Chronique d’une    
06/08/2007

Dans les prochains jours, j’aurais à publier le journal de l’univers kafkaïen dans lequel des dizaines de collègues et moi avions été plongés, sans autre forme de procès, le 8 Août 2004 .Mais avant de dresser à mes lecteurs cette chronologie ridicule des faits ayant, mine de rien, précipité la chute d’un régime déjà aux abois, je trouve utile de présenter les causes lointaines ayant présidé au déclenchement de l’un des incidents les plus honteux de l’histoire de notre armée.



Je ne pourrais pas, naturellement, brosser efficacement ce tableau tragi-comique sans mettre sous un halo de lumière les hĂ©rauts malĂ©fiques, ainsi que les officiers qui avaient en vain - mais dignement quand mĂŞme- essayĂ© d’éviter le pire pour une armĂ©e exhalant dĂ©jĂ  les relents de l’incurie et du dĂ©nuement.

Les bourgeons du mal
Tout a commencĂ© dans les annĂ©es soixante- dix, quand s’ouvrit l’Ecole Militaire Interarmes d’Atar. Des jeunes de toutes les souches sociales ont jetĂ© leur dĂ©volu sur la nouvelle Ă©cole. Qui par goĂ»t du service militaire, qui par dĂ©goĂ»t des longues Ă©tudes, qui par…
Selon une idée reçue les enfants d’Aouin El Atrouss sont légion par rapport aux autres contrées et ambitionnent d’arriver au pouvoir par les armes.( On comprendra ici que j’use d’euphémisme pour ne pas employer un certain terme assez ringard).
Ces statistiques, vraies ou fausses ont en tout cas fait l’objet d’une indicible surenchère ;surtout de la part de certains mouvements ne portant pas dans le cĹ“ur le courant panarabiste oĂą se recrute la majeure partie du groupe d’officiers indexĂ© .

Le ballet des colonels
Depuis lors, une kyrielle de Chefs d’Etats Major s’est succédée sans que l’on exploite de façon machiavélique, la rumeur qui, lentement mais sûrement faisait boule de neige.
Feu colonel Ahmed ould Minnih, homme pieux, affable, intime ami Ă  Maawiya s’il en fut, n’a eu la malencontreuse idĂ©e de passer Ă  la Â«purge stalinienne Â» Que Dieu ait son âme.
Après lui, le gĂ©nĂ©ral Boukhreiss, homme de poigne (dit-on excessive) n’a jamais voulu partir dans le sens d’un complot artificiel. Sa vaste expĂ©rience et sa profonde connaissance de la SociĂ©tĂ© semblait le convaincre de l’intangibilitĂ© de l’équilibre militaro- social.
Ses dĂ©tracteurs le feront partir contrairement Ă  toute attente. Il n’aurait arborĂ© sa tenue de gĂ©nĂ©ral- confectionnĂ©e Ă  l’emporte-pièce- que 72 heures Ă  tout casser. Dans sa retraite, il court toujours pour voir sortir son statut de gĂ©nĂ©ral prĂ©cĂ©demment sous les coudes de Maawiya .
L’officier aurait menĂ© une gestion somme toute controversĂ©e, mais sa Â«politique de contenance Â» a tout de mĂŞme permis d’éviter l’hĂ©morragie de cadres.

Le 8 Juin et le grand prétexte
La journĂ©e du 8 Juin ayant vue une tentative sanglante de coup d’état a Ă©tĂ© marquĂ©e par la mort tragique du colonel (pour quoi pas gĂ©nĂ©ral Ă  titre posthume ?) Mohammed Lemine Ould N’diayane. VĂ©ritable colombe de mosquĂ©e, point enclin aux mĂ©thodes choquantes, son passage relativement court a Ă©tĂ© plutĂ´t paisible.
Dans son sillage funèbre, arrive le colonel El hady ould Es-Sedigh Ă  la tĂŞte de l’Etat -Major .
L’ artilleur au physique d’acier est d’une amabilitĂ© dĂ©concertante. Toujours souriant, l’abord facile ; ayant un amour sans faille pour l’institution militaire, Il n’avait su faire du mal Ă  ses subordonnĂ©s et ne saurait ĂŞtre le dĂ©stabilisateur tant rĂŞvĂ© par la mafia pyromane.
En Octobre 2003 me convoquant dans son bureau, je le trouve entourĂ© de son adjoint, alors, le colonel Abderrahmane Ould Boubacar et du chef du 2° Bureau, le colonnel Ethmane Ould Kaza .dĂ©biter
Après m’avoir accueilli chaleureusement en station debout, il s’assoie et me porte un regard point inquisiteur. «Mon commandant. D’après certains renseignement reçus, vous parlez Ă  des officiers mauritaniens et Ă©trangers de la situation actuelle Â» Je lui rĂ©torque Â« quelle situation ? La politique, je n’en fais pas ; le coup d’état, je ne suis pas putschiste .Dans les deux cas, avancez - moi les preuves si vous en aviez, mon colonel Â»
Au cours de cette audition qui m’a permis de le mettre en garde contre Â« les mauvais renseignements qui visent Ă  dĂ©stabiliser l’ArmĂ©e et Ă  lui faire perdre son poste tant convoitĂ©, son adjoint le colonel Aderrahmane est restĂ© impassible. Le colonel ould Kaza ,l’officier supĂ©rieur le plus propre et plus pieux que nous ayons, fut visiblement vexĂ© par l’ouverture Ă  son insu d’un dossier qu’il savait fictif. D’un ton agacĂ© il demandât au Chef d’ Etat- Major : Â« Laissez commandant Bakar tranquille Â» Ce colonel et le capitaine de vaisseau Ould Lekwar avaient totalement refusĂ© de baigner dans une affaire aussi pĂ©rilleuse que ridicule .Le colonel Mohamed Znagui Ould Sid’ Ahmed Ely, alors mon chef direct au 3°Bureau, avait Ă©galement sĂ©chĂ© cette audience, non convaincu de son opportunitĂ© ( â€¦) 
Le lendemain, le Chef d’Etat-Major me prĂ©sentera ses excuses. Que ces bons colonels reçoivent ici mon admiration.
Je ferai aussi mention du caractère ineffable et la dignitĂ© du capitaine de vaisseau Cheikh Ould Ahmed Ould Baya qui fournĂ®t un effort louable pour allĂ©ger le poids de notre captivitĂ©. ProjetĂ© dans l’œil du tourbillon, il regardera les choses ex cathedra.
De toute façon, la dynamique est enclenchĂ©e depuis la tentative avortĂ©e dont les auteurs comptaient parmi eux plusieurs membres appartenant au groupe social diabolisĂ© ; notamment le principal instigateur, Saleh ould Hanenna . Le prĂ©texte est lĂ  !
Effectivement, un nombre non nĂ©gligeable des jeunes d’Aioun a pris part au pronunciamiento du 8 Juin, mais ceux-ci ont pris le train en marche ; embarquĂ©s au dernier moment. Aussi bien que leurs collègues issus des 12 appartenances inventoriĂ©es au lendemain de la rĂ©volte. 

Par qui le scandale arrive
A toute grande œuvre un grand maître d’œuvre. En Avril 2OO4, le colonel El Arby remplace le colonel El Hady.
La passation de commandement nous donnât droit Ă  un spectacle ahurissant. Le colonel El Arby semblait avoir trop attendu dans le purgatoire de chef d’Etat- Major Particulier. Au cour de la revue des troupes le nouveau C.E.M.N courrait littĂ©ralement devant son collègue sortant.
Le colonel grand et filiforme n’est restĂ© dans la course, que grâce Ă  ses pas de gĂ©ant. 
Le pot concocté à la va- vite au P.C. fut une humiliation pour le colonel El hady qui n’avait pas connu le sommeil depuis le 8 juin 2003. Dans un style qu’on ne confondrait pas avec celui de De Gaulle, le colonel a prononcé son discours sans adresser une seule fois la parole à son prédécesseur. Pour réconforter son ancien chef froissé, le colonel Ould Boubakar (Chef adjoint) d’habitude peu prolixe, se donne la parole et se félicite des services rendus par le Chef d’Etat- major partant pour le placard.
A peine, le nouveau chef a-t-il pris les consignes qu’une avalanche de malheurs s’abattit sur la petite armée en attente de l’homme providentiel. Au lieu de la coupe de miel, on avalât la potion amère. J’allais dire la ciguë. A tour de bras, le sapeur (l’officier de Génie militaire) mine , démine , neutralise,détruit, désamorce, piége ,explose. Bismi Llahi Er-rahman Er-rahim!!!.
L’homme originaire de Chinguetti n’est apparemment pas un émule de Anvarre (Mji Anvarre iL Chinguetti). Suivant un certain récit, ce père noël musulman, aurait tout apporté à Chinguetti. IL y’ avait même du aïch bien cuit dans sa cargaison.
Une cuisine, un cuistot
Pour la recette Arbyenne, il fallait un cordon bleu.
Le colonel Alioune ould SoueĂ®lim, plus connu sous le nom de « Ould Houichi Â» monte au crĂ©neau. Il prĂ©sidera le conseil d’enquĂŞte dont je parlerai incessamment dans la chronologie des faits, et aura Ă  rĂ©diger le compte rendu de punition avec un "très beau" motif n’existant que dans son imagination et celle de son nouveau complice. Les deux hommes qui se sont
toujours bouffé la gueule, sont maintenant unis pour le pire jusqu’ à ce que le ridicule les sépare.
Le colonel O.H ne me porte guère dans le cĹ“ur. Aucun incident n’a jamais manifestement viciĂ© nos rapports pourtant . Eh bien ! C’est de la haine gratuite. Voici un acte plus gratuit que celui d’AmĂ©dĂ© Fleurissoire dans Â« les caves du Vatican Â» Bonjour AndrĂ© Gide !
L’acte gratuit n’étant pas dĂ©fendable dans l’absolu, cherchons des raisons !
L’homme ayant la carrure mais non la carrière de Charon,est surnommĂ© le « chef d’orchestre Â», en raison de ses gestes amples et de sa manie de prendre tous les tons sans attendre.
ConsidĂ©rĂ© au sein des officiers de la 2°gĂ©nĂ©ration comme "excellent ", il est allergique aux jeunes officiers fiers et pouvant de surcroĂ®t, dĂ©celer les failles et les pataquès de l’officier omniscient.

A moi, colonel, deux mots

Alioune ! Affichant un esprit enjouĂ© et ludique, je vous donnais l’impression de ne voir que du feu aux fantaisies que vous vous permettiez sur ma petite carrière ,au mĂ©pris de toute règle d’éthique. Hum !
Pour ne citer que cela :Quand je partais Ă  Atar en mission, vous me flanquiez un autre officier pour me « filer Â»â€¦En Mai 2OO4, vous me dites que mon stage de maintien de la Paix est annulĂ© par un fax reçu sur le poste du chef d’Etat –Major. Or ce dernier n’avait pas une ligne-fax. Et Ă  ce moment J’avais dĂ©jĂ  reçu mes billets et ma rĂ©servation du collège des Nations- Unies Ă  Turin. Comme quoi je n’étais pas si dupe que cela vous paraissait !
Un mois avant mon arrestation, vous m’aviez littéralement chassé de mon poste de chef de Section Emploi et Plans pour le confier à un officier moins ancien et pas nécessairement plus compétent.
Bon appĂ©tit Ă  vous et Ă  El Arby ! Mes 17 frères d’arme et moi continuons le dĂ©sert…Nous Ă©tions de toute façon dans « le dĂ©sert des tartares Â» Non je dirai mĂŞme plus comme Dupont :
Dino Buzzati aura prĂ©vu l’ennui et la carrière sabbatique des officiers â€¦ jamais leur radiation illĂ©gale et en masse.
Il est regrettable que les problèmes de conscience ne soient plus de ce monde â€¦
Brahim Ould Bakar Ould Sneiba


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