Société : Mais qu’est ce qui fait courir les coxeurs ?   
29/11/2008

Face à une crise financière bien antérieure à celle que  vit le monde aujourd’hui, les nouakchottois, ont depuis quelques années déjà investit le créneau du système D. Les fonctionnaires du secteur public et ceux du privé disputent aux non salariés le terrain de l’informel. Plus aucun boulot n’est laissé de côté, si bien que tout le monde touche à tout.



Dans cette grande foire, un business semble de plus tourner la tête des gens. C’est celui de courtier, samsaara ou coxeur selon  l’appellation qui vous convient. Mais, qu’est ce qui fait courir les courtiers ?

La fièvre du courtage s’est emparée de la plupart de nos concitoyens qui en ont désormais fait leur sport favori. Cette activité jusque peu était pratiquée par des personnes généralement d’un certain âge et répondant à un profil particulier. Ces hommes étaient connaisseurs des familles fortunées, facteur indispensable pour jouer aux démarches d’acquisition et de vente de biens. Ils sont pour la plupart dotés d’un grand sens de persuasion, prédisposition également essentielle pour faire fléchir les acquéreurs les plus prudents. Ce qui est nouveau, c’est que par la force des choses, tout le monde est devenu samsaara ou coxeur à Nouakchott. Ces appellations propres aux courtiers nous sont devenues familières à force de voir affublé n’importe quel citoyen de ce titre. Si l’on constate une pléthore dans la corporation, c’est que le filon est juteux. A la bourse «  Es chems » établie sur la large bande de terre au sud du Marché de la Capitale, jamais l’espace n’a été aussi squatté. Adossés aux murs de l’Etat-major de l’Escadron de la Fanfare Nationale, sur sa partie nord, des hommes sont assis. Qu’il vente ou qu’il pleuve, ils sont invariablement fidèles à l’endroit. Leur « spécialité » est la démarche d’acquisition ou de vente de terrain, permis d’occuper ou titre foncier. Ils passent le plus clair de leur temps à traquer la bonne affaire. En attendant qu’un client se présente, ça discute ferme devant les hangars de circonstance. Et pour passer le temps, on sirote des verres de thé que servent des vendeurs ambulants. Sur cette partie, les courtiers qui y opèrent sont surtout versés dans le domaine du foncier. On n’y perçoit pas l’effervescence caractéristique des milieux boursiers de Nouakchott. Ils sont assis et attendent à l’image de Boubou Soumaré : « Nous sommes des coxeurs. Nous n’avons pas besoin de nous agiter car nous sommes des gens respectables. Tout le monde connaît notre place. Si vous avez besoin de nous, il vous suffit de venir ici et on règle votre problème. Je pense que si on est sûr de soi, pas besoin de courir derrière les gens. C’est une question d’honnêteté. »  Plus loin, tout à fait au centre du terrain, l’endroit est noir de voitures. Ici, l’atmosphère est tout autre. On a comme l’impression qu’il y’a plus de voitures que d’hommes. Aussi, la question de se demander : «  Mais qu’est ce qui fait courir tous ces gens ? » Baba Gandéga, un inconditionnel des lieux apporte une réponse : « J’exerce le métier de courtier depuis 7 ans. Je pense que ce que nous gagnons ici est de loin plus intéressant que tout ce que l’on peut avoir avec un salaire de l’Etat où les  paies ne couvrent pas les besoins de la famille. » Ces arguments bien que simples semblent être partagés par la grande majorité des coxeurs présents. Hamidou Bathily, autre  homme de terrain ajoute : « Le chômage et les petits salaires nous ont poussé à nous lancer dans ce boulot. D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls. Je dois vous dire que la  majorité des samsaaras présents ici sont des enseignants, policier et douaniers. Vous ne pouvez pas imaginer !  Actuellement,  tout le monde est courtier. » Quant à la question de savoir comment tout ce beau monde s’en sort vu la rude concurrence du  milieu, Ahmed Ould Cheikh, jusque là, accroupit devant le portail d’une des rares boutiques de la zone,  lance : « En général, nous travaillons avec des revendeurs. Nous nous connaissons tous ici. S’il arrive que nous leur trouvions des clients, c’est la règle des 10.000 um qui nous lie. Mais si nous avons la chance de tomber sur quelqu’un d’étranger au marché, nous pouvons faire des affaires jusque 300.000 um de bénéfices. En règle générale, on ne se plaint pas, mais il arrive des jours où on se fait avoir. Parfois,  vous pouvez  trouver une voiture pour un acquéreur et la vente se fait entre ce dernier et le propriétaire dans  votre dos. C’est de la trahison ! » Et Baba Gandéga de poursuivre : «nous courrons des risques certains  dans cette activité. Vous savez, il nous arrive souvent d’avoir des démêlés avec la police pour le cas de voitures volées qui nous sont présentées sans que l’on n’y soit pour rien. Les vendeurs vous présentent la voiture sans carte grise. Ce n’est qu’après la vente que l’on réalise l’irrégularité. D’autres fois, il peut arriver que certains achètent des voitures sans véritables propriétaires. C’est le cas de personnes qui sont à l’étranger dont les proches vendent les véhicules. Ces personnes sans scrupules parviennent ainsi à « vendre » à plusieurs personnes la même voiture sur la base de fausses procurations. Ça c’est un véritable problème pour nous. » Le métier de courtier est sans aucun doute tentant du fait de la relative peine que ses adeptes se donnent pour engranger de l’argent facile mais, à la lumière des désillusions  pour les uns et à la saturation du secteur pour les autres, il est bon de se munir d’une batterie d’informations avant de s’engager dans une quelconque transaction. Mais qu’à cela ne tienne,  jusqu’à nouvel ordre, c’est encore et toujours la ruée vers les grasses commissions pour les samsaaras. Du reste, certains comme ce chauffeur de poids lourd au chômage reconverti courtier n’en demeurent pas moins philosophes : « il y’a beau y avoir du monde,  Ici, c’est comme la mer, chaque pêcheur y trouve son compte.»   
Biri N’diaye


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