Reportage : Les calèches de Sebkha   
17/04/2009

On les rencontre trottant cahin-caha sur les sentiers sinueux de Sebkha (quartier de Nouakchott) ou galopant sur les grands espaces de la cité «Las palmas» (de Sebkha). Elles, ce sont les calèches ou « Wotiir Â». Leurs conducteurs ont pu se faire une place dans l’univers du transport public de Nouakchott, la capitale de la Mauritanie. Zoom sur ces cochers des temps modernes.



Prendre un taxi rebute parfois plus d’un nouakchottois. En plus d’être serré comme une sardine, les taximen ne sont pas toujours enclins à s’engager dans certaines zones de la ville.

De plus, à certaines heures, vous n’avez aucune chance d’apercevoir l’aile d’un taxi. Heureusement qu’il y’a les calèches ou «wotiir» dont les cochers arrivent à se faire une place au soleil au vu d’une disponibilité qui fait leur réputation et d’une clientèle qu’ils ont fidélisée.

Au fait, d’où vient ce mot « wotiir Â» dont on a affublé leur outil de travail ? Il ne s’agit que d’une africanisation du mot français «voiture» à traction équine. Si vous empruntez les ruelles des quartiers de Sebkha et de la cité «Las palmas» ou les abords du Cinéma «Saada», vous allez forcément rencontrer ces calèches dans lesquelles s’installent en général des dames allant au marché Sebkha ou sur le chemin du retour.

Parfois, on y aperçoit aussi des hommes, ceux-là sont en général des commerçants, en témoigne leurs marchandises calées dans la porte bagage à l’arrière de la voiture. La calèche se présente comme une caisse métallique ouvragée disposant d’un siège relativement confortable et pouvant accueillir jusqu’à quatre passagers plus le cocher, un marchepied a été prévu pour aider les clients à se hisser à bord. Le tout repose sur deux roues gonflables.

 Elle est tractée par un cheval. Sur la douzaine de chevaux que vous risquez de rencontrer s’il vous vient l’envie d’aller du marché de Sebkha au Cinéma Saada, vous répertorierez de beaux étalons, des juments aussi tirant allègrement la « wotiir Â» mais vous verrez également de vieux canassons n’ayant que la peau sur les os, ahaner sous le poids de la charge.
Qu’est ce que c’est cher, un cheval !
Au garage des « wotiir Â» sis au Marché des vendeuses de poissons de Sebkha, Yamar Fall , cocher est assis sur le siège de sa voiture, un long fouet à la main qu’il fait claquer de temps en temps pour chasser les mouches : Â« Cette calèche est mienne. Elle me rapporte beaucoup Alhamdoulillah ! Mais en avoir une est difficile car le cheval à lui seul, coûte très cher. Il faut aller le chercher au Sénégal ou dans le sud du pays. Son prix varie de 140.000 um à 200.000 um. La caisse elle coûte entre 50.et 60.000 um. Nous travaillons sur l’axe Marché Sébkha-Cinéma-Saada mais aussi les alentours de la Cité Las palmas ou parfois, exceptionnellement du côté du marché aux poulets. Le prix de la place individuelle est à 50 um et la « wotiir Â» prend quatre personnes. Il arrive que des gens nous prennent en location. En ce moment, le prix de la course est de 200 um.»

 Le cocher a aussitôt eu le temps de finir sa phrase qu’une dame se présente pour une course et le cheval est sorti de sa torpeur en ébranlant la calèche. Sur la place, une trentaine de calèches sont en station. Les cochers discutent, chacun attend son tour pour prendre le départ. Ils sont ainsi organisés.

Hamidou Djiby Bâ, autre conducteur de calèche est dans la même position de son confrère : Â« En cette partie de la ville, les gens préfèrent prendre les « wotiir Â» alors qu’à Basra, c’est plutôt les charrettes tirées par les ânes. Vous savez, certains prennent les calèches par habitude, par plaisir ou tout simplement parce que ça les arrange le plus, surtout les femmes ! Celles qui vendent du poisson arrivent au marché à 5 heures du matin. Vous imaginez ! Je fais partie des 5 ou 6 cochers qui se lèvent chaque jour à 4 heures du matin pour travailler jusqu’ à 8 heures sans arrêt. Je vais chercher des femmes jusque chez elles. Ce sont des vendeuses de poissons. A ces heures, seuls des gens de confiance peuvent satisfaire les clientes. Ce n’est que vers 11 heures que nous prenons un vrai repos jusqu’à 15 heures. On déjeune dans ce laps de temps. Il s’est tissé des rapports forts entre nous. Ici nous attendons chacun son tour dans le rang sauf si on est sollicités pour une course. Le chef de garage organise le rang et chaque cocher lui verse quotidiennement 50 um en plus des 20 um que nous remettons chaque matin à Oumar Gaye pour le compte de l’Adjoint au maire Idoumou pour le stationnement de nos calèches en cette place. De plus, chaque 25 du mois, nous versons une patente de 600 um à la commune. Â»
Rien qu’une bonne organisation 
Hamidou à son tour est interrompu par une femme qui attend ses services. Visiblement, conducteurs et clients se connaissent et s’apprécient au regard des amabilités que se lancent les uns aux autres.

Il est tout aussi évident que les affaires ne sont pas mauvaises vu le rythme avec lequel les «wotiir» quittent les rangs. En fin d’après-midi, il paraît que c’est toujours ainsi le cas : les femmes se bousculent pour rentrer chez elles. Le chef de garage Abdoulaye Diack après avoir donné le signal de départ à une calèche enseigne : Â« ici il existe une grande solidarité entre les gens. En cas de problèmes, on se cotise pour dépanner les uns et les autres.

Si on se dispute, cela ne dépasse pas le périmètre du garage. Je gère entre 31 et 33 calèches et tout se passe bien. Notre souci est un problème de place. Notre garage initial a été attribué aux poissonniers et on nous a mis ici, mais nous sommes en instance de déguerpissement car la dernière fois, un commerçant a fait venir des policiers qui ont voulu nous chasser. Heureusement que je connais l’un d’eux. Â».
Comme quoi l’avenir de cette frange du transport interurbain ne tient qu’à un fil ténu. Pourvu que le cliché pittoresque de ces « wotiir Â» continue à imprimer à Sebkha cette différence dans le chaos des automobiles de Nouakchott. 
Biri N’Diaye


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