Pour bien des observateurs, la guerre lancée par les nouvelles autorités militaires du pays contre le terrorisme est entrée dans une nouvelle phase. D’un rebondissement à un autre, nous déplorons déjà la mort de 12 mauritaniens. De l’annonce d’une menace à celle d’une autre, nous nous sentons un tout petit peu conditionnés.
Début septembre 2008, la menace terroriste nous est annoncée sous la forme de voitures piégées, introduites à Nouakchott. Quelques jours plus tard, c’est plutôt une embuscade (ou un coup de main) qui a eu lieu à Tourine, à quelques centaines de kilomètres de Nouakchott. Depuis lors, il y avait une accalmie, jusqu’au milieu d’octobre avec l’annonce de l’interpellation à Tidjkja d’un groupe salafiste armé. Mais une source journalistique sur place, a rapporté qu’il s’agissait de quelques jeunes étudiants de mahadras, âgés entre 16 et 20 ans et armés de …deux pétoires. Pas de quoi convoquer la cavalerie dira-t-on, même s’ils étaient en possession de cassettes audio de Ben Laden et qu’ils se proclament jihadistes de «Jound Allah, Al Mourabitounes». De Tidjikja le centre d’intérêt s’est déplacé à Nouakchott le week-end dernier. Il était question de «démantèlement d’une cellule armée» qui préparerait en vrac : un attentat contre le président du Haut Conseil d’Etat, le braquage de fonds et le kidnapping d’un ambassadeur. Tard dans la soirée du 29 octobre un état d’alerte est pratiquement décrété au centre ville de Nouakchott, sur la base d’un «renseignement» relatif à une nouvelle menace. Et les regards se sont par la suite, retournés à Zouerate, au Nord du pays, où deux suspects ont été arrêtés. Mohamed Ali Ould Saïd, l’un des deux jeunes hommes arrêtés il y a quelques jours à Zouerate, était en possession d’un uniforme et de chaussures militaires, en plus de photos montrant des séances d’entraînement militaire qu’il aurait subi au nord au Mali (ou au Sahara Occidental). D’où a-t-il obtenu l’uniforme et les chaussures militaires? S’agit-il de l’uniforme de l’un des militaires mauritaniens assassinés le 14 septembre dernier à Tourine? Les sources qui ont rapporté l’information, notamment «Saharamedia», ne révèlent rien là dessus. Les mêmes sources ont rapporté l’interpellation de Baba Ould Mohamed Ould Baguili qui venait de purger une peine de 5 ans de prison suite à son implication en décembre 2003 dans le vol d’une grande quantité d’explosifs appartenant à la SNIM. Ould Said et Ould Baguili, tous les deux, d’origine sahraouie sont proches du Polisario. Etaient-ils en relation avec l’ex-GSPC algérien, devenu Al Qaida au Maghreb Islamique? Ont-ils participé à l’attaque de Tourine? Rien ne l’aura prouvé à ce stade. Ce fut pourtant par un concours de circonstances et un travail de professionnels que les services de sécurité mauritaniens avaient (en mai 2006), un peu moins d’une année après l’attaque de Lemgheiti, réussi à percer le mystère qui enveloppait cette attaque. Il n’est donc pas totalement exclu que les interpellations de Zouerate soient un fil conducteur à l’identification des bouchers de Tourine. Des Sahraouis au même titre que des marocains, des tunisiens et des libyens fréquentent les camps salafistes algériens. Entre 2002 (du temps d’El Para) et 2006, deux sahraouis du Polisario : «Mouawiya» et «Abou El Hareth» avaient joué un rôle de premier plan dans le recrutement des mauritaniens pour le compte de l’ex-GSPC . Des marocains «Adghiri», «El Bechir» et «Youssouf» et un libyen «Fadel» ont séjourné dans ses camps entre 2005 et 2006 créant ainsi une mêlée qui aura rassemblé toutes les nationalités du Maghreb avec le tunisien «Ahmed Ettounoussi» qui s’était improvisé cameraman lors de l’attaque de Lemgheity en filmant pour le compte de la «cellule médiatique» de l’organisation, le carnage. Le film de cette attaque est entre les mains de quelques hautes autorités militaires mauritaniennes depuis 2006. Assez curieusement il n’avait pas été utilisé comme une preuve à charge lors du procès de juillet 2007. Peut être qu’il en sera autrement avec le film de Tourine. Mais au delà des interpellations, de l’état d’alerte permanente, de la création d’unités chargées de lutter contre le terrorisme, les autorités mauritaniennes tardent à s’interroger sur les mobiles qui poussent des centaines de jeunes à embrasser le salafisme jihadiste et des dizaines d’entre eux à rejoindre les camps jihadistes. Elles tardent à engager des programmes de rééducation religieuse dans les prisons au profit des détenus salafistes. La guerre totale reste évidemment un impératif face aux irrécupérables, mais partout dans le monde (Egypte, Arabie saoudite, Algérie,Libye,Irak) l’approche politique a fini par être envisagée. Après plusieurs années de bombardements, de pilonnage, de frappes par drones, les américains l’ont adopté en Irak et sont en train de l’envisager en Afghanistan.
Le secrétaire américain à la Défense Robert Gates ainsi que le général David Petraeus, chef des troupes américaines dans les guerres d’Irak et d’Afghanistan, viennent de se prononcer pour l’ouverture d’un dialogue avec les Talibans. IOM
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