Reportage : Dur, dur, une vie de marchand ambulant   
05/03/2009

Les Mauritaniens ont tous l’âme commerçante. C’est avĂ©rĂ©. Il y’a ceux qui s’y adonnent par mĂ©tier, ceux-lĂ  tiennent boutique. Il y’a les itinĂ©rants qui nĂ©gocient dans les salons des villas et sur les lieux de travail. Et puis, il y’a les ambulants. Ces derniers, on les retrouve surtout aux abords et dans les allĂ©es  des marchĂ©s de Nouakchott.



Ils bravent le vent, le froid, le soleil, les flics et…les regards.

Il est 18 heures trente ce vendredi 27 fĂ©vrier 2009. Un vent frais fouette les visages et  enhardit les frileux sur l’opportunitĂ© de bien se terrer au  chez soi. Mais au croisement des marchĂ©s 5ème et marchĂ© 6ème comme on les appelle communĂ©ment, le temps n’est pas aux loisirs. Comme Ă  son habitude, ça grouille fort de  partout. On aurait pu penser que du fait du week-end, la place soit dĂ©serte, mais que non ! La rue bitumĂ©e qui sĂ©pare les deux marchĂ©s est envahie par une marĂ©e humaine. Ce qui frappe l’esprit et tout de suite, c’est le nombre impressionnant d’hommes debout, les bras chargĂ©s de mille et une choses hĂ©lant les clients et courant dans tous les sens. Difficile de ne pas cogiter sur cet univers oĂą ne règne aucune logique. Seul le fortuit dĂ©termine ce monde. Chaque matin, ils se positionnent et comptent sur leur bonne Ă©toile pour assurer quelques billets d’argent. Ce qui est sĂ»r, c’est que ça n’est pas gagnĂ© d’avance. Un jeune homme d’une vingtaine d’annĂ©e, les Ă©paules disparaissants sous une pile de robes rĂ©pondant au prĂ©nom de Sid’Ahmed Ă©difie : « moi, je m’appelle Sid’Ahmed, je vivais en campagne, voilĂ  deux ans que je suis venu Ă  Nouakchott. Mes proches m’ont encouragĂ© Ă  faire cette activitĂ© vu que je n’avais pas de mĂ©tier. Je peux dire que je vis de cela ainsi que tous ceux que vous voyez autour de moi. Le travail n’est pas difficile mais il ne rapporte pas beaucoup et je dois dire que la mairie et la police ne font rien pour nous comprendre, on court tout le temps pour les semer.» L’homme s’éloigne par la suite vers un groupe de femmes. Des clientes potentielles probablement! Devant le nombre important de marchands ambulants prĂ©sents dans cette partie du marchĂ©, il est tout autant difficile de ne pas songer Ă  la fĂ©rocitĂ© de la concurrence.

 Mais, oĂą sont passĂ©s les clients ?
Ils sont partout et proposent du tout. Le nombre est plus compact dans la bande qui va de la rue bitumée jusqu’au marché 6ème. Cela ressemble à un long fleuve sur le lit duquel se meut des poissons de plusieurs espèces. Ici et là, ce sont les marchands de montres, de lunettes, de chaussures, de parfums bon marché, de vêtements. Ce qui est singulier et qu’on ne peut occulter, c’est la profusion des articles. C’est notable. Comme s’il en pleuvait ! Il faut toutefois noter que c’est la pacotille qui tient le haut du pavé. Oui, les produits d’origine chinoise sont là et défient toute concurrence par leur bas prix. Toutefois, ça n’est pas la grande ruée. Sur l’allée passante du marché 6ème, ce passage où l’on peine à trouver un chemin, les marchands ambulants sont là, désappointés. Ils font le pied de grue pour certains depuis les premières heures de la journée mais, les affaires se font rares. Ils ont chacun opté pour un créneau qui va du plus inspiré au plus saugrenu. Ne vous y fiez pas, chaque article trouvera preneur. Cela va du tapis de prière au sachet de plastique ; des bijoux de pacotille aux étuis de téléphones portables. Amadou Babayel, traînant l’attirail du colporteur croulant sous le poids de son fardeau, s’arrête pour éclairer : « Il est de plus en plus dur de faire le métier de marchand ambulant maintenant. La crise a comme frappé les gens. Ils passent et repassent et n’achètent plus. Ils ne font que demander les prix. Personne n’achète plus comme avant. Comme si cela ne suffisait pas, les boutiquiers que vous voyez nous empoisonnent la vie. Ils nous interdisent de nous arrêter sur ce passage comme s’il leur appartenait. Moi, je vends des objets dont les plus chers sont ces chapelets à 400 ou à 350 Um. Comment voulez-vous que je prive d’aussi gros marchands de gagner de l’argent ? De toutes les façons, ce que je gagne me permet juste de vivre. Qu’ils pensent à Dieu et nous laissent vivre. »

Mais, ils sont partout !
Une chose est certaine, c’est que oĂą que l’on se trouve dans le pĂ©rimètre du marchĂ©, on les croise. Leurs regards cherchent systĂ©matiquement les vĂ´tres. Il suffit que vous les regardiez pour qu’ils vous supplient littĂ©ralement d’acheter de leurs marchandises. C’est Ă  se demander ce que ces hommes gagnent dans ce commerce tant les prix qu’ils proposent sont parfois dĂ©risoires. Certains prennent des risques en s’approvisionnant en articles difficiles Ă  Ă©couler de par la conjoncture actuelle oĂą, beaucoup ne se contentent plus que de l’essentiel, rĂ©servant les dĂ©penses importantes aux grandes occasions. Harouna TourĂ©, autre marchand ambulant dĂ©ambule en cette fin d’après-midi dans cette partie du marchĂ© que les clients quittent progressivement et confie, un brin,  philosophe : « Il ne faut pas se risquer Ă  beaucoup investir dans ce commerce. Avec un fonds de 5.000 UM, je prends trois tapis de prière Ă  300 UM pour les revendre Ă  350 ou 400 UM ; des ceintures Ă  200 UM pour un bĂ©nĂ©fice de 50 Ă  100 UM. Je vends aussi du crĂ©dit sur des cartes de 10.000 oĂą je gagne 200 UM sur chaque envoi de 1000 UM. Avec mes bĂ©nĂ©fices, je dois beaucoup serrer la ceinture pour faire des Ă©conomies. » Après avoir levĂ© un pan du voile sur sa laborieuse vie, l’homme s’est Ă©vanoui dans les ombres du crĂ©puscule. Dur, dur, une vie de marchand ambulant.
Biri N’diaye


Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Réagir à cet article
Pseudo
E-mail
Commentaire
Entrer le code
La rédaction de Tahalil vous demande d'éviter tout abus de langage en vue de maintenir le sérieux et de garantir la crédibilité de vos interventions dans cette rubrique. Les commentaires des visiteurs ne reflčtent pas nécessairement le point de vue de Tahalil et de ses journalistes.
Les commentaires insultants ou diffamatoires seront censurés.

TAHALIL 2006-2022 Tous droits reservés