide du Ministère de l’Intérieur avec le fameux article 11 qui constituait une véritable épée de Damoclès. Cet article a été supprimé et remplacé par d’autres qui sont aujourd’hui brandi par les adversaires de la presse.
Parallèlement à cela, des obstacles ont été érigés pour empêcher toute aide morale et matérielle à la presse. Celle-ci n’est plus qu’un jouet et un paravent pour les autorités. Pourtant, partout ailleurs, la presse est considérée comme étant le quatrième pouvoir. Elle a droit à tous les honneurs car c’est un moyen qui est au service aussi bien des citoyens que des autorités dirigeantes. Elle contribue à l’enracinement de la démocratie, à la liberté d’opinion et à l’instauration des règles de bonne gouvernance.
Mais malgré une situation peu favorable, les journalistes mauritaniens alternent sacrifice après sacrifice dans l’intérêt du pays. C’est dans ce contexte que par un heureux concours de circonstances j’ai rencontré récemment, le Président de la République pour l’entretenir de la situation générale de la presse. Le Président s’est montré disposé à apporter les solutions appropriées à tous les problèmes posés. Il a félicité les journalistes pour le rôle qu’ils jouent et a réaffirmé que la presse est l’un des piliers de la démocratie. Il m’a demandé de lui présenter un rapport général sur la situation de la presse en général et la presse indépendante en particulier. J’ ai effectivement remis ce rapport au le Président de la République lequel a demandé au Premier Ministre d’appliquer les propositions contenues dans ce rapport.
C’est dans ce cadre que j’ai rencontré il y a près de deux semaines (accompagné de quelques collègues), le Premier Ministre. La rencontre fut amicale et le PM a regretté le fait que la presse n’a pas été programmée dans le budget rectificatif de 2007. Nous nous sommes mis d’accord avec le PM sur le règlement en deux étapes, des problèmes de la presse.
La première phase qui débute actuellement s’étalera jusqu’à la fin de l’année en cours (2007). Cette période verra la révision à la baisse (de 10.000 UM) par numéro au niveau de l’imprimerie nationale. Nous nous sommes également mis d’accord sur l’accès des journalistes aux sources d’information. Ainsi, les portes des ministères et des institutions publiques seront ouvertes désormais aux journalistes pour recueillir directement les informations dont ils ont besoin. Ceci pour renforcer le partenariat entre la presse et les autorités publiques partant du principe que la presse est un acteur du développement et n’est pas un handicap pour le progrès comme le soutiennent certains responsables. On s’est également mis d’accord sur la nécessité d’instaurer plus d’équité dans le partage des des annonces et publicités et ce, sur la base d’un texte .
En ce qui concerne la seconde phase du programme, elle doit être marquée par l’application rapide d’un ensemble de lois réglementant la profession et notamment la révision de la loi sur la liberté de la presse avec le retrait des articles qui prévoient l’emprisonnement qui est considéré comme inadmissible. Et je saisi cette occasion pour féliciter la décision noble prise par Son Excellence Cheikh Mohamed Ben Rachid Al Maktoum, vice Président des Emirats Arabes Unis qui a décidé d’abolir la disposition portant emprisonnement des journalistes pour des délits liés à l’opinion et à l’édition.
Cette décision a été vivement saluée par l’Union des Journalistes Arabes qui est le plus important regroupement des journalistes arabes et dont le siège est au Caire.
Nous nous félicitons donc de l’accueil fait à ce rapport et de la bonne foi du Président de la République, du Premier Ministre et du ministre de la Culture et de la Communication. Nous souhaitons que ce rapport soit appliqué et inspire la nouvelle révision de la loi sur la presse en Mauritanie.
Autre sujet débattu avec le PM et devant figurer dans le programme de la seconde phase, c’est la carte de presse qui doit être crédible et qui doit définir qui est journaliste. Nous nous sommes également mis d’accord sur l’appui matériel de la presse dans le cadre du budget 2008. Sur toutes ces questions, le débat était ouvert et constructif et nous avons noté le grand intérêt que le Chef du Gouvernement accorde à la presse et aux journalistes. Il s’est déclaré prêt à accompagner et appuyer tout ce qui était de nature à contribuer au développement de la presse dans le pays. Le PM a fait montre de toutes ses qualités d’homme d’Etat prêt à accepter tout ce qui peut contribuer au développement du pays. Cela se confirme par l’appel qu’il nous a lancé pour qu’on apporte notre pierre à la construction de l’édifice. Il nous a demandé deux choses essentielles qui nous ont paru être des piliers de l’orientation générale du pays. La première chose c’est notre participation à la campagne tout azimut contre la mauvaise gestion et les mauvais gestionnaires et contre la corruption et les corrompus qui dépècent le corps de l’Etat mauritanien. La deuxième chose c’est l’incitation du citoyen mauritanien au travail et à la production et notamment dans des secteurs qui sont aujourd’hui la chasse gardée des étrangers. Les citoyens doivent se départir de la paresse et de la mentalité d’éternels assistés. Les secteurs sont : le bâtiment, la pêche et les transports.

Et pour ce qui est des médias d’Etat ?

MAOZ : Pour répondre à votre question, je dirai que malgré mon appartenance à la presse indépendante, je n’éprouve aucun gène à reconnaître que la presse officielle a connu un net progrès depuis quelques temps. Malheureusement cette ouverture a été mal exploitée par ceux qui ont la charge de gérer les institutions officielles chargées de l’information. Et cela est vérifiable quand on suit les programmes et les débats. Nul n’ignore en effet que ces programmes sont dirigés par ces responsables et utilisés à des fins sans rapport avec le développement. Ainsi, les dirigeants de ces médias d’Etat sont passés maîtres dans l’art du clientélisme en braquant les projecteurs soit sur eux-mêmes ou sur des proches au sens large du terme. Ainsi, les employés de ces institutions doivent être rangés (clientélisme). Ainsi, l’innovation est limitée et les programmes laissent parfois à désirer. Par ailleurs, les programmes se suivent et se ressemblent et aucune évaluation ni suivi n’est faite pour tirer des leçons des erreurs du passé.
Les conditions ne sont pas réunies pour la création et l’innovation. Il est donc rare d’avoir un programme qui remplit une fonction culturelle ou de développement. Ici, la profession perd toutes ses lettres de noblesse. Les médias officiels deviennent de ce fait un obstacle pour le développement et le progrès démocratique que connaît le pays. Les personnalités généralement invitées dans le cadre des différents programmes sont dépassées et n’ont plus rien à dire. A partir de là, les médias officiels remplissent un rôle destructeur. C’est pourquoi il est urgent que les autorités interviennent pour mettre en place une stratégie appropriée pour sortir la presse officielle de la mauvaise passe dans laquelle elle se trouve. Elles doivent en faire une presse républicaine de développement, une presse au service de la société caractérisée par la transparence. Il est temps que ceux qui dirigent les médias officiels comprennent que l’ère du clientélisme est révolue et qu’avec les changements qu’a connu le pays, il faut s’adapter car il n’est plus possible de revenir en arrière.

Comment percevrez-vous le rôle joué par la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA) ?

MAOZ : Cette question se pose avec acuité. Cette structure appelée HAPA constitue un nom sans aucun sens. Elle a été constituée d’une manière non démocratique. Sa mise en place devait être faite suivant la loi qui l’a créée et qui est partie intégrante de la loi sur la presse. Sa constitution devait suivre la procédure légale en concertation avec toutes les parties concernées.
La proposition qui avait été faite prévoit un bureau composé de neuf (9) membres nommés par le Président de la République, les Présidents du Parlement et du Sénat et l’organisation de la presse indépendante. La HAPA devait être affiliée à la présidence de la République. Son institution devait respecter les règles de droit. En plus, elle devait avoir un rôle important. Les membres doivent être choisis dans les milieux de la société civile et les personnalités qui se sont sacrifiées pour la Mauritanie et qui sont connus pour leur probité morale. Mais le CMJD a piraté la HAPA comme il l’a fait dans bien d’autres cas.
De ce fait, la HAPA est considérée aujourd’hui comme une simple excroissance du ministère de la Communication sinon une association parmi d’autres n’ayant d’autre rôle que de porter préjudice à la presse en la démolissant en produisant des communiqués contre la profession ; des communiqués qui n’ont rien à envier aux éditoriaux d’Horizons à ses heures sombres.
Il serait donc impératif de revoir la HAPA en la refondant pour en faire un véritable instrument au service de la presse. La notion « Autorité Â» doit disparaître car elle n’a pas sa place ici en démocratie. Nous devons nous inspirer dans sa refondation de l’expérience des pays qui ont une culture démocratique. J’en appelle donc ici au Chef de l’Etat en sa qualité de démocrate qui croit au principe de la liberté et du respect de l’opinion d’autrui, de mettre fin aux agissements de la HAPA et de sa transformation en Conseil Supérieur pour la Presse respectueux des lois qui l’ont institué. Et là, je me rappelle les propos du Chef de l’Etat en faveur de la liberté lors de sa dernière interview avec la télévision nationale. Et pour traduire dans les faits cette profonde aspiration à la démocratie, le Chef de l’Etat doit intervenir et le plus vite sera le mieux pour réformer la HAPA dans la forme et dans le fond pour ainsi mettre fin à son entreprise de démolition de la presse.

Comment régissez-vous au discours du Président de la République devant la derniere Assemblée Générale de l’ONU ?

MAOZ : Tout d’abord, je me réjouis pour l’effort entrepris par le Chef de l’Etat qui a toujours répondu présent à chaque fois que l’occasion se présentait pour représenter la Mauritanie dans tous les forums régionaux, continentaux et internationaux.
Son premier voyage c’était pour aller représenter le pays au sommet de l’Union Africaine tenu à Accra. Là-bas, il avait prononcé un discours qui avait retenu l’attention de tous les participants. Et devant l’Assemblée Générale de l’ONU, il a prononcé un discours historique après une absence de près de 30 ans de la Mauritanie (de ses Présidents) de la tribune de l’ONU. Ce discours a eu trait à divers sujets touchant la situation au niveau national, le conflit israélo-arabe. A ce sujet, il a soulevé l’urgence du retrait d’Israël des territoires arabes occupés et la fin de l’exploitation du peuple palestinien rappelant au passage que la capitale de la Palestine c’est El Qods Echerif. Il s’agit là d’une position courageuse malgré l’héritage encombrant que Monsieur le Président a reçu de ses prédécesseurs à savoir les relations avec Israël.
Je saisi l’occasion qui m’est offerte pour demander solennellement au Chef de l’Etat de revoir les relations avec Israël en les suspendant. Je demande aussi au Président d’accéder à la demande pressante du peuple mauritanien qui implique l’expulsion sans autre forme de procès, de l’Ambassadeur d’Israël hors de la Mauritanie.

Vous êtes considéré comme l’un des proches du Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi et certains disent que votre journal « Essevir Â» est au service du Président depuis qu’il a annoncé sa candidature en juillet 2006. Le Président vous a réservé sa première interview. Avez-vous constaté lors de votre dernière rencontre avec lui, une différence entre SIDIOCA candidat et SIDIOCA Président de la République ?

MAOZ : Je ne me porte pas en faux contre ce genre de catégorisation. J’ai été honoré de rencontrer le Président Sidi. ET comme j’ai eu déjà à le souligner, c’est un patriote convaincu qui croit très fort à son pays et à sa religion. Il se préoccupe du sort des faibles avant celui des puissants. La conversation avec lui est toujours agréable. Ses questions portent sur tout. Il a une très grande capacité d’écoute. Il s’informe et suit les conseils. Il insiste beaucoup sur la nécessité d’instaurer la justice qu’il considère comme le pilier de tout pouvoir qui se respecte. C’est un démocrate moderniste. Je n’ai remarqué aucune différence entre SIDIOCA candidat et SIDIOCA Président sinon un regain d’intérêt pour les conditions de vie des citoyens et le déploiement d’importants efforts pour améliorer ces conditions.
Le Président est à la recherche des compétences qui que soient les personnes qui les ont , leurs orientations politiques ou leurs appartenances.
La Mauritanie connaît de profondes mutations depuis l’investiture du Président Sidi Ould Cheikh Abballahi. Quelle évaluation faites-vous de l’action du gouvernement?

Mohamed Abderrahmane Ould Zoueïne: L’évaluation de l’action gouvernementale depuis la prestation de serment le 19 avril dernier du Président Sidi est un sujet qui suscite beaucoup d’intérêt aussi bien pour les citoyens ordinaires que pour les politiciens. Et il s’avérera que cette prise des rennes du pouvoir est intervenue dans un contexte économique très précaire. J’affirme cela en étant pas moi-même un fonctionnaire de l’Etat et en ne s’attendant pas non plus à aucun avantage de la part de l’Etat. Donc je parlerai en toute objectivité et en toute sérénité en mettant les points sur les i. La Mauritanie vit depuis 1978 une situation difficile. Et je dis 1978 – date du premier coup d’Etat militaire dans le pays- parce que à cette époque les infrastructures étaient quasi inexistantes. On pouvait citer entre autre la route de l’Espoir, le port de l’amitié encore en cours d’achèvement et de deux usines – une raffinerie de pétrole et une unité de transformation de sucre. Il y avait aussi l’aéroport de Nouakchott, l’hôpital national et enfin la SNIM. La situation était donc peu favorable et le pays sortait de la guerre du Sahara –une sortie qui d’ailleurs mérite encore d’explications – Mais malgré ce contexte très difficile le pays faisait son bonhomme de chemin et allait de l’avant.
Avec la prise du pouvoir par les militaires, la Mauritanie a changé de cap et le pays perdit sa crédibilité et déraille complètement. Et avec le début des programmes d’ajustement structurel en 1988, le libéralisme sauvage a commencé à conquérir l’économie mauritanienne. Ainsi, toutes les sociétés d’Etat ont été bradées. La SNIM a été réformée et tous les cadres mauritaniens compétents en ont été éloignés pour être remplacés par des étrangers. Cela a eu pour conséquence l’émergence d’une classe bourgeoise qui ne jouait aucun rôle dans le développement du pays. Et il y a la paralysie des activités dans deux des plus importantes villes du pays à savoir Zouérate et Nouadhibou. Cette crise affecte le chemin de fer qui reliait les deux villes et qui faisait vivre des milliers de personnes du jour au lendemain sont devenues des réfugiés dans leur propre pays.
La réforme de la SNIM a abouti principalement à l’émergence de cinq (5) succursales dont la société des routes et des travaux publics qui n’arrive pas à remplir son rôle à cause de la concurrence des commerçants qui ont créé des entreprises fictives parallèles et s’accaparaient de tous les marchés importants. Ce fut donc l’échec cuisant pour cette société. Pourtant vu l’importance des moyens mis à sa disposition, cette société aurait pu réaliser un véritable boom dans le domaine des infrastructures. La SAFA (Société Arabe du Fer et de l’Acier) créée pour la transformation du fer produit par la SNIM a connu le même sort que la société susmentionnée. Elle a été à son tour démolie par les hommes d’affaires qui avaient terni son image en faisant courir le bruit comme quoi la qualité de l’acier produit par la société laissait à désirer. La Sonelec a contribué pour sa part à cette démolition en ne fournissant pas l’électricité requise suivant les normes. Ainsi, la SAFA n’avait d’autres choix que de mettre clef sous le paillasson. Conséquence de cette situation dramatique : la Mauritanie importe depuis lors du fer de l’Ukraine via le port de Dakar ce qui alourdit encore plus la facture. Et cela en plus d’autres conséquences non moins graves comme la destruction de la route Rosso-Nouakchott, une route qu’empruntent les camions gros porteurs qui transportent le fer vers Nouakchott à partir du port de Dakar.
Il y a eu aussi la société mauritanienne pour les services touristiques, une idée nouvelle et généreuse mais qui n’a pas non plus fait long feu. En effet, le cadre qui se présentait à la société n’était pas propice pour le développement du tourisme et la préservation du patrimoine touristique. Elle fut donc une nouvelle victime expiatoire des commerçants.
Cette campagne de démolition de l’économie n’a pas épargné la Raffinerie de Nouadhibou qui ne trouve même pas un repreneur. Avant elle, on avait procédé au sabordage de la Raffinerie de sucre pour des raisons encore louches jusque-là. Depuis, les importateurs nationaux profitent pour proposer aux consommateurs un sucre cher et de mauvaise qualité.
Dans le domaine des assurances, il y avait une seule société, la SMAR qui a été rétrocédée aux commerçants dans le cadre de la libéralisation sauvage. La nouvelle société qui a pris sa place disposait de tous les moyens dans le cadre de ce libéralisme sauvage. On a assisté à la naissance de plusieurs sociétés privées d’assurances qui ne sont en réalité que des boutiques qui se jouent et abusent de la confiance des gens. Et ces sociétés génératrices de bénéfices se liguent contre les citoyens et se partagent le magot. Ces sociétés n’apportent absolument rien à l’Etat et ne paient même pas les impôts. Ainsi, pour un assuré en cas d’accident et de mort d’homme, la contrepartie due et fixée par la loi qui est de 1.200.000 UM par mort, n’est jamais versée et les ayants droits ont le choix entre la moitié de cette somme ou une plainte en justice qui sera classée sans suite. Ces boutiques qui n’emploient que peu de gens doivent être fermés et l’Etat doit prendre ses responsabilités.
Dans le domaine bancaire, les autorisations avaient été délivrées et ont permis l’ouverture de soi-disantes banques dont la plupart ont pris la place de boutiques publiques qui étaient beaucoup mieux outillées et servaient plus l’intérêt du citoyen. Ces banques peuvent être assimilées aux sociétés d’assurances dont on vient de parler. Ce ne sont donc que des boutiques privées. Et le plus étonnant ce sont les taux d’intérêt excessivement élevés dans ces banques. En effet, dans le monde, le taux d’intérêt ne dépasse jamais 6% alors qu’ici il atteint les 28% ce qui ne permet aucun espoir à tous ceux qui rêvent d’un concours bancaire pour leurs projets. Ces banques n’ont donc aucun rôle et ne sont fondées que sur le profit à outrance. Elles ne contribuent guère à l’effort de développement de l’Etat. Et l’exception qui confirme la règle, c’est l’initiative très timide du reste qui a consisté à ériger les logements de la SOCOGIM-Plage. Mais les bénéficiaires sont astreints à des conditions extrêmes.
Par ailleurs, ce quartier ne dispose d’aucune infrastructure de base : marché, jardin d’enfants, centre de santé, parking, école, gare, mosquée, poste de sécurité. Plus grave encore, une étude menée par un bureau d’études suisse a conclu que cette zone est impropre à la construction vu l’importance du taux de salinité et l’élévation du niveau de la mer. Ce bureau a saisi officiellement les autorités mauritaniennes qui ont été mises en garde contre les dangers encourus. Et dans le domaine de l’habitat d’une manière générale, je tiens à parler de la comédie qui se joue ici. En effet, 30 milliards d’ouguiyas sont consacrés annuellement à l’habitat (maisons conventionnées) et à l’achat des véhicules. Cet important budget est détourné à grande échelle. Avec cette somme on peut construire 4000 logements répondant aux standards internationaux. Et en 6 ans, tous les fonctionnaires de l’Etat pourront bénéficier de logements suivant la formule location vente. Et on pouvait ainsi mettre fin à 45 ans de gabegie dan ce domaine. Quant à l’achat des véhicules, il profite aux commerçants qui proposent des voitures à des prix inimaginables.
Dans le domaine des routes, aucune route en Mauritanie ne respecte les normes techniques de base internationalement reconnues. La dernière de ces routes fut la route Nouakchott-Nouadhibou dont tous les usagers ont conscience des dangers qu’elle présente. Sa configuration est très propice aux accidents. On ne trouve aucun point de santé et encore moins d’un centre de secours tout au long de cette route. La détérioration générale le long de la route montre qu’il y a eu de grosses bourdes techniques et qu’il y a eu une tricherie à grande échelle de la plupart des sociétés qui ont construit la route.
Et le plus étonnant dans tout ça, c’est que vu que les travaux sur cette route ont été bâclés et le résultat le montre amplement, aucun ingénieur mauritanien n’a jamais élevé la voix pour dénoncer quoique ce soit. Toujours dans le domaine des transports, il y a lieu de souligner l’état piteux des routes à l’intérieur de la capitale dont la dégradation est accélérée par l’augmentation phénoménal du parc automobile. Ce parc est constitué pour l’essentiel de véhicules d’occasion importés et qui causent des dégâts énormes à l’environnement. Par ailleurs, à l’intérieur de la capitale la circulation devient impossible faute d’organisation et de l’application de la réglementation.
Sur le plan urbanistique, on note l’échec des tentatives de construire des villes suivant les critères d’urbanisme. Le ciment qui est à la base de toute construction est inaccessible et entre les mains de deux sociétés privées – une troisième verra bientôt le jour – Son prix bat tous les records avec une tonne qui dépasse les 50.000 UM Et pourtant il pouvait être importé du Brésil et proposé aux clients à 15.000 UM la tonne seulement. Soulignons que les sociétés qui détiennent le marché disposent sur place des matières premières gratuitement. Il y a une règle économique qui dit que : «Tout va, si le bâtiment va».
Cette opération de destruction de l’économie a aussi touché le port de Nouakchott et je conseille aux autorités de vendre ce port à la société émirati qui a acquis le port de Dakar.
Le secteur de la santé a été victime du même sabotage. Vu le diagnostic qui couvre plusieurs décennies, il est clair que le Président actuel n’y est pour rien et encore moins le gouvernement actuel. Je ne défends pas ce pouvoir mais je préconise qu’on lui laisse le temps de travailler avant de tirer des conclusions hâtives.

Certaines voix parlent du rôle que joueraient dans la conduite des affaires du pays des militaires comme Mohamed Ould Abdel Aziz et Mohamed Ould Ghazouani. On avance même qu’ils dirigent le pays. Quel commentaire vous inspire ces supputations ?

MAOZ : Cette question est très importante à mes yeux. Ce sujet m’intéresse non pour l’importance des hommes mais parce que cette affaire a pris des proportions qu’elle ne mérite pas. La vérité c’est que Ould Abdel Aziz et Ould El Ghazouani sont deux officiers supérieurs à qui on a confié des missions précises et ils s’en acquittent. Et je ne suis pas là pour évaluer leur travail ou les juger mais tout ce que je réaffirme c’est que le pays est dirigé par un seul homme. C’est le Président Sidi qui a été élu par le peuple mauritanien. C’est le Chef Suprême des forces armées et il a constitutionnellement le droit de nommer qui il veut au poste quel qu’il soit.
Pourtant ces deux officiers ont eu à occuper dans le passé d’aussi importants postes auprès de l’ancien Président Maouiya mais on n’a jamais entendu des commentaires de ce genre. De ce fait, je ne comprends pas la présente campagne de dénigrement contre ces deux hommes. Ils ont la particularité d’avoir joué un rôle décisif dans le putsch du 03 août 2005 et ils étaient deux membres distingués du CMJD qui a dirigé le pays pendant deux ans.
Les accusations portées contre les deux hommes à travers des campagnes de presse sont orchestrées par des politiciens qui ont d’autres visées. L’important c’est que M. Ghazouani œuvre pour le renforcement de la sécurité nationale et la réforme du corps de la police. Et en cela il aura contribué à l’émergence de l’Etat de droit et à la consolidation de la démocratie. Il en est de même pour Ould Abdel Aziz qui devrait aider le Président à améliorer les conditions de vie et de travail des militaires et pour mettre en place une armée républicaine qui protège les institutions démocratiques.

La question du parti du pouvoir soulève une vive polémique au niveau de la classe politique…

MAOZ : Je ne suis opposé à la création d’aucun parti mais je trouve intriguant que la Mauritanie compte 53 partis autant que les moughataa du pays. Ceci est un fardeau pour le pays et le peuple et ne correspond guère avec la densité humaine du pays Dans les plus grandes démocraties du monde il n y a pas autant de partis. Le président Sidi s’est présenté en tant qu’indépendant et a pu obtenir le soutien d’un large éventail de mauritaniens qui ont insisté auprès de lui pour la création d’un parti qui les regroupe. Il a accepté avec une conviction solidement ancrée en lui qu’il est le président de tous les mauritaniens. Mais j’estime que la création d’un tel parti ne devait pas être confiée au ministre secrétaire général de la Présidence. L’implication de ce haut responsable conforte l’idée que le parti en question est celui du pouvoir ou du Président. Nous ne voulons pas de cela pour notre démocratie naissante.

Le statut accordé au chef de l’Opposition, le retour des réfugiés et la criminalisation de l’esclavage sont salués par l’opinion publique. Que vous inspirent ces décisions ?

MAOZ : La création d’un statut pour le chef de l’opposition, c’est une bonne idée et le pays en avait besoin. L’objectif c’est de renforcer la démocratie en Mauritanie. Ce poste est revenu à Monsieur Ahmed Ould Daddah compte tenu de la majorité parlementaire acquise par le RFD, le parti qu’il dirige .Tout récemment des groupes de politiciens ont tenté de creuser un fossé entre le Président de la République et le chef de l’Opposition démocratique, mais les deux hommes ont gardé les relations de respect qui les lient, des relations qu’il faut préserver pour barrer la route à ceux qui vivent des tensions et des conflits.
Pour ce qui est du retour des réfugiés, je trouve que le Président a pris une décision courageuse au moment opportun. Ces réfugiés sont des citoyens mauritaniens. Les peulhs étaient les plus touchés malgré qu’ils ont joué un rôle important dans l’histoire du pays. Ils ont contribué avec leurs frères arabes à la diffusion de l’Islam, à la lutte contre le colonisateur et à la préservation de la langue arabe. Et leurs mahadras en témoignent.
S’agissant de la loi criminalisant l’esclavage, elle n’est pas moins importante que tout ça. Bien vrai qu’on a connu plusieurs lois qui abolissaient l’esclavage mais ces lois sont restées lettre morte. Cette dernière loi est donc la loi qu’il fallait pour mettre définitivement fin à l’esclavage.

Où en est-on de la reforme de l’administration ? Pensez-vous qu’elle soit devenue au service des citoyens ?

MAOZ : Malgré toutes les reformes l’administration demeure corrompue.Il faut impérativement trouver des cadres compétents et intègres pour que l’administration ne reste pas la chasse gardée d’un groupe de corrompus ayant prouvé son échec. Il y a eu un changement au niveau des walis mais pas des préfets qui continuent à sévir et à produire des rapports sur commande. Il faut une administration de proximité qui présente des situations en rapport avec le vécu réel des populations. Les pièces d’état civil se vendent au plus offrant les doubles attributions de terrains se poursuivent.

Que pensez-vous de la baisse des niveaux constatée au du système éducatif ?

MAOZ : Le système éducatif est complètement détruit. Et toutes les réformes ont connu un échec car elles n’ont pas été opérées sur la base d’une étude fiable.(…). Donc pour l’en sortir il faut revoir la structure et l’approche de l’enseignement car c’est là où réside le problème (….)
L’affaire de trafic de drogue qui défraie la chronique depuis plus de cinq mois…
.La drogue est dangereuse et l’Etat doit assumer ses responsabilités. Une restructuration des corps de la sécurité et des douanes est nécessaire. Un pays aussi vaste que la Mauritanie a besoin de services douaniers et de sécurité performants et outillés sur tout que les trafiquants de part le monde développent leur stratégie. Il est également curieux que la magistrat qui s’occupe du dossier a officiellement demandé une protection qui ne lui a pas été fournie. Il faut un appareil sécuritaire performant sinon nous deviendrons un pays de consommation et non transit pour la drogue.

D’aucuns évoquent depuis quelques temps un recul de l’utilisation de l’arabe dans le discours officiel , dans celui de l’élite et le retour en force du Français. Qu’en dites-vous ?

MAOZ : La langue arabe est menacée dans ce pays. Si la drogue est une menace grave pour le pays, la perte de l’identité est encore plus grave. Le peuple mauritanien a opté pour l’arabe qui est la langue officielle. La constitution a souligné cela ajoutant qu’il s’agit également d’une langue nationale. Nous constatons que les responsables utilisent dans leurs relations et correspondances quotidiennes le français au détriment de l’arabe. Il est inadmissible que les rapports et les autres correspondances officielles du pays ne soient pas en arabe, la langue officielle. C’est un crime et un assainissant de la langue arabe.

Que dites-vous des dernières nominations à la Présidence de la Repunlique notamment celles des conseillers du Président ?
MAOZ.
Il y a eu des nominations de conseillers principaux, de chargés de mission et de conseillers chargés d’assister le Président. En tant que citoyen j’estime que qu’il y a eu des cadres compétents et honnêtes qui ont ainsi été nommés mais je pense aussi que les dossiers de quelques uns devaient être consultés préalablement à leurs nominations. Il y en a qui ont participé à la gabegie.

Où va la Mauritanie ? Quels sont les défis qui l’interpellent ?
MAOZ :
Il existe présentement une vraie stratégie pour la Mauritanie sur la base du programme électoral du président. C’est une stratégie qui va réfectionner ce qui peut l’être et qui va jeter les bases de la refondation pour un avenir prometteur Ce qui exige une participation sérieuse et honnête de tous .Cependant si les mauritaniens continuent à considérer leur pays comme une vache laitière aucune stratégie ne sera efficace. Le destin de la Mauritanie c’est ce qu’en feront ses fils .Nul ne viendra construire aux Mauritaniens leur propre pays.

Propos recueillis par Houssein Ould Mahand


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