Exécution de Saddam Hussein: Indignation dans le monde arabo-musulman, déception de l’Afrique du Sud et d’Amnesty et série d’attentats en Irak   
30/12/2006

Regain de violences en Irak après l’exécution de Saddam Hussein : trois voitures piégées ont explosé à peu de temps d’intervalle samedi matin à Bagdad, faisant 25  morts et 65 blessés. Ces attentats ont été commis à Hourriya, quartier  principalement chiite de la capitale. Auparavant, quelques heures après la pendaison de Saddam Hussein un attentat à la voiture piégée avait fait 36 morts et 58  blessés dans la ville chiite de Koufa, située non loin de la  ville sainte chiite de Nadjaf. En dehors de l’Irak ,la mort de Saddam Hussein, pendu samedi à Baghdad, a soulevé une vague d’indignation, Iran à part, dans le monde arabo-musulman.



A La Mecque, les  pèlerins ont déploré que les autorités irakiennes aient choisi de  l’exécuter alors que débute l’Aïd El Adha, la fête du sacrifice  et temps fort du calendrier musulman.  "Son exécution le jour de l’Aïd (...) est une insulte pour  tous les musulmans", a ainsi affirmé Nidal Mohamed Salah, un  pèlerin jordanien.
La fête du sacrifice, qui coïncide avec le hadj, pèlerinage  annuel de La Mecque, commémore l’acte d’Abraham, qui, selon la  croyance, s’était résolu à sacrifier son fils à la demande de Dieu, lequel a finalement retenu sa main. Les fidèles la  célèbrent en sacrifiant un mouton.
La charge symbolique de la date retenue pour l’exécution de  l’ancien président irakien pourrait alimenter l’instabilité en  Irak et ailleurs et les autorités saoudiennes craignent que son  exécution ne donne lieu à des tensions entre pèlerins chiites et  sunnites.  "C’est incroyable! Les choses ne vont pas s’arranger en Irak  maintenant que Saddam est mort. La violence va s’aggraver et il  y aura davantage de colère à l’égard de l’Occident", résume Abou  Moustafa, venu de Syrie.  Au-delà de la Mecque, l’ensemble de la région a pu voir les  images reprises par toutes les chaînes de télévision qui  montrent le bourreau passant la corde autour du cou de  l’ex-raïs.  "C’est le pire Aïd jamais vu par les musulmans. J’ai eu la  chair de poule quand j’ai vu le reportage", affirme Rana  Abdallah, une Jordanienne de 30 ans.  Seul Etat à exprimer sa solidarité avec le condamné, la Libye a décrété trois jours de deuil national et annulé les  célébrations publiques de l’Aïd.

"PROVOCATION"
"Je n’ai aucune peine ou compassion pour l’homme, mais le  moment choisi est stupide et les musulmans vont penser qu’il  s’agit d’une provocation", estime Ehab Abdel-Hamid, romancier et  membre de la rédaction du journal cairote Al Dostour.  "L’opinion publique arabe se demande qui méritait d’être  jugé et exécuté: Saddam Hussein, qui a préservé l’unité de l’Irak, son identité arabe et musulmane et la coexistence de ses  différentes communautés (...), où ceux qui ont plongé ce pays  dans cette guerre civile sanglante?", s’interroge Abdel-Barri Atwan, du quotidien Al Quds al Arabi, publié à Londres.  Aucun débordement n’a été observé dans les rues des  capitales arabes, où les fidèles semblaient davantage préoccupés par la célébration de ce jour de fête. Plusieurs milliers  d’Indiens, musulmans pour la plupart, ont en revanche manifesté  leur colère à l’égard des Etats-Unis. Tadjeddine el Husseïni, professeur marocain de droit du  commerce international, considère lui aussi que le "sacrifice  symbolique" de Saddam Hussein, le jour où les musulmans égorgent un mouton, ne peut rien arranger.  "Il y a un risque que les baathistes s’attaquent aux intérêts  américains y compris hors d’Irak", souligne-t-il. En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, c’est une véritable  onde de choc qui a suivi l’annonce de l’exécution. Nombreux sont  les Palestiniens qui considéraient l’ancien dictateur comme un  héros pour avoir défié Israël à coups de missiles Scud pendant la première guerre du Golfe. "Les Américains veulent dire à tous les dirigeants arabes  qui sont leurs valets qu’ils sont comme Saddam, rien d’autres  que des moutons égorgés pour l’Aïd", affirme Abou Mohamed,  interrogé à une mosquée de Gaza. Au yeux de Mouchir Al Masri, député du Hamas au pouvoir dans  les territoires occupés, la pendaison de Saddam Hussein apporte la  preuve que les Etats-Unis mènent une "politique criminelle et terroriste" et qu’ils sont en guerre "contre toutes les forces  de résistance du monde". Au Koweït, où le Raiss irakien  reste honni pour avoir envahi  l’émirat en 1990, Ahmed al Chatti, fonctionnaire au ministère de  la Santé, déplore que son procès ait été incomplet. "Il n’a pas répondu des crimes commis pendant l’occupation du Koweit ",  s’indigne-t-il.

«Justice a été faite» … «Il était un héros, un symbole»

L’exécution de Saddam Hussein samedi a suscité des réactions mitigées au Moyen-Orient, l’Iran et Israël saluant un juste châtiment tandis que la Libye, le Hamas palestinien et les avocats de l’ex-président irakien dénonçaient un assassinat politique. Le chef de la commission de la sécurité au Parlement iranien Alaeddin Boroujerdi a félicité la nation iranienne "car l’homme qui a été le responsable de crimes en série et de la mort de nos meilleurs jeunes hommes a été envoyé en enfer".
La télévision iranienne a passé en boucle des images d’atrocités de la guerre que Saddam Hussein avait déclenchée contre l’Iran (1980-1988) faisant plus d’un million de morts. Pour Israël, "justice a été faite", selon un haut responsable qui a gardé l’anonymat. "C’est un homme qui a lancé au coeur d’Israël 39 missiles" lors de la première guerre du Golfe (1991), a pour sa part déclaré le vice-ministre de la Défense Ephraïm Sneh, ajoutant: Saddam "préparait contre nous l’arme nucléaire". Le porte-parole du Hamas, qui dirige le gouvernement palestinien, Fawzi Barhoum, a lui dénoncé un "assassinat politique" qui "viole toutes les lois internationales censées protéger les prisonniers de guerre". "Il était un héros, un symbole. Le seul à soutenir le peuple palestinien", a déclaré de son côté Abdel Mokki, 25 ans, un policier de Gaza. Les avocats de Saddam Hussein ont qualifié l’ancien président irakien de ""martyr"" et également dénoncé un ""assassinat politique"". La Libye a décidé elle de décréter trois jours de deuil national pour le ""prisonnier de guerre Saddam Hussein"" et les festivités prévues pour la fête d’al-Adha ont été annulées.
"L’exécution du chef de l’ancien régime n’a pas de motivation politique. Le système judiciaire irakien a prouvé durant le procès (...) son indépendance", a tenu à souligner le Premier ministre irakien Nouri-al-Maliki, à Bagdad, où l’exécution de Saddam Hussein n’a été saluée que par quelques tirs de joie dans les quartiers majoritairement chiites. Le dirigeant kurde Massoud Barzani s’est réjoui de l’exécution, tout en rappelant l’importance de la poursuite du procès Anfal, dans lequel l’ancien président était accusé de génocide contre les Kurdes.

«La sentence émane du président Bush»
Oum Mohamad, une Irakienne originaire de Doujail, aujourd’hui réfugiée en Jordanie souhaitait la mort de Saddam Hussein mais, pour elle, "c’était aux Irakiens, en particulier aux habitants de Doujail de faire payer Saddam, pas à une force occupante".
L’Organisation de la conférence islamique (OCI) a appelé les Irakiens à "rester unis", alors que la Ligue arabe a également souhaité que la ""fin tragique"" de Saddam Hussein n’attise pas les conflits qui déchirent l’Irak.
En Egypte, où le gouvernement n’avait pas réagi, les Frères musulmans, principal groupe d’opposition, ont estimé que le jour de la célébration de la fête musulmane d’al-Adha était "mal choisi" pour pendre Saddam, tout en le qualifiant de ""dictateur"". A Mina, en Arabie saoudite, où plus de deux millions de musulmans célèbrent le dernier rite du pèlerinage annuel à La Mecque, les pélerins étaient partagés. "C’était un homme très bon et tout le peuple pakistanais l’aime", a déclaré à l’AFP Mohammad Nadim, un Pakistanais de 45 ans. "La sentence émane du (président américain George W.) Bush, pas d’un tribunal irakien", a estimé pour sa part Salem al-Riyahi, un Tunisien de 55 ans. Mais un autre fidèle, un habitant de la ville chiite irakienne de Kerbala (centre) voit lui dans cette exécution "le sort de ceux qui torturent et répriment leur peuple", en allusion notamment à la communauté chiite, persécutée à l’époque de Saddam Hussein.

L’Arabie saoudite critique l’exécution de la sentence pendant l’Aid El Adha

L’Arabie saoudite, a reproché samedi aux dirigeants irakiens  d’avoir exécuté Saddam Hussein pendant la fête musulmane de l’Aïd el Adha, estimant en outre  que son procès avait été politisé.  "L’exécution de la sentence pendant les mois saints et les  premiers jours de l’Aïd el Adha a provoqué surprise et désapprobation", a déclaré un présentateur de la chaîne de télévision officielle saoudienne al Ikhbariya, après  l’interruption des programmes pour la lecture de ce communiqué. "Les dirigeants de pays musulmans devraient faire preuve de  respect à cette occasion bénie, et non pas la rabaisser", a  ajouté le même communiqué, attribué au spécialiste des questions politiques de l’agence de presse saoudienne SPA.  "On s’était attendu à ce que le procès d’un ancien  président, qui a été au pouvoir pendant une durée considérable,  dure plus longtemps (...), fasse preuve d’une plus grande  précision et ne soit pas politisé".

La Ligue arabe parle d’«une fin tragique d’une phase triste»
Un proche collaborateur  d’Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, a estimé samedi au Caire que l’exécution de Saddam Hussein était "une fin  tragique pour une phase triste de l’histoire de l’Irak".  "Nous espérons que les Irakiens vont se concentrer sur leur avenir et seront en mesure de surmonter cette étape, d’en finir  avec la violence et de parvenir à se réconcilier", a déclaré  Hecham Youssef à Reuters.  Nombre de pays arabes se sont abstenus de toute réaction  officielle à la pendaison de l’ancien raïs irakien.

L’OCI appelle les irakiens à «regarder vers l’avenir»

L’Organisation de la conférence islamique (OCI) a appelé les Irakiens à "rester unis" et à "regarder vers l’avenir", samedi quelques heures après l’exécution du président irakien déchu Saddam Hussein "Le secrétaire général de l’Organisation de la conférence islamique Ekmeleddin Ihsanoglu lance un appel au calme au peuple irakien et l’invite à rester uni et à bannir la violence confessionnelle", indique un communiqué de cette organisation panislamique publié à Djeddah. "Le processus de réconciliation ne devrait pas être touché par cette exécution. Les Irakiens doivent diriger leur regard vers l’avenir et oeuvrer pour la reconstruction de leur pays", indique encore le communiqué.

Les Frères musulmans d’Egypte estiment que le jour d’exécution est «mal choisi»

Les Frères musulmans, principal groupe d’opposition en Egypte, ont estimé samedi que le jour de la célébration de la fête musulmane d’al-Adha était ""mal choisi"" pour l’exécution de l’ancien président irakien Saddam Hussein. "Aujourd’hui, jour de l’Aïd al-Adha, le jour était mal choisi. Toutes les traditions disent qu’il s’agit d’un jour de pardon", a déclaré à l’AFP le Guide suprême de la confrérie, Mohammed Mahdi Akef. "L’exécuter aujourd’hui est en-dessous de toute valeur humaine", a-t-il poursuivi. "Saddam était un dictateur, un oppresseur et un criminel. Mais il a aussi travaillé à préserver l’unité de son pays", a-t-il estimé.
"Il aurait pu bénéficier d’un procès juste et il aurait pu être pendu, mais pas de cette manière", a-t-il ajouté.

L’Afrique du Sud rappelle son «opposition de principe» à la peine de mort

L’Afrique du Sud a réagi samedi à l’exécution de l’ancien président irakien Saddam Hussein, en rappelant son "opposition de principe" à la peine de mort qui n’est "pas la panacée" dans la situation politique actuelle de l’Irak, selon un communiqué officiel. "A partir de la date de la condamnation à la peine de mort par un tribunal irakien, l’Afrique du Sud s’est jointe à la communauté internationale en exprimant son opposition de principe à l’application de la peine capitale à Saddam", a rappelé le ministère des Affaires étrangères. "L’Afrique du Sud demeure convaincue que son exécution n’est pas la panacée aux problèmes politiques actuels en Irak, mais pourrait alimenter la violence dans une situation déjà volatile", a souligné Pretoria dans son communiqué.
"En conséquence, nous réitérons l’appel du président Thabo Mbeki selon lequel, en dépit ce qui est arrivé par le passé, les Nations unies doivent rester engagées en Irak afin d’y apporter la paix et la stabilité", conclut le texte.

Amnesty International déplore la pendaison de Saddam Hussein

Amnesty International (basée à Londres), a déploré samedi la pendaison de l’ancien président irakien Saddam Hussein, soulignant que cette exécution n’aidera pas à mettre fin aux assassinats politiques en Irak. Rappelant son opposition au principe même de la peine capitale, Amnesty a souligné que la cour d’appel irakienne, qui a confirmé la peine de mort retenue contre l’ancien président irakien, a manqué de combler les irrégularités ayant entaché le procès de Saddam devant la haute cour criminelle. "Nous nous opposons à la peine capitale et la considérons comme une violation du droit à la vie", a dit M. Malcolm Smart, Directeur pour l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à Amnesty. Il a, en outre, dit qu’il était préoccupant que l’exécution de Saddam semble comme une décision prise bien avant. "Cette exécution sera perçue par plusieurs personnes comme exemple de la justice du victorieux", a-t-il ajouté.

Synthése TAHALIL Hebdo

 


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Commentaires
Cofs
newmexicocity@gmail.com
2010-06-29 16:31:04

good start

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