DEMOCRATISATION EN MAURITANIE : Les pratiques à bannir dans notre nouvelle République (Partie I)   
17/03/2007

Notre pays suscite en ces moments historiques l’estime et l’admiration de tous les pays du Monde. Voici, en effet, un petit pays perdu dans le Sahara africain dont la moitié de la population vit dans la misère et l’analphabétisme, et qui ose enclencher un processus de démocratisation dont l’exemplarité n’a presque pas d’égal dans son aire géographique et culturelle.



Ce pays qui ne faisait parler de lui que lors des invasions acridiennes ou de tentatives de coups d’Etat occupe aujourd’hui la Une des principaux medias de la planète. Belle leçon de courage politique et de maturité civique; mais l’essentiel n’est pas là !Le plus important et le plus difficile reste à faire; et seuls les mauritaniens peuvent -et doivent- le faire. Il s’agit de relever le défi -ô combien difficile- relatif à l’efficacité et à la durabilité des institutions que nous sommes en train de mettre en place. Quel gâchis, si après tant de vaillance on renoue avec les pratiques du passé !
Les changements à effectuer sont d’une diversité étourdissante : notre mode de gouvernance, notre mode de communication, notre façon d’administrer notre service public et nos populations. En somme notre mode de vivre la République. La complexité et la diversité des actions à entreprendre pourraient faire peur au risque d’inhiber toute entreprise dans ce sens. Et ce sera encore une fois un ratage qui nous fera courir des risques incalculables.
Il est certain qu’un article de Presse ne peut pas faire le tour des pratiques à instaurer dans notre pays pour relever les défis qui sont désormais les nôtres. Tout au plus, pourrait-on citer de manière désordonnée certaines pratiques à bannir pour faire en sorte que le précieux héritage(1) de la période transitoire soit entretenu et préservé.
Dans le domaine de la Gouvernance politique : il s’agit surtout de consacrer dans la pratique et dans les esprits le principe de la séparation des Pouvoirs. Dans les esprits surtout, car tant que les Chefs de ces pouvoirs n’ont pas assimilé ce principe sacré, ils ne pourront jamais l’assumer. Et cela veut dire beaucoup de choses dont la première -et la plus importante- est celle-ci : le Président de la République n’est pas le Dieu de la Mauritanie (2). Le Président doit accomplir sa mission essentielle, à savoir "être le gardien de la Constitution et assurer, en tant qu’arbitre, le bon fonctionnement des institutions de la République". Pour cela il jouit certes de pouvoirs étendus, mais ceux-ci n’ont de légitimité et de sens que s’ils concourent au respect des principes ci-dessus énoncés. Autrement, il ne mérite aucun respect et les autres Pouvoirs constitutionnels devraient se mobiliser pour le contraindre à se corriger ou ....à se démettre.
Le Gouvernement -et donc les Ministres- devront inaugurer une nouvelle façon d’agir au service du pays. A cette fin, les Ministres devront assumer pleinement leurs responsabilités en agissant dans le cadre fixé par la Loi et en poursuivant les objectifs assignés aux politiques arrêtées pour leur secteur (3). Et non attendre que le Président leur donne des instructions : faites ceci; faites cela; tel village a un problème d’eau ou de santé ! Puisse nos futurs Ministres se rappeler que dans certains pays un Ministre peut avoir un avis différent de celui du Président de la République, y compris sur des questions importantes, sans que cela ne pose le moindre problème. Pourvu qu’il fasse bien son travail et qu’il atteigne les objectifs assignés à son Département. L’ampleur des défis de la période post-CMJD appelle à une vigilance extrême dans le choix des futurs ministres ; et il serait plus qu’opportun d’assujettir ceux-ci à la prestation de Serment avant leur entrée en fonction.
Dans le domaine de la Communication et de l’audio-visuel public en particulier, une autre révolution s’impose et ce d’autant plus que ce secteur contribue pour beaucoup dans la formation de l’image du pays à travers le monde. Plusieurs personnes -surtout dans le monde arabe- vont continuer à nous accorder leur intérêt en suivant nos mass media, notamment notre télévision nationale. Et ils seront vite déçus s’ils voient que notre Media leur sert les mêmes séquences vécues chez eux : des journaux dominés par les activités du Chef de l’Etat et du Gouvernement (4); et qui ignorent superbement les véritables questions d’intérêt national. Des pseudo-débats parlementaires où l’essentiel est passé sous silence. Ils seront encore déçus s’ils ne voient pas des émissions politiques où les gouvernants sont soumis aux questions directes des populations. Bref, un Media national au vrai sens du mot, prenant en charge les intérêts véritables de la Nation et non un Média au service d’un Gouvernement.
Concernant les pratiques de l’Administration territoriale, la culture du ’’Sherif du far west’’ devra impérativement cesser. Ces autorités doivent agir pour l’intérêt des populations et en se mettant au service de celles-ci. Bien loin de ce que l’on a toujours vécu dans ce pays où le plus simple des Préfets s’est toujours comporté en petit Dieu régentant les population au gré de son humeur : pas de procédures, pas de droits, rien que des devoirs ! Les exemples anecdotiques de tels comportements sont légion et alimentent notre ’’registre national’’ d’histoires drôles.Concluons ce premier volet en rappelant que l’on vient de réussir dans ce pays, la démocratisation de l’accès au Pouvoir mais que le plus dur reste à faire : il s’agit d’en démocratiser pleinement l’exercice au quotidien (5).

Que Dieu protège la Démocratie mauritanienne !

Par : M. Abbas ALAOUI

(1) Les quelques insatisfactions que certains pourraient ressentir par rapport au bilan du CMJD ne devraient pas occulter l’essentiel. L’œuvre du CMJD est tout simplement grandiose : la Mauritanie a complètement changé sur le plan institutionnel. Il est vrai que l’on n’en mesurera la portée réelle que dans quelques mois ; lorsque les institutions mises en place vont commencer à fonctionner, avec notamment une Assemblée nationale plutôt équilibrée et dont le niveau intellectuel des membres est largement supérieur à tout ce que l’on déjà vu dans ce pays. A noter aussi que la profondeur des changements vécus durant cette période apporte un démenti cinglant à tous ceux qui professent –ces jours-ci, en particulier- que le changement véritable ne peut provenir que de ’’l’autre camp’’.
(2) Traduction incertaine en Hassaniya : Erraiss ma yektil wou la yehyi !
(3) Les Ministres devraient surtout respecter les Administrations mises à leur disposition. Ce respect passe avant tout par la mise en place de procédures transparentes et efficaces, qui reconnaissent aux Directeurs de Services la plénitude de leurs attributions et compétences, loin des pratiques vécues par le passé et qui tendaient à transformer notre Administration en un ’’Secteur informel’’ marqué par l’absence de règles et l’omniprésence des ’’interventions’’. Tout cela amène à poser une question terrible : où va-t-on trouver de tels Ministres ? Toute suggestion honnête et désintéressée est la bienvenue à Journal TAHALIL.
(4) De grâce ! Epargnons- les certaines scènes avilissantes et abrutissantes du genre : ouverture d’un séminaire où un Ministre –les yeux plongés dans son papier- débite durant plusieurs minutes un discours où la langue de bois le dispute aux platitudes ! Les seuls discours à transmettre dans leur intégralité devraient être ceux du Président de la République lors des occasions solennelles. Tous les autres devraient faire l’objet de résumés pertinents.
(5) Et ainsi montrer au monde qu’on est dans une ’’Démocratie avec démocrates’’ pour paraphraser le titre de l’ouvrage collectif coordonné par M. Ghassane SALAME relatif aux expériences de démocratisation dans les pays arabes, et intitulé ’’Démocraties sans démocrates’’.


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