Biram Ould Dah: «Les aristocraties guerrières représentant des obstacles sérieux à toutes avancées démocratiques.»   
07/04/2009

Tahalil Hebdo : La «délinquance» théologique et le «brigandage» des aristocraties guerrières soulevés dans votre tribune intitulée : «Rites nêgriers et fondementalismes identitaires, face à l’humanisme et l’universalisme  de l’Islam» (Cf :http://www.journaltahalil.com/detail.php?id=2258),  sont des concepts qui peuvent renvoyer tout autant à l’époque médiévale en Europe qu’au monde musulman.  La traite negriere arabe, occidentale, et celle organisée par des rois africains, ne s’inscrivaient-elles pas dans ce cadre?



Biram Ould Dah : La «délinquance théologique multiséculaire de notre classe maraboutique peut bien s’inscrire dans la ligne de dépravation de la nature des humains, habités par la faiblesse devant l’épreuve de la vie, devant les tentations d’ici bas et du pouvoir de domination; elle peu aussi renvoyer à l’époque médiévale en Europe en ce sens l’ordre du clergé, déifié par les gens du peuple, s’est permis toutes sortes d’abus au nom de Dieu. Ainsi, des indulgences ou rémissions par l’église des peines temporelles que les péchés méritent, inventée par le 215ème Pape Léon X (Jean De MEDICIS) et attaquées par Martin LUTHER en 1515, à l’inquisition, cette juridiction ecclésiastique d’exception instituée par le Pape GREGOIRE IX dans toute la chrétienté et dont l’activité s’échelonna du XIIIème au XVIème siècle, «les hommes de Dieu» trempèrent fortement dans l’avidité, la déshumanisation des humbles à travers l’instrumentalisation des préceptes divins
Mais aussi les graves manquements à l’orthodoxe et à la morale religieuses dont notre clergé est responsable fait partie de l’héritage (pas du tout négatif à cent pour cent) qui lui été légué par l’accumulation des Fatwa, jurisprudences et interprétations par commande d’émirs, sultans, épris de pouvoir et de dominations ainsi que par un souci permanent de légitimation ou de perpétuation des privilèges des communautés ou de groupes etc…
Peut-on dire même que la tendance historique et permanente à la subversion contre l’esprit originel de l’Islam relève d’un continuum anté - islamique socio-économique et mental, que cette religion n’est pas parvenue à rompre à l’instar de toutes les autres religions.
Il est un fait vrai et historique que c’est un homme d’Eglise qui a donné le coup d’envoi et la bénédiction à la traite Atlantique, les Oulémas et docteurs de la loi musulmane ont, au fil des siècles réglementé, légitimé, et banalisé la traite orientale, l’esclavage, et même le castrage ; et si la majorité des Africains poussés par les impératifs du mode et train de vie avaient suffisamment « d’arguments » pour s’engager dans l’organisation de la traite, deux des plus grands négriers de notre sous région : Samory TOURE et El Hadj OUMAR TALL, adossèrent leur forfaiture sur les règles du Jihad et de la religion musulmane.
Le concept de brigandage de l’aristocratie guerrière peut-être appliquée à tous les groupes s’arrogeant le monopole de la violence dans les sociétés sans autorité centralisée comme l’Arabie anté - Islamique, l’Europe Médiévale ou la Mauritanie précoloniale, et à presque la totalité de l’Afrique noire pendant le commerce triangulaire. Dans les cas de ce genre, la guerre est un mode de vie, l’économie est une économie de razzias et pillages; ces guerriers professionnels et de « naissance » détruisent, pillent et distribuent la mort pour se nourrir, vivre.

TH : Vous tenez à dissocier à l’Islam en tant que religion universaliste et humaniste où «Bilal l’Ethiopien», un homme noir, a joué un rôle de premier plan, des pratiques autorités temporelles et spirituelles qui se sont succédées sur le monde musulman en situant les déviances survenues à l’après période des khalifes Rachidiens. Que diriez- vous de l’époque d’Omar Ibn Abdel Aziz ?

BOD : Bien sûr que je dissocie l’Islam en tant que religion universaliste et humaniste, des pratiques et interprétations intéressées et à mobiles purement temporels d’individus ou de groupes dominants dans les sociétés des hommes. Les populations des tribus arabo - berbères qui méprisent le travail manuel et / ou sous le soleil, et toute endurance physique, ont interpréter un Islam de légitimation de l’esclavage, et ont fonder des rites négriers, pour cela, s’appesantir sur tout verset et toute citation dans le coran ou la sunna qui pourront de prêt ou de loin sous - tendre les textes, les jurisprudences ou les mentalités esclavagistes.
Au Sénégal, dans un contexte d’essor de l’agriculture arachidiere et de la traite de cette denrée, l’Islam se révéla confrérique donc fait d’allégeances et dons aux marabouts sur fond de sublimation du travail manuel, agricole et commercial surtout. Les chefs de confréries dans ce pays se révéleront les plus grands propriétaires des surfaces cultivables au Sénégal.
Effectivement toutes ces déviances ce sont enclenchées après la rupture du Khalifa Rachidien, et l’élimination physique, des centres décisionnels, des plus proches compagnons du Prophète Mohamed (Paix et salut sur lui) adeptes des premières heures qui avaient assimilé plus que quiconque l’esprit des enseignements de ce dernier.
Il est vrai que le passage de Omar Ibn ABDEL AZIZ à la tête de l’Etat Omeyyade est un intermède particulier bien que très éphémère dans l’histoire de l’Islam. Des historiens disent que c’est le cinquième Khalife Rachidien, cent années à peu près après le martyr du dernier d’entre eux, l’Imam ALI. A-t-on parlé de sixième ? jamais jusqu’à nos jours. Ceci peut nous faire dire que sa propulsion sur la tête de l’Etat est en quelque sorte un accident heureux; et sa notoriété tient beaucoup plus à sa piété qu’à une véritable entreprise de réforme à influence effective sur le système étatique, social et économique de la dynastie Omeyyade, qui est resté intact dans son caractère despotique, nobilier et tribal.

TH : La «délinquance » théologique le «brigandage» des aristocraties guerrières qui justifieraient le système inégalitaire se maintiennent- elles encore chez nous au XXIeme siècle ?
BOD
: Le poids des discours des érudits qui intercèdent toujours entre Dieu et les personnes et l’influence des lignages nobiliers qui, par le passé, monopolisaient la violence, et par le présent sont dépositaire du « rang » et des « honneurs », se font toujours fortement sentir dans toutes les sociétés Arabo – Islamiques, et particulièrement en Mauritanie.
Ici chez nous, les segments maraboutiques tiennent en échec toutes les tentatives de réformes juridiques et d’émancipations sociales par la main basse qu’ils font sur l’appareil judiciaire et leur manipulation du discours religieux; les aristocraties guerrières représentant des obstacles sérieux à toutes avancées démocratiques dans ce pays à travers l’institution militaire qui est leur chasse gardée et qu’ils utilisent depuis plusieurs décennies pour faire échouer toute expression de la volonté populaire et perpétuer un train et mode de vie d’aristocrates dans un Etat du 21ème siècle à travers la récurrence des coups d’Etat militaire et la mal gouvernance .

TH : Les idées égalitaires des principes universels des droits de l’homme prônées par l’occident sont perçues au niveau du monde musulman comme relevant d’une certaine hypocrisie. On s’empresse d’appliquer les résolutions des nations unies et de la cour pénale internationale sur l’Irak, l’Afghanistan et le Soudan, mais ce n’est pas le cas quand il s’agit d’Israël.

BOD : Ceci est malheureusement le point de vue de la majorité des peuples arabes musulmans, mais c’est très simple et assez superficiel de mon point de vue. Je souligne que l’homme le plus averti parmi nous, et la personne la mieux informée se retrouve automatiquement dans cette attitude de simplification et de souci de dévoiement de la justice et de la Cour Pénale Internationales de leurs rôles et buts originels. C’est une position davantage culturelle qu’un résultat d’une analyse sérieuse; pour moi je ne voie pas la différence entre les gouvernements sionistes Israéliens et les systèmes dictatoriaux, sanguinaires, corrompus, racistes, familiaux…dans l’Iraq de Saddam, la Mauritanie depuis 1960 à nos jours, le Soudan de Omar El BECHIR…sauf que les Israéliens sont effectivement démocratiques entre eux et leurs dirigeants beaucoup plus intelligents que les nôtres. Tenter de s’opposer à la justice internationale et aux droits de l’homme n’est pas la meilleur punition pour Israël et l’Occident mais c’est tout bonnement faire la part belle aux dictateurs et hommes d’Etat criminels et génocidaires, c’est les renforcer, c’est punir le peuple, les opprimés, c’est retarder la démocratie, c’est aussi permettre à ces dirigeants illégitimes de traiter seuls avec les puissances Occidentales et à leur avantage. Cette attitude est absurde, la Cour pénale internationale a jugé le Président et les Chefs Serbes qui sont coupables d’exactions et d’épurations contre les musulmans et aussi ceux jugés au Rwanda et ailleurs en Afrique ne sont pas des musulmans.
C’est pitoyable qu’un professeur d’université ou un avocat de Mauritanie ou du monde arabe, très convaincu nous dis que la CPI et sous les ordres des Israéliens et des Américains. Hors, Israël et les Etats-Unis n’ont jamais accepté de ratifier le Statut de Rome qui fonde la CPI.
La CPI est née de l’effort des défenseurs des Droits de l’Homme qui eux, s’opposent véritablement aux guerres que livrent les Etats-Unis et Israël aux autres. L’Union Africaine n’a pas raison quand elle dit que la CPI trille les africains pour les juger, ceci est faux parce que la RDC, le Rwanda ou l’Ouganda ont saisis la CPI lui demandant de statuer sur les présomptions qui pèsent sur certains de leurs citoyens ; c’est comme ça qu’elle a été compétente et non par un arbitraire que certains évoquent et qui n’est pas dans le cadre ses prérogatives ni de son mandat.

TH : Ou en êtes vous au mouvement abolitionniste mauritanien dans la traque des esclavagistes engagée ouvertement depuis le milieu de 2007?

BOD: Le vote de la loi criminalisant l’esclavage en 2007 a été pour nous une occasion pour attaquer devant les tribunaux et administrations mauritaniennes tout criminel convaincu de pratiques esclavagistes. Mais après une série d’actions énergiques sur toute l’étendue du territoire nationale, nous avons vite déchanter car nous avons été largement édifiés sur les faits que le Président Sidi Mohamed Ould CHEIKH ABDELLAHI, son premier Ministre Zeine Ould ZEIDANE ainsi que leurs collaborateurs responsables des départements concernés, sont en vérité très hostiles à toutes veillétés d’application de cette loi et de toutes autres lois dont l’actionnement peut aboutir à des investigations ou des arrêts qui corroborent l’existence de l’esclavage, de la traite des personnes, des femmes, des enfants ou toutes autres formes de crimes ou délits se rapportant au racisme et autres discriminations, bref tous les grands crimes et délits qui se rattachent d’une manière organique au mode de vie, de penser ou de domination qui est de mise chez l’ethno-classe arabo-berbère dominante. Et déjà avant la chute du pouvoir démocratique, nous avons perdu la confiance en ce pouvoir. Le coup d’Etat du 6 août 2008 est venu ramener très en arrière, par l’attitude négationniste de la junte et de ses soutiens qui se recrutent presque tous au sein des mouvements politiques et milieu sociaux foncièrement esclavagistes et obscurantistes. Dans tous leurs discours, les militaires ont tenu à attaquer le Président renversé sur le vote de la loi criminalisant l’esclavage, un acte qu’ils jugent d’une extrême légèreté.
Ceci a fait que nous n’espérons rien d’eux dans ce domaine. Néanmoins nous continuons à établir des dossiers pour les victimes d’esclavage qu’on partage avec nos partenaires dans les organismes internationaux en attendant des jours meilleurs pour réattaquer les criminels et leurs protecteurs devant des juridictions saines et indépendantes.

TH : Que pensez- vous du règlement définitif du passif humanitaire annoncée lors de la visite du président du Haut Conseil d’Etat à Kaédi ?

BOD : Je pense que la visite du général Mohamed Ould ABDEL AZIZ à Kaédi, le discours et les actes symboliques et matériels qu’ont été faits représentent un pas dans la reconnaissance de ces crimes. Mais, il est impossible de clore un dossier qu’on n’a pas accepté d’ouvrir. Le groupe d’Ouléma cooptés, qui sont connus pour leur légèreté face à tous pouvoir, ne peuvent jamais imposer le droits à un pouvoir pour lequel ils plient l’échine. Ce qui a été déjà fait, l’a été dans l’opacité totale et seulement à une infime partie des victimes; il y avait un souci d’écarter les organisations des victimes, les organisations politiques, les ONGs des Droits Humains et les personnalités qui ont pris en charge cette questions depuis deux décennies. Aucun règlement de cette question n’est possible sans l’implication de toutes les parties nationales spécifiquement les Forces de Libération Africaine de Mauritanie (FLAM). Il faut que le mécanisme comporte la VERITE, la JUSTICE (la fin de l’impunité, la punition des coupables), les REPARATIONS, la MEMORIALISATION ; ces sont conditions standard à toute réconciliation véritable et durable, selon les normes déjà consacrées de justice transitionnelle si l’esprit de consensus le requière dans le cas de la difficulté et de l’inapplicabilité de la justice conventionnelle en la matière.
Propos receuillis par IOMS



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