Implanter Al-Qaïda en Somalie: pas si facile, estiment des experts   
31/03/2009

Oussama ben Laden rêve depuis des lustres de faire de la Somalie une vraie terre de jihad mais, en dépit de ses efforts et de l’anarchie qui y règne, son influence dans le pays reste limitée, assurent des experts



Si certaines factions somaliennes se sont radicalisées et rapprochées des thèses d’Al-Qaïda à cause de l’intervention de l’armée éthiopienne en 2006, les complexes facteurs locaux et nationaux priment en maints endroits sur les appels au jihad global. Dans un message audio diffusé la semaine dernière, ben Laden exhorte les "champions de la Somalie" à "renverser et combattre" le président Cheikh Sharif, islamiste modéré élu fin janvier à la tête du pays. Cet appel est le dernier d’une longue série d’efforts, entamée dès le début des années 1990, pour tenter de se faire une place sur l’échiquier somalien. Pour le chercheur français Dominique Thomas, spécialiste de l’islamisme radical à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), "l’implantation dans cette zone n’a jamais été facile pour Al-Qaïda". "Il y a certes des zones tribales et une absence totale d’Etat, mais ce n’est pas une région où le poids religieux est important. Les tribus somaliennes sont beaucoup moins sensibles à ce discours que celles d’Afghanistan, par exemple. Ce sont davantage des groupes structurés selon un réflexe communautaire". Dans un rapport intitulé "Les (més)aventures d’Al-Qaïda dans la Corne de l’Afrique", les chercheurs du Combating terrorism center de l’académie militaire américaine de West Point estiment que "l’anarchie qui règne en Somalie dont on pourrait croire qu’elle sert les desseins d’Al-Qaïda se révèle pour Al-Qaïda aussi problématique que pour les organisations occidentales cherchant à aider la Somalie". Les auteurs de cette étude, rédigée à partir de 27 documents internes à Al-Qaïda saisis par l’armée américaine et déclassifiés, estiment que "les terroristes étrangers trouvent que ces zones reculées (...) sont des environnements relativement inhospitaliers et éprouvants, et non des sanctuaires". "Leurs récits sont remplis de plaintes à propos de la nourriture, de l’eau non potable, des abris inconfortables, de la chaleur, des maladies, des insectes, des véhicules défectueux et des mauvais pneus". L’intervention éthiopienne a provoqué un sursaut nationaliste, qui a renforcé notamment les «shebab», un groupe d’islamistes radicaux qui ont pris la tête d’une insurrection meurtrière depuis 2006. Depuis, les candidats au jihad venus de l’étranger ont été repérés en plus grand nombre dans le pays. Mais, estime le chercheur français Roland Marchal, un des meilleurs spécialistes de la région, "comme souvent en Somalie, la réalité est beaucoup plus nuancée et contradictoire". "Il y a certes des chefs de shebab qui jouent un rôle de coordination avec les étrangers et Al-Qaïda, mais il y a aussi une grande partie de l’organisation qui a beaucoup de sympathie pour leurs thèses mais se tient en dehors", ajoute-t-il. "Il y a en Somalie une vraie dimension nationaliste, voire xénophobe, qui fait que les gens ne sont pas prêts à suivre des ordres venus de l’étranger". Les shebab sont le plus souvent "des gens qui veulent continuer à faire la guerre au nouveau président, mais qui ne sont pas dans un univers intellectuel qui est celui du jihadisme global", ajoute Roland Marchal. Sans oublier """"qu’il y a une mobilisation des religieux pour soutenir Cheikh Sharif... Et ça, c’est difficile à contrer".

Michel MOUTOT (Afp)


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