100 jours pour l’équipe de Zeine: Les atermoiements du Gouvernement   
26/07/2007

Deux hommes se partagent théoriquement le pouvoir exécutif, et président actuellement aux destinées du pays. Ils avaient tous les deux des projets distincts mais avaient en commun d’être ambitieux pour la Mauritanie. Ils sont Sidi Ould Cheikh Abdellahi et Zeine Ould Zeidane, arrivés respectivement premier et troisième au premier tour de l’élection présidentielle du 11 mars 2007. Le premier sera élu dans un second tour dans lequel Ould Zeidane lui a apporté son soutien.

Tandis que le premier avait été dopé par un soutien d’un membre du CMJD (spécialement le Colonel Aziz), le second a surfé sur une lame régionaliste et financière. Et que l’on se rassure ici, loin de la bataille des idées, d’autres candidats ont chevauché sur les brides abjectes du régionalisme, du sectarisme et même du racisme. Quelques mois après, les populations pour lesquelles on avait promis monts et merveilles et pour lesquelles on n’a rien fait, ont beaucoup attendu. Le bilan des 100 premiers jours du gouvernement risque d’être une grosse déception.

 



 

Horizons socio-économiques flous, discours politique fade et plat, accumulation des déconvenues, récupération du discours politique de l’ex-opposition sur les sujets qui fâchaient, et silence de cimetière le plus souvent, le nouveau gouvernement de Zeine Ould Zeidane a battu tous les records de l’impotence, de la temporisation et de l’hésitation. Ce gouvernement a fait plonger le pays dans un brouillard épais d’invisibilité et d’illisibilité.
Quelque mois auparavant, les citoyens de ce pays avaient pourtant attendu cet instant magique où ils allaient pouvoir mettre un visage à leur président, et voir la couleur de leur gouvernement, qui devaient régler l’intégralité de leurs problèmes. Ils eurent droit à une pâtée de circonstance, un mariage arrangé.
Le président élu Sidi Ould Cheikh Abdellahi vraisemblablement par souci de s’inscrire en porte à faux contre une rumeur le présentant comme l’homme du CMJD tombeur de l’ancien régime, désignera comme premier ministre (PM) Zeine Ould Zeidane qui incarne aux yeux de larges pans de l’opinion, le clan des nostalgiques de l’avant 3 août 2005. Mais au lieu de tenir compte des engagements électoraux, et de parer au plus pressé, le nouveau PM a vite fait de montrer ses limites à prendre de l’initiative et à développer de bons réflexes face aux sollicitations du moment. En lieu et place de l’action tant attendue on aura droit à une coûteuse et stupide reconfiguration du paysage gouvernemental qui ne fera que le bonheur des imprimeurs. Quel gâchis !
Nantis de leurs pouvoirs et de leurs prérogatives constitutionnelles de premier Président démocratiquement élu à travers des élections pluralistes, et de Premier ministre désigné et mandaté par une lettre de mission, se devaient de ne pas décevoir les attentes de leurs concitoyens.
Sitôt arrivés en fonction, les deux hommes ont cessé d’émettre, renvoyant l’opinion publique dans un silence intrigant et installant du coup, un climat qui prête à toutes les interprétations et toutes les supputations, bien que le président de la République soit d’un niveau qui lui permet d’être à mesure d’animer la vie politique.
Et pour cause : Ould Cheikh Abdallahi a une longue et riche expérience, une réputation d’homme prudent et mesuré. Quand à Ould Zeidane, toute la classe politique est unanime sur le fait que c’est un jeune technocrate, archi libéral, carriériste et élitiste formé et séduit par les théories de la macro gouvernance, sans expérience pour tout ce qui est développement à la base (communautaire ou social) qui devait pourtant constituer le gros de son travail.
Le PM est aussi présenté comme quelqu’un d’assez imbu de sa propre personne, d’orgueilleux et d’assez distant du quotidien des populations et des gens simples. Ould Zeidane qui est un économiste bon élève de la Banque Mondiale, n’est pas apparemment imprégné de grand-chose de tout ce qui sort du cadre de ses cahiers de leçons, et n’a jamais vécu d’épreuves difficiles, ni dans la vie, ni sur le plan professionnel. En dehors de ses chiffres et ses recettes maison, et du manuel de procédures de la BM, Zeine ne serait pas très bien calé. Ce n’est donc pas étonnant que le pays continue à tergiverser et à se débattre dans ses problèmes. Son gouvernement sitôt installé fit face à une cascade de faits malencontreux qui défirent et défièrent son autorité et sa confiance (déficit budgétaire, dessèchement monétaire, drogue, pénurie d’eau et d’électricité, insécurité, flambée des prix, prisons secrètes et résurgence du discours sectaire), sa réaction était disproportionnée à toutes ces bravades.

L’agenda politique du Premier ministre

D’après les premières analyses faites, le Premier ministre Zeine Ould Zeidane, apparaît comme un homme pragmatique. Ses nominations montrent qu’il est en train de préparer son avenir politique. Zeine Ould Zeidane qui se soucie plus -on l’espère-, du devenir de ses compatriotes que de son propre avenir politique, apparaît aux yeux de certains comme un homme politiquement fort et bien assis et même trop dangereux, en raison des segments et composantes qui constituent l’ossature de son assise politique.
Ces segments qui ont tissé des alliances solides sont sur le point de former un parti politique avec sa bénédiction. Il est aussi probable que ce grand «stratège» de chiffres soit tenté par des exercices de manipulation à travers la suscitation d’une multitude de foyers de micro crises dont il prendra soin de gérer pour apparaître comme un héro salvateur.
Présentement, les mauritaniens ne se sont jamais autant inquiétés pour leur avenir. Ils ne se sont jamais interrogés à tel point, et douté sur les motivations et les intentions de leurs dirigeants. Au lieu de renouer avec l’espérance, le Premier ministre inaugure son règne en attaquant à visage découvert – à travers sa déclaration de politique générale – ses adversaires politiques potentiels (le CMJD) et les personnes qui sont sensés lui faire de l’ombre dans l’avenir, surtout le Premier ministre sortant Ould Boubacar, à qui il imputa un déficit de plus de 30 milliards de dollars.
Cohabiter et après ?
Vue de la période transitoire, la nouvelle alternance démocratique incarnée par l’émergence de la troisième République est une reculade incertaine pour bon nombre d’observateurs. Beaucoup de citoyens commencent déjà à regretter le CMJD ou même Ould Taya, et redoutent le pire, face à l’incurie en marche du gouvernement. Face à la multiplicité et à la complexité des problèmes du pays, le gouvernement actuel est en train de donner le ton, il risque de façonner pour une bonne période la manière d’agir et de réagir de notre classe politique et intellectuelle en lui inoculant le virus de l’inaction et de la démagogie. Le résultat à ce sujet est déjà édifiant. Tout le monde est en train de récupérer et d’accaparer le discours de la démocratie de la moralité et de la probité, de la transparence, du changement, de la bonne gouvernance et des droits de l’homme, même les symboles de la gabegie qui les ont farouchement combattu hier sont aujourd’hui les porte-étendards de cette nouvelle vague "consciencieuse" et "probe". C’est ainsi que les expulseurs d’hier, sont aujourd’hui aux premiers rangs pour demander le retour juste des réfugiés au pays et leur rétablissement dans leurs droits. Aux yeux de certains analystes, la crise est là. Les problèmes du pays sont entiers et ont même empiré depuis le départ du CMJD, et la cohabitation avec les problèmes semble être la règle d’or du nouveau gouvernement.

TOB


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