Interview avec Moctar Ould Mohamed Moussa   
06/04/2006

Ancien ambassadeur Docteur Moctar Ould Moussa est une grande figure islamiste . il  Ă©tait parmi les dĂ©tenus de Baila je l’ai interviewĂ©  Ă  sa sortie de prison le 25 aoĂ»t 2003.



Vos sentiments après votre libération ?

Moctar Ould Mohamed Moussa : Au Nom d’Allah le miséricordieux ! Premièrement, on n’a pas été libérés jusqu’à présent. Nous avons été poussés malgré nous, à sortir de la prison de après qu’on a eu la certitude d’avoir bénéficiés d’une liberté provisoire. Comme vous l’avez constaté, nous nous sommes rendus directement à la justice pour exprimer notre position de refus pour la liberté provisoire. Or pour la liberté provisoire, il faut que l’accusé à travers son avocat fasse la demande pour l’obtenir. Mais qu’il y soit contraint de la part du parquet, voilà une attitude qui est contraire aux usages des tribunaux. En définitive, nous avons le sentiment d’avoir été victimes d’une double injustice. Une injustice d’avoir été accusés d’accusations graves et nous avons été emprisonnés d’après un dossier vide de tous faits et preuves. Notre volonté a été falsifiée et on a été terni au niveau de l’opinion publique car à ses yeux nous apparaîtrons comme avoir demandé la liberté provisoire. Alors que nous n’avons demandé aucune liberté provisoire. En définitive, notre sentiment est plein d’amertume.

Pourquoi tenez-vous Ă  rester en prison ? Les gens aspirent gĂ©nĂ©ralement Ă  la libertĂ© alors que vous prĂ©fĂ©rez rester en prison. Cela traduit-il, un dĂ©couragement, un dĂ©sespoir, un effondrement ou de la colère?

M.O.M.M. : Notre insistance pour rester en prison est une manière d’exprimer l’attachement à la liberté et sa sacralité. Autant nous sommes prêts à mourir pour la liberté des autres, autant nous le sommes pour notre liberté. Donc notre attachement à cette attitude est dictée premièrement, malgré sa faiblesse, par le souci de préserver des valeurs de la République sur le plan de la justice, l’équité et la liberté. Nous nous empressons par vers " la liberté mauritanienne " comme le disent certains milieux que les mauritaniens en liberté absolue ou provisoire, sont dans une même situation. Cela veut dire que les autorités de sécurité, aujourd’hui confisquent les libertés des gens. Ainsi, il n’y a pas de différence entre celui qui a été libéré une liberté absolue et celui qui est en liberté provisoire, actuellement. Et ce langage a été rapporté de certains Commissaires de police lors de notre attroupement devant le tribunal qui nous disaient: " vous devez quitter les lieux vous devez quitter les lieux vous êtes en liberté provisoire même en liberté totale on peut vous prendre à tout moment. Vous devez remercier Dieu que vous avez été libérés et quittez le lieux ". Et ce langage est vrai, dans les milieux de sécurité maintenant on confisque les libertés de façon permanente, sans conscience ni respect des lois en vigueur.Nous voulons ancrer les valeurs de la justice et d’imprimer les principes de la liberté dans la société, nous étions attachés à ce que les choses prennent le cours de la justice de manière saine et paisible comme à Genève et la Haye. De graves accusations ont été portées contre nous, la majorité ont été soumis à des enquêtes. Il était possible pour le juge de prendre la décision de renoncer à la poursuite ou de nous conduire au procès pour affronter notre sort de façon claire qui protége les valeurs de la justice. C’est ce qu’on ambitionnait. Mais une liberté provisoire suspendue à nos cous pour dix ans et sans délit grave et ses effets ne peuvent se terminer qu’à la fin des dix ans. Donc, très jaloux de notre liberté nous avons tenu à rester en prison.

D’ailleurs après les événements du 8 juin, les observateurs ont constaté votre retour volontaire en prison. Il semble que cette fois, vous avez désigné un porte-parole qui doit voir avec la justice d’ici le jeudi. Qu’allez-vous faire au cas où la justice refuserait de classer votre dossier?
M.O.M.M.
: Qu’une personne perde sa liberté et sont droit pour un procès équitable est une chose pénible. Nous ferons tout ce qui est en notre possible pour recouvrer nos droits. Nous verrons quelle serait la meilleure stratégie pour parvenir à cet objectif. Nous resterons cependant, dans le cadre de la loi avec le respect strict des textes. Nous allons bouger, conformément aux lois pour arracher notre liberté. Cette question va être étudiée pour laisser paraître les horizons qui nous permettrons d’agir. Et le groupe s’est réuni ,aujourd’hui et s’est donné rendez vous pour le jeudi pour elle-même et non pour la justice ni pour faire pression sur elle. Jusqu’à présent nous donnons l’occasion à la justice de bien étudier l’affaire.

Nous avons remarqué que devant le tribunal avant hier, vous avez entonné des slogans tels que " vive la démocratie, vive la Constitution ". Est-ce que vous avez voulu montrer par là que votre objectif n’était pas de comploter contre le régime constitutionnel ,ni d’instaurer un Etat théocratique? Ce serait donc, de votre part, un démenti formel de tous ces soupçons?
M.O.M.M.:
Non :Après avoir côtoyé plus de 40 détenus dont certains que je rencontrais pour la première fois, j’ai eu la conviction que notre constitution en soi est bonne mais que c’est l’usage qu’ en fait l’ exécutif qui est mauvais. Le fait qu’on arrête des citoyens innocents sans aucune justification crédible est une violation flagrante de la constitution. C’est une violation des libertés individuelles et des lois en vigueur.
Tout cela, ajouté à la grande campagne médiatique menée par les médias publics autour d’un dossier en instruction. Le plus grave c’est que ces média se sont illustrés par l’utilisation d’un style digne du terrorisme intellectuel.
De ce fait, nous appelons à une application stricte de la Constitution, à une indépendance de la justice et à une séparation des pouvoirs. Nous en appelons encore une fois à toutes les forces vives pour œuvrer dans le sens de solutions à tous ces manquements. Quant à nous, nous encourageons, tous les progrès. Nous avons même eu à prôner le libéralisme. Nous sommes convaincus de la justesse des choix tels que la démocratie et le libéralisme dont tous les pays musulmans doivent s’inspirer. C’est dans ce sens qu’il faudrait placer ces slogans qui sont destinés aux élites, partis politiques et à tous les leaders d’opinion. Nous sommes convaincus qu’avec le libéralisme et la démocratie nous arriverons à bout de tous les problèmes.

Vous avez bénéficié d’une liberté provisoire dans un contexte particulier. Quel regard portez-vous sur la scène politique actuelle ?
M.O.M.M.:
Je pense que cette question est générale. La crise est très grave et tous les horizons sont bouchés.

Est-ce que cette libération ne contribue pas à décrisper la situation nationale?
M.O.M.M.:
Pas du tout. C’est une libération tronquée qui ne fait qu’aggraver la situation. La menace plane toujours sur nos têtes. Nous continuons à souffrir moralement car nous n’avons pas été rétablis dans nos droits. Le pouvoir pourrait se servir de nous comme prétexte pour nous accuser d’être responsable des éventuels crises que .
L’on sait en effet, que notre dossier a été assimilé avec celui des putschistes du 8 juin avec qui nous n’avions rien à voir. Et il en sera toujours ainsi tant qu’on a pas été lavé de tout soupçon. Si demain un fou fait un acte violent à El mina on dira que ce sont les islamistes . Ainsi on préfère rester en prison pour ne pas être injustement accusés.

Et maintenant, quelles sont vos aspirations : qu’on vous ramène en prison, qu’on vous juge ou que votre dossier soit classé sans suite?
M.O.M.M.:
Cette question doit être adressée à la justice. C’est le parquet qui doit y répondre. Pourquoi nous a-t-il envoyé en prison? le contenu l’enquête preleminaire et celui de l’instruction du parquet n’étaient pas sur la même longueur d’onde. Nous avons été accusés de comploter contre l’ordre constitutionnel puis contre la sûreté de l’Etat. Devant le juge d’instruction c’était un procès d’idées . En ma qualité de Da’i (Douat), on m’a demandé pourquoi j’ai préféré les tariqua pakistanaises et indienne au détriment de la tariqua chinguitienne alors que je suis accusé de complot contre l’ordre constitutionnel. A l’époque de la mondialisation, il est impérieux de s’ouvrir aux autres cultures et de s’inspirer des autres Ulémas quelque soient leurs nationalités. Même s’il faut le reconnaître, que nous sommes dans un pays de 3 millions d’habitants alors que le monde est devenu un village planétaire. Il faut qu’on reste ouverts aux apports constructifs même s’ ils émanent de Karl Marx.Il faut rester ouverts à autrui nous sommes dans un pays où l’analphabétisme a baissé grâce à l’action du secrétariat d’Etat.

Avez vous une preference parmi les candidatures déclarées aux présidentielles de novembre?
M.O.M.M.:
A mon avis en fonction des circonstances que nous vivons et la situation particulière qui nous a été imposée. Je pense que la mouvance en relation avec ces ex- prisonniers, qu’elle soit tribale ou islamique convergera vers un seul sens.
Ca c’est mon point de vue personnel, donc elle doit bouger et étudier les choix disponibles et les meilleurs programmes. Il n’y a pas de doute que l’état psychologique de liberté provisoire, mon conseil est qu’ils ne doivent pas voter pour ceux qui les ont emprisonnés et leur ont offert une liberté provisoire dont ils n’en veulent pas.

Votre consigne pour qu’ils ne votent pas pour ceux qui les ont emprisonné peut ne pas être suivie. Parmi ceux qui soutiennent actuellement Ould Haidalla il y en a qui ont été ses victimes :Ould Breideleil, Haba, les politiques oublient vite.
M.O.M.M.:
Oui, mais je pense que ceux-ci ont obtenu la liberté totale pour étudier l’avenir de ce pays et évaluer leurs situations pour faire le meilleur choix avec une volonté unique et consciente. Nous encore nous devons bénéficier de ce droit pour étudier la situation en sérénité et consciemment à la lumière de nos choix et de ce qui va concrétiser les valeurs de la République.
Propos recueillis par IOMS


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