AMNESTY: Le gouvernement se rend systématiquement coupable d’actes de torture   
03/12/2008

Amnesty International a accusé ce mercredi 3 décembre le gouvernement mauritanien de torture systématique, les forces de sécurité ayant adopté cette pratique comme méthode d’enquête et de répression.



« La torture est utilisée contre toutes les catégories de détenus en Mauritanie, qu’il s’agisse de personnes soupçonnées d’être des islamistes, de soldats accusés de participation à une tentative de coup d’état ou de prisonniers de droit commun », a déclaré Gaëtan Mootoo, responsable des recherches sur la Mauritanie à Amnesty International, qui a procédé à des investigations dans le pays.

Dans le rapport sans concession qu’elle rend public ce mercredi 3 décembre, Amnesty International décrit les méthodes de torture utilisées, situe précisément certains des centres de torture du pays et fait état de la collaboration d’agents marocains. 

« Amnesty International a réuni de nombreux témoignages de victimes de tortures qui ont fourni des informations précises sur leurs tortionnaires telles que leur nom, leur rang et leurs fonctions », a commenté Gaëtan Mootoo.

Les descriptions de tortures qui sont données dans ces témoignages de prisonniers se recoupent. Ces agissements n’ont jamais fait l’objet d’enquête et leurs auteurs n’ont jamais été déférés à la justice. 

Parmi les lieux où l’on torture figurent : la première compagnie de police (en face du bâtiment de l’Organisation mondiale de la Santé) ; l’école de police de Nouakchott ; le siège de l’état-major de l’armée et des locaux de la marine.

Amnesty International évoque également dans ce rapport la question de la présence d’agents marocains en Mauritanie.

« Les témoignages que nous avons rassemblés montrent que des agents marocains participent aux interrogatoires et aux tortures en Mauritanie », a ajouté Gaëtan Mootoo. 

Un prisonnier a ainsi déclaré à Amnesty International que les agents marocains étaient plus violents que leurs collègues mauritaniens :

« Au bout de la troisième nuit, vers 10 heures du soir, des Marocains sont venus m’interroger. Ils m’ont demandé de reconnaître que je faisais partie du groupe des « salafistes » et que j’étais pour le Djihad [...] Ils m’ont dit que, si je refusais d’avouer, cela allait me coûter la vie. Ils ont dit que jusqu’à présent, ce que les Mauritaniens m’avaient fait, c’était le paradis par rapport à ce qu’ils allaient me faire [...] ils ont utilisé les mêmes méthodes, ils m’ont fait le "jaguar". Ils étaient pires que les Mauritaniens. Ces derniers faisaient des pauses parfois et les gardiens mauritaniens vous donnaient de l’eau en cachette. Chez les Marocains, c’était sans répit. »

Amnesty International ignore le fondement juridique de la présence de membres des forces de sécurité marocaines en Mauritanie.

Les conditions carcérales en elles-mêmes s’apparentent souvent à un traitement cruel, inhumain et dégradant.

Des délégués d’Amnesty International ayant visité la prison de Dar Naïm plus tôt dans l’année ont assisté au spectacle déplorable de dizaines d’hommes serrés les uns contre les autres dans leur cellule, par une chaleur étouffante. Ces prisonniers ne peuvent quasiment jamais quitter leur cellule ni accéder à l’air libre, souvent pendant des mois, parfois pendant des années.

« Dans certaines prisons, on ne pouvait même pas entrer dans les cellules tellement il y avait de détenus à l’intérieur, a déclaré Gaëtan Mootoo. La puanteur régnant dans ces cellules infestées de vermine et en particulier de puces était indescriptible. »

Des prisonniers avaient été menacés avant la venue de délégués d’Amnesty International. Un prisonnier a déclaré : « Quand nous avons été informés de la visite d’Amnesty International, les gardes nous ont menacés. Ils nous ont dit que nous pouvons tout dire mais que nous allons le regretter car les gens d’Amnesty allaient partir et nous les détenus, nous allons rester avec eux. »

Policiers et magistrats considèrent comme des éléments de preuve admissibles les déclarations extorquées sous la torture et s’appuient sur ces « aveux » pour condamner des prévenus en l’absence souvent de toute autre preuve matérielle.

« Les tortionnaires peuvent se livrer à leurs exactions en toute tranquillité sachant que la justice fermera les yeux sur ces violences, a déclaré Gaëtan Mootoo. Cette attitude de la justice est scandaleuse. »

Méthodes de torture

Les tortures telles que celles décrites ci-dessous sont répétées jusqu’à ce que le détenu « avoue ». Les tortures sont généralement pratiquées la nuit et accompagnées d’un  rituel .

-Position du «Jaguar»  consiste à attacher les mains et les pieds d’un détenu et à le suspendre à une barre de fer en le frappant et le torturant.
-Brûlures de cigarette.
-Décharges électriques : administrées sur différentes parties du corps.
-Violences sexuelles.
-Poils arrachés : technique plus particulièrement utilisée contre les personnes soupçonnées d’être des islamistes ; les poils sont arrachés au niveau de la barbe, des aisselles et des organes génitaux.
-Outils coupants : Amnesty International a été informée d’un cas au moins où une scie avait été utilisée pour torturer un détenu.


Note aux rédacteurs

-Depuis 2005, la Mauritanie a connu deux coups d’état militaires ; le plus récent, en août 2008, a conduit à l’arrestation du président et du Premier ministre. Le président est toujours en résidence surveillée tandis que le Premier ministre a été transféré dans la prison de Nouakchott.
-Le nouveau gouvernement militaire a déclaré qu’il allait organiser des élections libres et transparentes « dans les plus brefs délais ». Aucune date n’a encore été fixé pour ce scrutin. 
-L’Union africaine a suspendu la qualité de membre de la Mauritanie et plusieurs pays, dont les États-Unis et la France, ont gelé leur aide non humanitaire à ce pays. -Des manifestations pacifiques ont eu lieu en Mauritanie pour demander la libération du président et le rétablissement de l’ordre constitutionnel. Plusieurs de ces manifestations ont été dispersées au début du mois d’octobre. Cette répression faisait suite à la décision prise le 30 septembre par le gouverneur de Nouakchott de suspendre « toutes les manifestations à caractère politique devant être organisées sur la voie publique … jusqu’à nouvel ordre ».

 


FIN


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