Par simple patriotisme    
07/06/2006

Permettez-moi de paraphraser le Général DE GAULLE, qui, à propos de la construction européenne, fit cette célèbre réplique à un journaliste « bien entendu, on peut toujours sauter comme un cabri en disant « l’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! Ce n’est pas ainsi qu’on fera avancer les choses».
Ici, chez nous tout le monde sait ce qui ne va pas, nos journalistes, nos intellectuels, nos cadres, nos commerçants, nos épouses, nos femmes de ménages, les étrangers vivant dans notre pays, et même ceux de passage le savent. Ce qui ne marche pas est visible à l’œil nu, nous n’avons pas besoin de grands experts pour nous le montrer, tellement c’est évident.



La réalité est toute simple, il s’agit d’un pays peuplé de presque 3 millions d’individus qui tournent en rond depuis prés de 30 ans. Ils avancent parfois et reculent aussitôt, à quelques choses près comme ce fut le cas du peuple juif au temps de MOISE, après une domination par les Egyptiens sous le règne des Pharaons qui dura presque 5 siècles. MOISE décida de les conduire vers la Palestine pour les sauver. Mais arrivés aux remparts de Jérusalem, ils refusèrent de livrer bataille aux gens qui occupaient à cette époque « AL KODS » qui s’appelait à cette époque « ILIA ». Malgré les doléances et prières de MOISE et de son frère HAROUNE, ils déclarèrent à MOISE, « nous sommes un peuple qui a été dominé par les Egyptiens pendant 450 ans et nous ne connaissons rien d’autre que l’élevage et l’agriculture, allez y vous et votre Dieu les combattre et nous, nous allons vous attendre ici ». MOISE les a alors maudits et abandonnés à leur sort, et ils sont restés dans le désert du Neguev et du Sinai à tourner en rond sans savoir quelle direction prendre 40 ans durant. Ils étaient au nombre de 600.000 individus à cette époque.
Notre peuple à nous est sûrement moins têtu, mais il est pourtant égaré depuis presque 30 années, car nous avons pratiquement perdu tous nos repères.
Devant le spectacle que l’on anime devant lui depuis ces 3 décennies, le peuple commence à réaliser qu’il a tenu le rôle du pantin ou de la marionnette, selon l’humeur des régimes en place et des mesures trop souvent irréalistes prises par ses dirigeants. Nous avons assisté, impuissants, à l’application de mesures soi-disant salutaires (dixit ces dirigeants…) pour la population et le développement de l’économie, alors qu’elles n’avaient en réalité fait l’objet d’aucune étude sérieuse au préalable, ou étaient totalement inadaptées à la situation, voire stupides dans la majorité des cas.
Il faut aussi reconnaître que certaines de ces mesures, justifiées, se soldèrent par un bilan négatif, faute d’un suivi approprié et de la fermeté qui s’imposait au niveau de leur application.
Ce dont tout le monde est sûr, c’est que le pays regorge d’énormes potentialités en ressources humaines, minières, agro-pastorales, et qu’il jouit d’une excellente situation géographique, qu’il y a de l’eau, de l’espace et du soleil en permanence, et que son peuple est parmi les plus dociles sur la terre, puisque ce peuple accepte même l’inacceptable.
De mon humble point de vue, je pense que cette période de transition, aussi courte soit-elle (19mois) dont il ne reste à peine que 11, doit permettre de commencer des réformes de fond.
Ces réformes doivent viser particulièrement la valorisation de notre potentiel humain qui constitue la véritable richesse du pays.
En effet, presque toutes les ressources naturelles d’un pays sont épuisables. Dans le monde, les pays qui ont investi dans la valorisation de leurs ressources humaines, tels que le Japon, la Corée du Sud, la Tunisie (qui est très proche de nous)…, ont pu avancer et devenir pour certains de grandes puissances économiques.
Pourtant, ces pays disposent de peu de ressources naturelles comparables aux nôtres. Les échecs des régimes qui se sont succédés en Mauritanie résultent essentiellement de la non prise en compte de cette réalité et du mépris de la gestion rationnelle du facteur humain.
Je crois que dans l’ensemble tout le monde accepte de voir le poste de ministre occupé par n’importe quel mauritanien dés l’instant que les autorités le jugent acceptable. Ce qui est désolant, par contre, c’est de voir continuellement des nominations dans les différents départements ministériels et dans le secteur parapublic, de hauts responsables à des postes très techniques pour lesquels ils n’ont aucune qualification, des ambassadeurs venant directement de nos «bleds», pour prendre en charge nos représentations à l’étranger, bien que ces «diplomates» soient totalement incultes, certains ne sachant même pas conduire correctement une voiture et parfois ne parlant aucune langue étrangère. Cela a donné le résultat que nous connaissons bien : la pauvreté, l’ignorance, les maladies et une image à l’étranger que nous ne méritons pas.
C’est pour cette raison et en dépit de la richesse de notre pays que nous continuons à figurer sur la liste des pays les plus «misérables» et à ce titre peu flatteur nous partageons jusqu’à ce jour la charité allant des couvertures aux carcasses de moutons avec les pays pauvres comme l’Ethiopie, la Somalie, etc… .
Dans la pratique, nous devons aujourd’hui tirer les leçons de ce passé et éviter de répéter les mêmes erreurs, particulièrement dans l’utilisation de nos ressources humaines. Durant la période passée, de grands cadres ont été formés, dans toutes les branches scientifiques y compris la prospection pétrolière dont certains ont malgré eux pris part à ce passé sans doute par nécessité, d’autres ont été cueillis dés leurs fins d’études par des multinationales ou des universités eu égard l’excellence de leurs notes, d’autres qui avaient effectué leurs études à l’étranger sont revenus tenter leurs chances dans le pays, avec plus de déconvenue que de bonheur. La plus grande partie de ces cadres reste sans utilisation et pourtant ils perçoivent des salaires. D’autres enfin, sont revenus au pays avec d’excellents diplômes et de très bonnes notes, mais hélas, aussitôt ils se sont retrouvés directement nommés à des postes de hautes responsabilités, parfois même stratégiques et touchant à la souveraineté sans avoir acquis au préalable une expérience suffisante. Or, le fait de se trouver propulsés à un tel niveau de responsabilité n’a eu pour résultat chez la plupart de ces jeunes diplômés que de développer leur «égo», à tel point qu’ils se sont montrés incapables de faire face dés les premières difficultés survenues dans l’accomplissement de leur mission, ceci pour d’évidentes raisons d’inexpérience sur le terrain. Cela peut être compris et pardonné, car personne n’avait le pouvoir d’influencer sur le cour des événements sous ces régimes d’exception, et le grand perdant resterait de toute façon notre pays, s’il ne devait pas récupérer ces cadres là et les mettre dans de bonnes conditions matérielles et morales, afin qu’ils participent pleinement à son développement.
Nous devons faire tous les efforts possibles pour avoir une vision plus globale ciblant l’intérêt du pays, et qui doit passer obligatoirement par l’utilisation rationnelle des cadres nationaux, ainsi que par la récupération et la bonne utilisation de notre patrimoine humain, car seuls des cadres nationaux sont capables de comprendre mieux que quiconque nos réalités. Il faut nécessairement mettre en place de grandes réformes si nous voulons développer et gérer le pays.
Le gouvernement de transition est le seul à avoir la capacité d’initier ces grandes réformes, car il n’y a pas de raison de laisser comme par le passé cet état de faits sans remède, où nous assistions toujours à des nominations dans tous les départements ministériels, sans justification. Il y a vraiment urgence à ce niveau, car il est grand temps de perdre cette habitude irresponsable qui consiste à nommer à un poste souvent très technique, un nouveau venu n’ayant aucune expérience, alors que souvent dans le même département concerné, il y a des cadres expérimentés, payés, logés, et qui souvent ne viennent même pas sur leur lieu de travail, tellement ils s’ennuient. Or, plutôt que de diminuer le sureffectif, on préfère ajouter un, deux, voire trois éléments nouveaux complètement étrangers aux services, et souvent sans grande valeur. Nous sommes en droit de nous poser des questions : au nom de quelle logique ces pratiques doivent-elles continuer?
Concernant nos richesses, aucun secteur n’a vraiment connu jusqu’ici un niveau de développement correct. En effet, tous les secteurs souffrent essentiellement d’un manque de planification adéquate, mais c’est une logique tout à fait plausible quant on sait que souvent les 4 ou 5 premiers responsables, voire plus, ne sont d’aucune utilités car ils n’ont aucune connaissance des dossiers. Faute d’expérience et de qualifications nécessaires, ces responsables s’appuient souvent sur des cadres moyens pour faire fonctionner leurs départements, et ne sont jamais jugés ni choisis au départ sur des performances en rapport avec leur travail, ce qui a pour conséquence un résultat en deçà du zéro. Ceci concerne tous les départements ayant en charge notre devenir : l’éducation, la santé, le développement rural, l’industrie et les mines, etc…, pour ne citer que ceux-là, car leur situation est désastreuse. Le seul département qui a commencé son envol a été celui du pétrole, mais il s’est avéré être rapidement un tigre en papier, Dieu merci cela a été constaté à temps.
- Concernant l’agriculture et l’élevage, ce secteur qui constitue la richesse du pays probablement la plus importante, demeure paradoxalement presque au même niveau que depuis la création de ce département, et nous continuons à importer tous nos besoins même les plus élémentaires, tels que les courgettes, les potirons, les citrouilles, les citrons, les salades, les radis et même les navets !!! .
Pourtant, ce département à lui seul a engloutis depuis sa création des centaines de milliards qui n’ont servi à rien, pas même à réaliser des planifications et des études sérieuses de nature à aider à la réalisation d’un développement conséquent. Un exemple suffit pour nous édifier : l’agriculture irriguée qui est censée contribuer à notre sécurité alimentaire et constituer la locomotive de notre agriculture et de notre élevage moderne n’a bénéficié jusqu’ici d’aucun appui à la mesure de son importance pour notre développement économique et social.
En effet, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, l’agriculture irriguée a reçu peu de ressources financières. Il n’existe aucune banque spécialisée pour le crédit agricole (aménagement des terres, financement en aval et en amont de la production), seule l’Union des Coopératives Agricoles (UNCACEM) octroie des crédits de campagnes à très courts termes avec des taux d’intérêts usuraires pour les agriculteurs (taux de la banque centrale + les taxes de service). Dans ce contexte il n’est pas surprenant que cette activité économique naissante soit « mort-née ».
Le volet pastoral ne bénéficie de rien, sauf peut être quelques petites actions de la Banque Mondiale, très timides et mal orientées, mais grâce aux petites unités laitières nationales dont les capacités restent pourtant très limitées, et certaines initiatives individuelles, le secteur pastoral existe encore.
Au 21ème siècle, nous sommes je crois le seul pays au monde où ce secteur est aussi mal en point, tout au moins sur le plan de la politique de développement, alors que nous avons tout pour le soutenir, un soutien largement mérité, quant on sait que c’est ce secteur qui génère le plus d’emplois et qui fait vivre directement ou indirectement plus de 70 % de nos populations. A ce titre, ce secteur aurait dû bénéficier de tout l’intérêt qu’il mérite…
Nous assistons impuissants à ce délabrement à tous les niveaux, et sans exagération, les cas du développement rural, de la santé, de l’éducation, de la justice, sont véritablement désolants, avec un résultat pratiquement nul. Cela dure depuis plusieurs décennies, et personne ne sera capable de définir le volume des dépenses consacrées à ces départements là.
Chez nos voisins au Nord et au Sud, pour ne parler que de ceux-là, les choses sont tout autres. En effet, les taux d’intérêt consentis à l’agriculture et l’élevage sont tout simplement concessionnels, et sur des durées allant parfois jusqu’à 15 ans ou 20 ans, voire plus, sans parler des autres mesures d’encouragement en tout genre. Cela a souvent donné d’excellents résultats, et pour le pays, et pour le paysan.
Nous n’avons aucune excuse, car nous avons tout ce qu’il faut pour être aussi performant que beaucoup de ces pays, avec notamment le cheptel, l’espace, la bonne terre, l’eau, le soleil, ainsi que bon nombre d’ouvriers ployant sous le poids du chômage. Même si nous ne sommes pas traditionnellement aptes pour le 2ème volet (l’Agriculture), nous comptons de toute façon parmi les meilleurs pasteurs du monde, et le reste s’apprend avec le temps et en mettant en disponibilité les moyens et l’encadrement nécessaires.
En tout état de cause, le pays restera toujours à la traîne aussi longtemps que de grandes réformes n’auront pas été entreprises rapidement, d’une manière ferme et concrète, dans un cadre juridique performant et avec des prises de décisions étudiées sérieusement, sans improvisation comme nous avons pris l’habitude de le constater depuis notre indépendance jusqu’à aujourd’hui. L’état doit jouer pleinement son rôle particulièrement dans cette période de transition, ainsi que le secteur privé. Si ces deux entités conjuguent leurs efforts, le résultat sera au rendez-vous.
Faisons confiance à nos cadres nationaux, toutes nos difficultés viennent essentiellement de là, car toute décision doit s’appuyer inévitablement sur une étude objective et une analyse suffisante. Evitons à tout prix des décisions hâtives, en général inadaptées, car basées très souvent sur des considérations mercantiles que nous n’avons que trop connues jusqu’ici, et qui se soldent par un énorme gâchis. Gageons sur ce partenariat et donnons nous le temps et les moyens. Nous parviendrons immanquablement à un excellent résultat, j’en suis sûr.

Par Brahim Ould Cheiguer-Directeur de Société (gpe.boc@mauritel.mr)


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