ConfĂ©rence de presse au Fonadh : Birame Ould Dah monte au creneau   
10/01/2009

L’Initiative de Résistance du Mouvement Abolitionniste (IRA) a organisé une conférence de presse en milieu de matinée du samedi 10 janvier 2009 au siège du Forum national des droits de l’homme (Fonadh). A cette occasion, elle a dénoncé «les tares d’une société qui a longtemps sévi au détriment d’une autre, haratine, sous le silence assourdissant et la main protectrice de l’administration ».



D’emblée, Birame Ould Dah Ould Abeid, membre de la commission nationale des droits de l’homme (CNDH) et activiste de SOS Esclaves a tenu à exprimer la solidarité de son mouvement au peuple palestinien de gaza « écrasé par les bombardements aveugles et criminels de l’Etat hébreu ». Pour Birame Ould Dah, ceux qui soutiennent en haut lieu aujourd’hui le peuple de Palestine sont ceux-là qui ont favorisé les relations entre l’Etat hébreu et la Mauritanie en contre partie de manne financière. «Au lieu de manifester contre l’Etat d’Israël, nous demandons au peuple mauritanien de manifester contre le réseau mafieux, pro-sioniste qu’ils soient des oulémas, des hommes d’affaires, des hommes politiques ou des diplomatiques …qui ont travaillé d’arrache-pied pour implanter l’ambassade d’Israël en Mauritanie en contre partie de l’argent de l’Etat israélien » a déclaré Birame Ould Dah. Pour le conférencier, « nous n’accepterons pas de manifester côte à côte avec ces gens-là qui sont en train de verser des larmes de crocodile sur le peuple palestinien alors qu’ils sont les principaux soutiens de l’Etat agresseur ». Le conférencier a saisi également cette occasion pour lancer un appel à la communauté internationale de ne pas accepter « d’entériner le coup d’Etat en Mauritanie car c’est une régression, un coup porté contre la démocratie en Afrique ». Pour Birame Ould Dah, « le peuple mauritanien doit mener une lutte sans merci pour faire renaître la démocratie en Mauritanie ».
Sur un autre registre, le militant de SOS-esclaves a considĂ©rĂ© que la communautĂ© haratine de Mauritanie « est une communautĂ© victime de tout genre de brimades, d’esclavage, de marginalisation dans l’administration, d’exclusion culturelle ». Et par consĂ©quent, « nous lançons un appel aux cadres et personnalitĂ©s haratines qu’ils  regagnent le clan naturel  au lieu de continuer des alliances avec des fĂ©odalitĂ©s politiques et la mafia de la gabegie ». Selon Birame, leurs cadres doivent vivre dans la dignitĂ© et accepter le sacrifice pour amĂ©liorer leurs conditions d’existence. Et c’est le moment choisi par le confĂ©rencier pour Ă©voquer le cas de Ahmed Ould Khattry, ex-directeur gĂ©nĂ©ral de Procapec arrĂŞtĂ© et mis en dĂ©tention provisoire des suites de contrĂ´les «orchestrĂ©s par les milieux politiques ». Et Birame de considĂ©rer que cette « sĂ©questration relève d’une injustice, d’une discrimination pure et simple ». Il Ă©voquera dans la foulĂ©e, les cas Sidi Fall, Ould Moichine qui, selon lui, « ont Ă©tĂ© malmenĂ©s par qu’ils sont des haratines ». Et de considĂ©rer que « le cas d’Ahmed Ould Khattry s’achemine Ă  ĂŞtre un autre cas Sidi Fall ». Et par consĂ©quent, rejette toute tentative du genre  en dĂ©nonçant l’acharnement des autoritĂ©s sur des cadres haratines « parce qu’ils ne sont pas dĂ©fendus par des cadres de solidaritĂ© tribaux » sachant que d’autres cadres issus d’autres tribus sont impliquĂ©s dans des crimes beaucoup plus graves et restent impunis. DĂ©plorant ce comportement, Birame dira que « c’est par manque de solidaritĂ© agissante que les cadres haratines sont malmenĂ©s ». Appelant Ă  la solidaritĂ© pour la cause haratine, Birame Ould Dah dira qu’il n’y a pas de petite victime et de grande victime. La salle de confĂ©rence Ă©tait  inondĂ©e de photos d’Ahmed Ould Khattry dont l’arrestation a Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©e avec force. Toutefois, il a soulignĂ© les cas d’esclavage comme Ould Ahmed Lehdeid, Abdou, Ely prĂ©sents Ă  la confĂ©rence et tous les autres qui sont victimes de spoliation des terres par leurs maĂ®tres ou leurs anciens maĂ®tres. Ces victimes ont Ă©tĂ© invitĂ©es Ă  faire un tĂ©moignage sur les traitements qu’ils ont subis dans leurs diffĂ©rentes localitĂ©s. A la fin de la confĂ©rence, une dĂ©claration de l’IRA a Ă©tĂ© distribuĂ© Ă  la presse.

Compte rendu Ibou Badiane


DĂ©claration de l’Initiative de RĂ©sistance du Mouvement Abolitionniste (IRA) : RĂ©gimes d’exceptions, dĂ©mocratie, et rĂ©volution des voyous. Pour quand l’Etat de Droit ?

 

En ces moments ci, la Mauritanie est en proie à des crises graves et multiformes qui peuvent d’un jour à l’autre dégénérer en conflits et hypothéquer son existence.

- La crise politique due à l’usurpation de l’autorité suprême par un officier félon, dévoré par l’ambition et dont l’exercice du pouvoir est réfractaire aux règles démocratiques tout en étant inadmissible dans le domaine des coopérations et relations internationales.

De jour en jour, l’orientation despotique, démagogique, familiale et clientéliste du pouvoir issu du coup d’Etat du 06 Août 2008 se confirme. La grande tendance du régime militaire à opérer de manière large l’éviction des tendances à la bonne gouvernance, à la tolérance et au respect du droit qui ont amorcé un enracinement depuis l’avènement du pouvoir démocratique, au profit de l’incurie, du mépris des lois et de l’achat des consciences, imprimèrent au mouvement de rectification une allure de révolution des voyous qui du reste, n’a pas de précédent dans l’histoire de la Mauritanie post indépendante.
Cette crise politique, se cristallise tout d’abord dans un face à face dramatique entre deux pôles inconciliables en l’occurrence le Haut Conseil d’Etat (HCE) et le Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD).

Le premier tire sa raison de régner, de la réquisition des corps d’armées doublée de la dévotion des régiments de laudateurs nationaux constitués de cadres, d’hommes politiques et de notabilités, tous rompus à l’opportunisme et sous fifre aguerris. Quant au FNDD, il tire sa raison d’être du suffrage des urnes ainsi que des textes des lois de la constitution de la République.

Mais au-delà de cette crise politique conjoncturelle, mais très grave, d’autres crises beaucoup plus profondes et parfois même structurelles, agitent l’Etat et la société causant de dangereuses secousses de plus en plus aigues et ce depuis l’indépendance.

- La Crise Sociale Identitaire : Elle concerne le malaise croissant au sein de la couche hratin (esclaves et anciens esclaves), environ 50% de la population du pays. L’identité de cette couche- classe s’est formée dans la confrontation séculaire, perpétuelle et continue à l’esclavage et à ses stigmates. Cette crise se cristallise dans le croisement des regards (comme chiens de faïence) mais aussi, le croisement des mots entre hratin et arabo-berbères.

En effet, cette forte contradiction qu’aucune politique ne tend à désamorcer, est très visible dans le face à face entre quartiers chics et bidonvilles, entre employeurs et employés, entre une minorité d’officiers supérieurs des armées et une majorité de soldats et d’hommes de troupe, entre magistrats et population pénitentiaire, entre féodalités terriennes et paysans des plaines et oueds, entre anciens maîtres et anciens esclaves, entre maîtres et esclaves etc. …….

L’accumulation dans la durée et dans les formes des inégalités dans notre société (inégalités à la naissance, des chances, devant la loi, à l’école, devant l’administration, dans l’emploi etc. .) nous a plongé de nos jours dans un climat de lutte des classes.

Les autorités ou pouvoirs de classe qui se sont succédés sur la Mauritanie de l’indépendance à nos jours, ont toujours renouvelé des politiques de vexation au lieu de programmes de réformes, de réparation, ou de conciliation.

A ce propos, nous soulignons avec force et sans détour, que l’unique pouvoir qui est crédité d’une action significative envers cette large population servile est celui du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah.

Mais hélas, cette action, (la loi criminalisant l’esclavage et les pratiques esclavagistes) est restée sciemment emprisonnée dans ses limites symboliques par une hypocrisie et mauvaise foi qui se sont manifestées dans la période démocratique à tous les niveaux hiérarchiques des pouvoirs exécutifs et judiciaires jusqu’au plus haut sommet.

- Crise Identitaire Culturelle et de Cohabitation : Il s’agit de la dérive croissante de l’Etat Mauritanien depuis sa naissance, dans le sens de l’Etat ethnique, donc de la négation des droits des composantes nationales noires (Pulhars, Soninkés, Wolofs et autres). Cette tendance faite de dénis des droits culturels, d’exclusion économique et de marginalisation politique, aboutit à une véritable tentative de génocide planifiée et exécutée par l’Etat et qui s’échelonna sur la période entre 1986 et 1992.

En effet, de 1992 à nos jours, et malgré les ouvertures restées strictement symboliques du premier président démocratiquement élu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah, les segments dominants arabo berbères réussirent à maintenir l’impunité et à consolider les privilèges illicites politiques, économiques, culturels et sociaux qui se sont taillés au détriment des autres composantes nationales par le fer, le sang et la cœrcition.

- Crise Spirituelle et Morale : l’Islam étant dans ce pays l’unique religion et en même temps religion d’Etat, il est embrassé chez nous dans sa version de FIGH (droit musulman) Malékite, sa philosophie de foi est Achaarite et sa tarigha ou voie Jounaidite. Ceci implique que le patrimoine en interprétation des textes sacrés et en jurisprudence est foncièrement esclavagiste, inégalitaire et porté vers le compromis, la compromission et l’allégeance à tout pouvoir politique.

Notre clergé national, issu des groupes dominants, joue un rôle fondamental dans la pérennité des rapports de dominations traditionnelles inter ethniques et inter classes. Ce clergé, principal leader d’opinion dans une société religieuse, sinon très attachée à l’Islam comme valeur et symbole, est très fossilisé, obscurantiste et corrompu. Le principal pilier du système étatique Mauritanien étant ce clergé, il est évident que toute tentative de venir à bout du courant fondamentaliste et jihadiste restera vaine.

Ainsi, en réaction à l’influence trop grande de cette vielle garde cléricale au sein du pouvoir implique un développement croissant de la base du jeune courant plus égalitaire mais adepte de la violence et du terrorisme.

Vu tout ce qui précède, L’IRA considère que la Mauritanie est passée par trois principales phases depuis l’indépendance à nos jours.

- La première phase étant, celle des régimes d’éxceptions de 1960 à 2005 ou l’arbitraire était de mise et toutes les dérives étaient licites,

- La deuxième est celle de l’ouverture démocratique du 03 Août 2005 au 06 Août 2008 qui s’est caractérisée par la mise en place des formes et des institutions démocratiques, tout en restant très craintive, voire hostile à tout traitement des questions de fond de la démocratie et à la subversion des systèmes socio économiques et institutionnels inégalitaires et discriminatoires toujours en vigueur.

En conséquence, les crimes d’esclavage, de racisme et de génocide sont soigneusement confinés dans une zone de non droit y compris par le pouvoir démocratique. Ceci nous fait dire sans risque de se tromper que cette démocratie refuse de s’ériger en état de droit.

- La troisième phase qui commença dans la matinée du 06 Août 2008 avec des allures fantaisistes, presque de jeux d’enfants, donne l’image à plus d’un titre d’une révolution de voyous. Elle a eu comme caractéristique une descente rapide et vertigineuse vers l’abîme du discours et de l’argumentaire officiels et pro putschistes, une dévalorisation des fonctions officielles qu’elles soient électives ou nominatives par une large irruption dans les hautes sphères de décision ou d’orientation de personnages incultes et aux moralités douteuses.

Le résultat premier, concret et éclatant de ces cinq mois de « révolution » est la mise à sac des acquis et des institutions démocratiques. Cet état des choses relègue davantage, et beaucoup plus par le passé, l’avènement de l’Etat de droit qui est la finalité et l’aspiration des plus humbles et des laisser pour compte de toujours car il est évident que la démocratie assassinée par la révolution des voyous est sans équivoque, un préalable à la construction de l’état de droit.

Nouakchott, le 10 Janvier 2008


Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Réagir à cet article
Pseudo
E-mail
Commentaire
Entrer le code
La rédaction de Tahalil vous demande d'éviter tout abus de langage en vue de maintenir le sérieux et de garantir la crédibilité de vos interventions dans cette rubrique. Les commentaires des visiteurs ne reflčtent pas nécessairement le point de vue de Tahalil et de ses journalistes.
Les commentaires insultants ou diffamatoires seront censurés.

TAHALIL 2006-2022 Tous droits reservés