CHRONIQUE D’UNE RETRAITE ANNONCEE (II eme Partie): Montages et captivité   
13/08/2007

La semaine passée, à la faveur de mon article : Â«chronique d’une retraite annoncée : Les bons et les méchants», j’ai promis de vous retracer la chronologie des faits qui ont marqué l’arrestation et la radiation on ne peut plus moches des 18 militaires, enfermés le 8 Août et littéralement chassés le 22 novembre 2004. Aujourd’hui, Â«La promesse étant une dette», je vous livre à domicile votre dû



Les réactions à ma « chronique Â» quelque peu nombreuses, me sont allées tout droit au le cÅ“ur. Agréablement vives, agréablement constructives.
Celle du natif d’Agrejit appuyé d’un onctueux coup de fil me recommande de ne plus Â«peindre une période quasi- apocalyptique avec du lyrisme» Je prends au vol cette critique au même titre que les compliments des «lecteurnautes Â».Oui, contrairement aux goûts et aux couleurs, les méthodes se discutent. De Gaulle disait Â«Il y a deux façons de dire une chose, la douce et la patibulaire ; je préfère la dernière».Quant à moi, je privilégie la première ; mais si je suis offensé, je sors de mon chapeau le pinceau au vitriol. Entre le miel et le fiel, y a pas photo, de toute façon. Au demeurant, Â«celui qui sème le vent, récolte la tempête»
Bref. Les faits, les détails ; l’un par l’autre appuyés :

 

Le 2° radeau de la Méduse 

 

La Journée du 8 Août 2004, commença pour moi comme toutes les journées de l’Etat- Major- National le plus ennuyeux de la planète terre : Bureaucratie sclérosée sur fond de déche sempiternelle. Ce matin-là, je suis monté suivre un dossier médical. Je comptais déjà sur les effectifs de la 1°Région Militaire à laquelle j ai été déjà affecté par les «soins du duo infernal Arbi- Houichi, par «mesures d’éloignement» Il leur fallait éloigner tout celui qui de près ou de loin pouvait aider les cavaliers du changement en cavale. Les cousins du Cdt Saleh Ã©taient la cible privilégiée. Comme quoi le délit de parenté est normal dans un Etat médusé.
Les faucons négligeant le roucoulement plaintif des colombes, croyaient rafistoler le radeau salvateur de la «Meduse» .Gericault était à l’affût, le pinceau à la main !

A 8 HEURES, je gravis l’escalier du 3° bureau. Après les Salamalecs rituels, des collègues m’apprennent que le Poste de Commandement (bureaux du Chef d’Etat- Major) est resté en veille toute la nuit… que les Cdts Habib Ould Abu Mohammed, Sidaty Ould Hammadi, Dia Abderrahmane et Mek’ halla Ould Mohammed Cheikh ont Ã©té arrêtés. Dans mon for intérieur, je me demande : Quel point de similitude ? Je ne trouverai que l’Espagne où les trois derniers étaient en stage.
Je mis, momentanément, la nouvelle dans le tiroir de la mémoire et m’en alla vaquer à mes occupations. Après un tour dans les hôpitaux, rends visite «au plus jeune de mes amis»
Un sexa (plus ou moins) gènaire, avec lequel je partage la consanguinité, la lecture et le scrabble .Mais je n’aurai jamais imaginé l’éventualité de communier avec lui, sitôt, sous le signe de la retraite. Je me trompais : Pour El Arbi et Alioune, je remplissais les conditions : Avoir 42 ans et un dossier blanc comme neige.

La reddition de Rambo ?

Mon arrestation ne fut pas aussi fracassante que celle de Rambo.
A 15H 40 tandis que je jouais paisiblement une partie de scrabble, mon mobile sonne. C’est le cdt- adjoint du B.C. S. le lt-col Mohammeden Ould Bilal, gardant mal son émotion. Â«Cdt vous pouvez passer». La voix du collègue n’était pas celle du volleyeur que je connais .D’un tempérament calme et serein, il n’a de violent que le smash.
J’ai compris que je n’étais pas épargné par le ratissage et l’épuration Arbo-Houichienne.
Prendre la poudre d’escampette ne m’a guerre effleurée l’esprit. Ca devait rendre crédible le montage putride et éhonté, d’une part. D’autre part, elle me faisait basculer, fatalement dans le camp des cavaliers du changement qui, apparemment, pouvaient se passer de moi. En janvier 2003, leur chef Saleh Ould Hananna me visitât chez moi en cousin. Il me parlât de tout, sauf de changement. Même pas de celui du climat.
L’exil ne m’intéresserait pas outre mesure. Le 8 juin 2003 m’a trouvé à l’Ecole d’ Etat-major à Compiègne et toute la possibilité de profiter de l’asile politique m’était offerte. Rester cloîtré dans une piaule de la banlieue parisienne «équivaudrait» aux geôles de Taya. A ceci près que ces dernières sont chez soi. Une légende animalière chargée d’enseignement nous apprend que lorsque l’on criât à la couleuvre Â« Au feu ! Au feu Â», elle répondit « Hrig Batni Ou la mroug watni Â» ( Autant me brûler le bas ventre que de quitter mon repaire)

 

A Boughreib

15 H 4O : Je rentre dans le bureau du Lt- col Chrouf que El arbi emmènera dans son sillage.
Le front baissé, il me dit Â«Bakar, tu dois passer un interrogatoire à la Marine»

16 H 20 : Le cdt Dechagh, mon jeune, me conduit gentiment à la Base de la Marine, désormais baptisée «Boughreib». Wad En- naga s’appellait déjà Guantanamo.
Arrivé à Â«bon port», je suis accueilli par le cdt Moma Ould Mohammed Bouya . Nous nous saluâmes:

-How are you ?
-Fine, thank you,and you?
-I’m sorry!
- No! Don’t worry about me. ( Ne t’inquiète pas pour moi)
Sur ce, il m’installa dans une bâtisse rébarbative désaffectée. Trois officiers supérieurs sont déjà écroués avant moi. Nous nous appellerions P1(Prisonnier n°1) , P2 , P3 …P24
Trois jours durant, c’est le branle-bas de combat : cliquetis d’armes d’assaut et bruit de rangers. Des officiers et sous officiers arrivaient de toutes les garnisons. Un officier de la Marine quelque peu maladroit profère, à la venue de deux officiers de la 7° R .M , «c’est le colis d’ Aleg». La maladresse provoquera notre hilarité plusieurs fois.
Pendant les premières semaines l’atmosphère était intenable à cause de la surpopulation. Vingt quatre personnes pour un water, dans une maison de 150 m2.

Le 9, tôt le matin arrivée notoire du cdt du Centre d’instruction de l’ Armée Nationale. C’est Ould Houichi, le principal zélateur du Â«nouvel ordre Arbyen» qui est allé lui- même préparer la capture du lt- col Sidi Ould Ely Savi (un rescapé de la purge). Pour cette mission, le chef des Operations est parti sur un rapport de forces «favorable» : Sa voiture, 3 hommes face à près d’un bataillon. Digne d’un roman de Cervantès !

Un poste de garde doté de Kalashnikov est enfermé avec nous. S’il devait nous tirer dessus, les balles lui retournerait dans la gueule. Plus dangereux que la roulette russe…Roulette maure.
On ne comprenait rien. Tout ce qui était compréhensible est que c’est incompréhensible.
Chacun y allait de sa propre analyse ; le plus souvent un galimatias. Autant attendre .Nous restera 12 jours d’un wait and see tout au mois éprouvant.

24 Août : commission d’enquête.
Devant une brochette d’officiers supérieurs et subalternes nous devions passer une formalité :Comparaître, plutôt paraître et disparaître. Des questions genre : Quelqu’un vous a-t-il contacté de l’étranger ? Â». Â«T’es-tu posé la question pourquoi tu es là Â» (saugrenu). « Tout en répondant j’expliquais à la commission l’ineptie de leur mission.

25 Août Audition à la Gendarmerie.
Même salade .Rien de consistant. La montage- j’allai dire le montage- accouche d’une souris.
Toute la nuit, un adjudant- chef de la GENDRIM sosie de Lenine nous achemine par petits groupes .Peu soucieux de la préséance, il me flanque derrière un capitaine et un commandant dont j’etais plus ancien. Faisant l’économie d’une observation, je me suis contenté de la troisième cabine.
Peu zélés mais habiles, les lt-col Hameddi et Koné se partagent le groupe. J’etais face à Koné.
Le jeune officier jovial au visage poupin et à la carrière fulgurante (Tabaraka Llah) ne pose aucune question plus embarrassante que celles de la commission d’enquête .Dans les couloirs Mek’halla qui, la veille parlait à la télévision ,déambulait pimpant, les mains dans sa tenue de Sport flambant neuf. Nous nous rendîmes compte que nous étions les dindons galonnés de la farce.
28 août Matin : Libération de 2 lt-cols, 1cne,1lt et le très candide adudant-chef Lehbib .A la question : «A ton avis qu’est ce qui peut avoir provoqué ta détention Â», l’ingénu répondît Â« Je ne me souviens de rien â€¦, Sinon j’avais demandé au Chef d’Etat- Major un loyer et un ameublement. Candeur juvénile ; mais en ces temps réclamer ses droits pouvait être qualifié de crime.
Analysée, la relaxe de ce groupe était aussi gratuite que son incarcération. Ce sont les besoins du montage ! 


Bombardier B 52

29 Août, l’après midi.18H.
Un officier supérieur du B2, serrant sous l’aisselle un volumineux dossier, fait irruption dans la prison. Il nous paraissait plutôt comme un B52 du fait de la charge explosive qu’il transportait : 60 (soixante) jours d’arrêt de rigueur + D .A .S . (demande d’augmentation sévère ) Le motif rédigé par était terriblement imaginaire : Absence de compte rendu.
L’exposé des circonstances ayant accompagnées la faute relève, ceux-ci, de l’onirique- Tenez- vous bien- « L’intéressé ayant pris connaissance des faits graves visant à la conspiration, n’a pas rendu compte à sa hiérarchie Â»
Qui dit qu’on a appris ? Aucun parmi n’a jamais déclaré avoir été au courant du « complot Â»
Aucun début de preuves .Pas de confrontations. Un seul face à face entre Mek’halla , la taupe et son cousin le capitaine Mohamed Mahmoud à 3H du matin. Rabroué, «Mek» rentrera penaud.

 

Cocktail de vices

Le Compte Rendu de Punition concocté par El arby et Houichi est tout simplement truffé d’irrégularités
1) Emprisonnés le 8 Août, nous ne saurons le motif invoqué par nos chefs que le 29 Août.

2) Le C.R.P signé court pour compter du 29 et non du 8, la date de notre arrestation. Donc 21 jours ne faisant l’objet d’aucun document.

3) Le motif «Absence de compte rendu», n’existe pas sur le décret 73111 relatif aux sanctions dans l’Armée.

4) Punis pour 60 J, nous resterons 105 jours enfermés sans droit à l’information prévu pour les officiers aux arrêts. Nous étions d’ailleurs en prison civile ; les locaux de la Marine ont été transformés en prison par arrêté ministériel pour les putschistes du 8juin avant leur transfert à «Guantanamo»

5) Le motif invoqué était uniforme pour tout le monde. Comment des hommes auteurs d’une conspiration, peuvent- il avoir le même degré de responsabilité et subir la même sanction. C’est du prêt-à-porter !

Pour le comble du ridicule, certains de nos amis déférés en prison civile , passés devant la criminelle, ont été réhabilités et occupent des postes sensibles. Bonne santé à eux ; c’était pour dire que c’était du n’importe quoi. 

 

21 octobre : Conseil d’enquête.
Le conseil a, lui aussi son lot d’irrégularité. Dans les normes le conseil d’enquête doit être composé de 2 officiers plus gradés que l’officier devant comparaître, et un officier de grade inférieur ou égal au sien. Dans notre cas, tout le conseil était plus gradé que tout le monde.
Au cours du conseil le col Alioune président du conseil d’enquête, me demande : Cdt Saleh dit qu’il t’a contacté. Puis se tournant vers le col Dah Ould El Mamy, Â«N’est-ce pas, il l’a dit» Quelle façon de se jouer de la dignité humaine ?
Le col Dah Ould Mamy fidèle à son caractère, est resté serein et dosé. Il lui fallait quand même qu’il fasse son travail malgré notre parenté. Je pouvais l’emporter.
Le lt- col Abass Alassane officier aigri par un désert éternel pavé d’injustices flagrantes, n’a pipé mot tout le long du conseil.
Les membres du conseil doivent passer- suivant la réglementation en vigueur- au vote.
Ils doivent répondre par oui ou non, à la question « Cet officier doit – il être radié ? Â»
Les dés étant pipés d’avance, les jeux sont faits:
Le col Alioune vote fatalement contre ;
Le col Dah ne pourra pas voter non au profit de gens issus de sa région dans une ambiance de chasse aux sorcières.
Lt-col Abass, n’a qu’une voix et ne saurait aggraver ses déboires.
Les résultats du conseil d’enquête resteront le seul document nous expulsant de l’institution, sachant que notre de secret de radiation n’a jamais vu le jour.(…) Quel pays !!!


Brahim Ould Bakar Ould Sneiba

 


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