Hommages à Ablaye Ciré Ba   
20/12/2021
La plume pleure son artisan / Par Ould Omeïr Mohamed Fall

Quelqu’un m’a dit ce matin, alors qu’on venait participer à la prière, que personne ne saura faire l’éloge funèbre de Ablaye Ciré aussi parfaitement que lui savait le faire et l’avait fait à d’autres. Il avait raison.



L’homme avait une maîtrise parfaite de la langue française. Il savait dire ceux qu’il aimait, ceux qui avaient réussi à lui arracher un tant soit peu de respect. Il savait magnifier les traits de caractère qui l’avaient séduit chez tel ou tel. Il savait mettre en exergue ce qu’il y avait de bien et faire passer comme «péché mignon» la faiblesse qui détonne.

Ablaye Ciré Ba était d’une vérité qui l’empêchait d’utiliser ses compétences au service d’une cause qui ne le faisait pas vibrer. C’est pourquoi ses plus beaux produits ont été les hommages.

Je l’ai côtoyé, puis rencontré plusieurs fois, mais je ne l’ai véritablement connu qu’au début des années 90, alors que nous avions fait partie d’un groupe de journalistes sénégalais, maliens et mauritaniens, réunis au Sénégal dans le cadre d’un séminaire de l’institut PANOS.

Intransigeant sans être indélicat, Ciré Ba a été un critique, une sorte d’objection morale à ses compagnons politiques. Comme il a été un maître pour des générations de journalistes qui ont travaillé avec lui ou qui l’ont vu à la tâche.

Il y a quelques mois, il venait m’avertir qu’il se savait condamné. Je lui rétorquais alors que le courage qu’il avait pour prononcer ces mots, me manquait quand il s’agit de les entendre. Je lui débinais tout ce que je pouvais de propos optimistes et porteurs d’espérance. Il me rétorqua qu’il avait mené une vie certes convenable, mais pendant laquelle il s’est laissé prendre au piège de l’insouciance. «Cela me rattrape aujourd’hui au plus profond de moi…»

S’en suivit un long échange sur ce que nous sommes, ce que nous avons été le jour où nous ne serons plus. Nous convînmes que le meilleur pour nous est ce que notre Créateur décidera pour nous.

Ablaye Ciré Ba continuera à se battre, écrira, corrigera quelques textes, participera avec ses confrères de la rédaction à l’amélioration du rendu quotidien. Avant de tomber…

Merci à tous ceux qui ont aidé à lui apporter les soutiens nécessaires pour alléger ses souffrances, à tous ceux qui l’ont accompagné jusqu’au dernier souffle.

Merci à la Présidence de la République qui, à travers le ministre Moctar Ould Dahi, a suivi son dossier et apporté son soutien.

Merci au Président de l’Assemblée Nationale, Cheikh Ould Baya qui n’a pas hésité à prendre en charge les soins et le séjour à Tunis.

A son épouse Fatou, à ses enfants, à son ancienne épouse et cousine, à ses amis et frères de Bababé, à ses compagnons du Mouvement, à ses collègues des différents médias, à BSD, Asmiou, Lalla Aîcha, Moussa & Moussa… à tous les amoureux de cette plume, vont mes condoléances les plus attristées.

ÅäÇ ááå æ ÅäÇ Åáíå ÑÇÌÚæä

 


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Abdoulaye Ciré Ba n’est plus

Abdoulaye Ciré Ba, notre ami, notre confrère, notre doyen, celui que feu Habib taquinait en l’appelant Mohamed Abdallah a tiré sa révérence le samedi 18 décembre des suites d’une longue maladie. Comme il a vécu. Dans le calme et la dignité. La Mauritanie perd ainsi l’une de ses meilleures  plumes, un brillant journaliste formé à l’ancienne école, celle qui ne connaît pas la complaisance et dont le maître mot est le professionnalisme en toutes circonstances. Ces dernières années, avec le poids de l’âge et de la maladie, il avait toutes les peines à écrire un papier. Mais quel papier! Un chef-d’œuvre magistral. Une succession de mots tellement bien agencés qu’il est impossible de s’en détacher. Son hommage à feu Mohamed Lemine Ould Ndiayane après son assassinat en 2003 ou sur la Palestine furent des modèles du genre. Je le taquinais chaque fois qu’il finissait la rédaction d’un article: ’’A présent, il te faut au moins six mois pour recharger tes batteries!’’ Il me répondait:’’ Tu as tout compris!’’ Et on riait de bon cÅ“ur.
Après Ely ould Abdalla il y a quelques mois, une autre icône de la presse Mauritanienne disparaît aujourd’hui.
Puisse Le Tout Puissant les couvrir de Sa Sainte Miséricorde.
InnaLilahi Wa InnaIleyhiRajioune
AOC


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Hommage à Ablaye Ciré Ba : Le doyen de « nos amis du journal »

Habib Ould Mahfoudh avait au fil des ans créé une sorte de club au journal Al-Bayane d’abord puis au Calame. C’est en fait, en plus de ses amis, des connaissances, des visiteurs étrangers de passage… Tout un beau monde que réunissait autour d’un thé toujours « relancé » un penchant pour la culture et une foi dans la démocratie. C’est cette « salle de rédaction informelle » qui inspirait parfois les « Mauritanides ». Abdoulaye Ciré Ba (Ablaye pour les amis) a rejoint ce club dès 1988 comme il le relate dans son mémorable hommage à Habib. Ce dernier avait décrété qu’Ablaye, qui, selon lui, n’était qu’un ancien mahdarien de l’Iguidi souffrant d’amnésie, s’appellerait désormais Mohamed Abdellah ! 
Après la disparition de Habib, ce club continua bon an mal an à se réunir dans les bureaux du nouveau directeur Moussa ould Hamed qui reprendra  cette tradition avec le journal Biladi après sa brève incursion à l’AMI.
Ablaye deviendra alors l’un des plus assidus du club avec un poste officieux de « conseiller à la rédaction ». C’est en cette période, que j’aurais la chance de le rencontrer plus longuement.  Je découvre ainsi une personnalité d’une culture encyclopédique et un homme de lettres émérite qui  est  certainement  l’un des derniers mauritaniens  à manier la langue française avec un talent inégalé.   
Durant nos rares conversations, j’ai trouvé chez cet homme affable, courtois mais droit et franc, des perles rares. J’ai ainsi pu apprendre tant de choses passionnantes sur la tradition musicale malinké et l’épopée mandingue qu’elle véhicule.  Il m’a  aussi entretenu longuement de la mystification de la « cause juive » et m’a par ailleurs révélé les circonstances de l’avènement du MND.
A propos du MND et de son rapport à la politique, Ablaye était, si l’on peut dire, un militant convaincu mais auquel la culture et l’esprit d’ouverture interdisaient tout dogmatisme. Il donnait souvent l’exemple en nous faisant faire l’apprentissage d’une discussion organisée et tolérante ce qui nous causait beaucoup de mal et de désagréments habitués que nous sommes à la loi de « celui qui crie le plus fort ». Ablaye était aussi l’un de ces Mauritaniens de la vallée qui cultivaient beaucoup d’affection à l’égard des Maures tout en exprimant la grande ambigüité qui entoure les comportements de cette race. Il aimait aussi à raconter l’histoire de cet élève Pular de Boghé ou de Bababé qui, étant menacé par un élève Soninké, trouva le soutien dans son duel auprès de ses camarades maures du Brakna.
Lors de la publication du second volume des Mauritanides, on devait choisir une personne pour écrire la préface or seul Ablaye réunissait les 2 conditions idéales : la maitrise de la langue et la fidélité à l’esprit de Habib.
Avec la disparition d’Abdoulaye Ciré Ba, la Mauritanie a perdu l’un de ses plus talentueux journalistes mais aussi l’un de ses plus grands patriotes et défenseurs de l’unité nationale à un moment très agité de sa vie politique.
Adieu Doyen Adyaramaa.
Elemine Ould Mohamed Baba 



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Hommage à Abdoulaye Ciré Ba
Très cher grand frère Ablaye,
Lors de notre dernier entretien téléphonique, à ton retour de Tunis, j’ai volontairement abrégé notre conversation qui n’a duré que quelques secondes. J’avais le cœur lourd, très lourd. Quand tu me disais : « tu vois migname (jeune frère), tout s’écroule en même temps. Même la voix qui a toujours été le plus fidèle de mes compagnons, me lâche à présent », j’ai compris que c’était une manière de me dire adieu. Et depuis, je n’ai pas eu le courage de croiser ton regard ou d’écouter ta voix. Oui, je n’ai pas un courage semblable au tien ; regarder la mort en face et même la titiller.
Ce matin, après avoir prié sur ta dépouille, j’ai le cœur léger. C’est probablement le cas des dizaines de personnes qui ont sacrifié leur repos hebdomadaire pour venir prier pour toi et te dire adieu, sachant que « fard kifâyé » les en dispensait. Nul n’était là parce que tu étais riche. Personne n’était là aussi parce que tu étais puissant. Tous n’étaient là que par devoir et par amitié, pour rendre un dernier hommage à l’homme d’exception que tu fus. L’assemblée des priants, aux couleurs arc-en-ciel, suait la sincérité, car c’est ta Mauritanie, celle de tes rêves d’enfant et de tes espoirs d’adulte, qui était là ce matin.
Ablaye, tu sais bien que nul ne pourra te rendre un hommage semblable à ceux que tu as déjà commis, même au compte approchant, en écriture comme en profondeur. Bien sûr, tu n’aurais jamais accepté que je dise ceci, car tu aurais élégamment classé mon assertion dans le registre de l’art espiègle des torodo, tellement l’humilité est la plus profonde de tes convictions. Mais les faits sont là : Habib l’Iguidien troubadour universel, l’Imam Bouddah l’homme pour l’humanité, Karim Ba le berger des étoiles, la douce marche sur les rêves de Mohamed ould Homody, l’ami Médoune un étranger si étrange, resteront à tout jamais des chefs-d’œuvre inimitables.
Je voudrais te dire ce que je n’ai jamais pu te dire. Ta rencontre a bouleversé ma vie. Quand j’étais venu travailler avec toi au journal L’Unité, un quart de ma jeunesse encore bien porté, je ne doutais point de moi-même. Officiant à l’université comme enseignant, je suais la suffisance. Le militant de gauche que je suis était plein de certitudes. Et puis, quelques sédiments culturels enfouis dans le tréfonds de mon être social, s’exhumaient épisodiquement tel un péléen en éruption, de pitoyables trébuchements intellectuels. A tes côtés, j’ai appris les arts de l’écriture, la sagesse de l’écoute, la vanité de la suffisance, les vertus de la tolérance, le sens profond de l’humilité, la fidélité aux principes, le désir itératif d’apprendre des autres et aux autres et surtout la quintessence du mot Juste.
Je voudrais te dire aussi merci pour l’exemple que tu fus, et merci surtout pour l’immense richesse que tu laisses, non pas à tes héritiers seulement, mais à tout le pays de tes rêves. Te lire c’est visiter un espace de citoyenneté vraie, te relire c’est apprendre une leçon de vie.
Adieu mon maître.
Puisse ALLAH, dans son infinie bonté, te couvrir de sa Grâce et t’accorder une place de choix dans son céleste paradis.
Ton jeune frère Birane Wane


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