Autorités et acteurs politiques au Palais des Congrès: Concerto pour des élections difficiles   
02/11/2006

Après la crise née des candidatures indépendantes, véritable clash politique, les acteurs ont décidé de reprendre le fil du dialogue après le discours du Chef de l’Etat il y a quelques jours. Une journée de concertation a été ainsi organisée mardi 31 octobre 2006 au Palais de Congrès de Nouakchott.



La réunion qui s’est poursuivie tard dans la nuit, a regroupé les membres de la Commission interministérielle chargée du processus démocratique,  la CENI, la HAPA et leaders politiques. Toutes les questions relatives au déroulement du scrutin du 19 novembre prochain ont été discutées, à trois jours du lancement officiel de la campagne électorale.  
 Seules quelques figures emblématiques de la scène politique avaient répondu présent à la journée de concertation convoquée par les autorités de la transition, mardi soir, 31 octobre 2006 au Palais de Congrès de Nouakchott. Outre Mohamed Ould Maouloud de l’UFP, on notait la présence de Mohamed Mahmoud Ould Lematt et El Alem Ould Ahmed Yacoub et Haroune Ould Cheikh Sidiya du RFD, Saleh Ould Hanena de Hatem (Président en exercice de la CFCD - Coalition des Forces du Changement Démocratique), Mody Cissé de l’AJD , Cheikh Ould Horma du RPM-Temam …
Par contre, plusieurs grosses pointures de la scène politique étaient absentes, à l’image de Messaoud Ould Boulkheïr de l’APP, Chbih Cheikh Mélaïnine du FP, Moustapha Ould Abeïderrahmane du RD, pour ne citer que ceux-là. Ces absences ont sans nul doute contribué à la tranquillité des débats, qui se sont déroulés comme sur des roulettes. Les échanges, empreintes de cordialité, furent d’une monotonie à faire craquer de jalousie les plus douces démocraties.
Quatre points essentiels ont été introduits par le ministre Secrétaire général de la Présidence du CMJD, Habib Ould Hemet et le ministre de l’Intérieur, Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine. Il s’agit de la campagne électorale, de l’organisation des scrutins, du bulletin unique et des observateurs.
Les discussions sur l’utilisation des tentes de campagne et le financement des partis politiques, ont été passionnelles. Pour cette dernière question, une enveloppe de 140 millions d’appui spécial aux partis politiques a été débloquée. La moitié a été déjà libérée et l’autre moitié le sera dans quelques jours. La subvention normale quant à elle ne profitera qu’aux partis ayant recueillis un certain nombre de suffrages.
 
Tentes et bruits de décibels

Les différents aspects de la campagne, qui s’ouvre vendredi 3 novembre 2006 à minuit, ont été discutés à fond, notamment l’utilisation des places publiques et leur égale répartition entre les différents candidats. La majeure partie des partis politiques s’est opposée à l’utilisation des tentes, expression d’une sombre période de notre histoire, selon elle. Furent mis en exergue les risques sécuritaires liés à l’installation anarchique des tentes, la quiétude des citoyens mise à rude épreuve par le bruit de décibels non stop, en l’absence de mesures restrictives. Une formule devra être trouvée, selon Ould Hemeth, pour concilier les différents avis sur cette question.
Rappelons que les représentants de l’Etat avaient insisté dès le début de la rencontre sur la priorité des autorités, transparence totale des élections et neutralité absolue de l’administration. Ils ont rappelé que le rôle essentiel des partis politiques et de la société civile, dans cette campagne qui s’annonce, devra être axé sur la formation des électeurs sur les modalités complexes du vote. Une formation sur l’utilisation du bulletin unique serait d’ailleurs prévue le 4 novembre à l’intention des membres des bureaux de vote, notamment les représentants des partis et de la CENI.
 
Jour du scrutin
Le ministre de l’Intérieur a souligné que le découpage des bureaux de vote a obéi à des critères d’ordre géographique et démographique   objectifs, de concert avec les acteurs concernés. Ce sont les mêmes impératifs de transparence et de neutralité qui auraient sous-tendu, selon lui, la désignation des présidents de bureaux de vote et leurs assesseurs, par consensus. Il fera observer, d’autre part, que les partis politiques ont la possibilité de porter des réserves sur ces choix, en présentant des arguments valables.
Autre innovation de taille, les autorités s’engagent à assurer le transport des représentants des partis politiques vers leurs bureaux de vote et les ramener à la fin des opérations.
Concernant les bulletins de vote dont la confection a été confiée à une société anglaise, le ministre a souligné qu’ils seront disponibles au plus tard le 10 novembre prochain. Cependant, plusieurs leaders ont contesté la qualité des bulletins. Pour certains, c’est la couleur, d’autres, l’omission ou le classement attribué. Ce dernier étant fonction de la date de dépôt, certains ont relevé avoir été classé derrière des listes dont la date de dépôt est postérieure à la leur. Concernant les isoloirs, le ministre a révélé qu’ils seront confectionnés au niveau local.
Le rôle des représentants a été aussi clarifié durant la rencontre. Ainsi, le représentant d’un parti politique se contentera de son rôle d’observateur, sans droit d’interférer dans le déroulement du scrutin. Il notera ses remarques personnelles et fera son compte-rendu à ses dirigeants, lesquels, en cas d’entorse, pourront déposer un recours auprès des instances concernées. Le Président du bureau peut exclure tout représentant de partis qui ne se conformerait pas aux règles. S’agissant du représentant de la CENI, celui-ci ne peut nullement être exclu par le président du bureau de vote. En cas de conflit, son cas devra être soumis aux responsables locaux de son instance, qui jugeront de la conduite à tenir. A la fin du dépouillement, chaque représentant de partis recevra une copie du procès-verbal. Les résultats devront également être aussitôt affichés devant le bureau, puis seront publiés sur le Net, bureau par bureau, a promis le ministre de l’Intérieur. D’autre part, sur une demande des partis politiques, la CENI et le ministère de l’Intérieur ont décidé de mettre en place des lignes téléphoniques ainsi que des permanences fixes pour recevoir minute par minute, les réclamations et autres doléances posées par les acteurs politiques, le jour du scrutin.
A priori, les plaintes devront être adressées à la Commission administrative régionale dont seules les décisions peuvent être attaquées. Pour les litiges liés au scrutin législatif, un deuxième recours est possible auprès du conseil  constitutionnel ; dans le cas des municipaux, c’est la Cour Suprême qui sera compétente. A noter aussi, que l’assemblée nationale issue des scrutins du 19 novembre et du 3 décembre 2006 ne siègera qu’à la fin de la période de transition après  l’élection du Président de la République.
 
Gage de transparence
Pour assurer des élections libres, transparentes et non sujettes à caution, l’Etat mauritanien a invité le plus grand nombre d’observateurs possibles. C’est ainsi que des demandes ont été adressées à l’Union européenne, au Parlement africain, à l’Organisation de la Francophonie, la Ligue arabe, à l’organisation de la Conférence islamique, au NDI américain, mais aussi à des pays amis. Les observateurs européens, seuls à être encore en place, ont déjà déployé leurs observateurs à longue durée alors qu’ils attendent d’autres observateurs dits de courte durée. Les premiers ont regagné leur lieu de deploiemeznt, mardi dernier. Ils devront s’enrichir d’observateurs nationaux accrédités par l’Observatoire national des élections dont les instances viennent d’être mises en place.
 
CENI et HAPA
Le Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine, et le tout nouveau Président de la Haute Autorité de la Presse et de l’Audioviosuel (HAPA), Bal Mohamedou, ont également tour à tour pris la parole pour apporter des éclaircissements. Pour le Président de la CENI, toutes les dispositions ont été prises par son institution pour remplir efficacement la mission qui lui est confiée. Après la révision et le dépoussiérage du cadre institutionnel et juridique relatif aux élections, entrepris de concert avec l’ensemble des acteurs concernés, la CENI est fin prête pour recueillir, à temps réel, les résultats des élections au niveau de chaque circonscription électorale.
Mais cet optimisme ambiant ne semble pas être partagé par le Président de la HAPA. Dans son intervention, M.Bal a souligné toute la difficulté, sinon l’impossibilité mathématique de partager les temps d’antenne, à la radio et à la télévision, entre les 1.600 candidats en lice. Au principe d’égalité arithmétique, en terme de couverture médiatique, il préfère la notion d’équité. Il soulignera toutefois que son équipe est à pied d’oeuvre pour trouver les mécanismes appropriés pour contenter l’ensemble des acteurs politiques.
 
Cas des fonctionnaires candidats
Une grande équivoque a été levée par les deux responsables de l’Etat, au cours de la rencontre. Il s’agit de l’interprétation erronée de la circulaire du Premier ministère, mettant d’office en congé, avec suspension de salaires, tout fonctionnaire et agent de l’Etat candidat à un poste électif dès l’acceptation de sa candidature, M.Habib Ould Hemeth, rectifiera le tir. Cette mesure, note-t-il, ne concerne que les hauts fonctionnaires de l’Etat, c’est-à-dire, ceux qui ont été nommés par décret pris en conseil des ministres. Ceux-ci, continuant à percevoir leur salaire de base, seront mis en congés et perdront tous les avantages liés à leur fonction. Cette mesure, selon lui, répond au souci de l’Etat de marquer sa stricte neutralité par rapport au jeu politique, en empêchant certains candidats d’utiliser leur charge et leur position publique pour infléchir sur le choix des électeurs.
 
Les interventions

La journée a été une véritable fête du donner et du recevoir. Questions et réponses, paroles apaisées et douces récriminations volaient des participants vers la table officielle, et des représentants de l’autorité vers les acteurs politiques, dans un ballet de liberté et de tolérance. Premier à prendre la parole, M.Mohamed Ould Dellahi, président des Verts, dont la verve agitatrice attisa une petite étincelle, vite occultée. Sa préoccupation, l’aide tardif de l’Etat dans son appui déclaré aux partis politiques. Omar Ould Mohamed Mokhtar de Hatem, volant la vedette à son président assis dans la salle, exprimera l’appréhension des partis sur la neutralité du CMJD et du Gouvernement, réclamant des garanties plus fortes, une évaluation à la fin de la première semaine de campagne électorale, mais surtout le recul des élections jusqu’au 31 novembre pour permettre aux électeurs de se familiariser avec les nouveaux mécanismes de vote. Le représentant du PSD, relayé par plusieurs autres intervenants, s’opposera à l’utilisation des tentes durant la campagne électorale. Mohamed Ould Maouloud de l’UFP et Saleh Ould Hannena de Hatem verseront d’ailleurs toute leur énergie sur cette proposition. Elle fut leur principal cheval de bataille. Le PRDR par la voix de l’ancienne Secrétaire d’Etat aux nouvelles technologies, Mme Betrigha Mint Kaber, fera un long sermon sur la démocratie et la paix civile, avant de se plaindre de la mauvaise qualité du bleu choisi par son parti. Suivront pêle-mêle, les représentants de l’UDN, du PTUN, des Libéraux, du PMR, du PCDM, de Sawab, de Temam…El Alem Ould Ahmed Yacoub, s’excusant de l’intervention peu polie d’un militant qui s’était exprimé avant lui, se présentera comme le «représentant légitime du RFD». Sa proposition pour faciliter le vote semble judicieuse. Selon lui, pour éviter toute confusion et faciliter la tâche aux citoyens, les bulletins doivent être délivrés un par un, urne par urne, pour ceux qui éprouveraient des difficultés à manipuler trois bulletins à la fois. Cette dernière disposition sera sans doute laissée à la discrétion du président du bureau de vote, comme le suggèrent les ministres.
A la fin de la rencontre avec les partis politiques, le ministre Secrétaire général de la Présidence du CMJD et le ministère de l’Intérieur ont animé une conférence de presse sur les mêmes thèmes.
Cheikh Aïdara  (L’Authentique)
 


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