Reportage : Vivre dangereusement est-il mauritanien?   
27/10/2008

Lorsque l’on s’amuse avec le danger, des deux choses l’une : ou l’on n’en mesure pas du tout l’état, ou bien l’on baigne dans une permissivité coupable. Dans les deux cas, l’on tient entre les mains une grenade dégoupillée qui peut éclater à tout moment. Et si cela devait arriver, les victimes seraient les seules perdantes. C’est sûr, on fera porter le chapeau à quelques malheureux.



Le temps d’en tirer des enseignements, c’est vite oublié. A Nouakchott, des mains inexpertes manipulent et proposent aux populations des pesticides et des emballages ayant contenu des produits hautement toxiques.

MarchĂ© de l’îlot H communĂ©ment appelĂ© marchĂ© au charbon, coincĂ©s entre les cantines de bijoutiers et le tout nouveau hangar, prolongeant jusqu’au niveau des vendeurs de friperies, ils sont lĂ  ! Les marchands de pesticides. Ils sont soit debout Ă  cĂ´tĂ© de leurs tables soit, ils se tiennent Ă  quelques mètres Ă  cĂ´tĂ© et dès que vous traĂ®nez un peu le pas au niveau de leur affaire, ils rappliquent au quart de tour et vous invitent Ă  vous intĂ©resser Ă  leur bazar. Au premier coup d’œil, ce qui frappe, c’est sans conteste la variĂ©tĂ© des articles disposĂ©s mĂ©thodiquement sur la surface. Ils appartiennent pratiquement  tous  au registre des pesticides. Des bouteilles d’un quart de litre sont rangĂ©es en des lignes bien ordonnĂ©es. Elles contiennent invariablement un liquide de couleur jaune clair ou lĂ©gèrement orangĂ©e. Ce  sont des pesticides dont l’usage est Ă  but d’éliminer les insectes rampants, volants ou rampants. Au centre de la table, l’on a alignĂ© des sachets en papier sur l’emballage desquels, il est reprĂ©sentĂ© des insectes allant du cafard aux blattes jusqu’aux bestioles les plus rĂ©pugnantes. Ce produit lĂ , on en saupoudre la surface que l’on veut traiter. Sur le mĂŞme espace, des sachets en plastique ; ceux-lĂ  contenant des graines de blĂ© noyĂ©es dans une poudre rougeâtre. Il s’agit d’en appâter les souris avec et attendre qu’elles en trĂ©passent. Sur le bord de la table, l’on distingue Ă©galement des tubes Ă  l’effigie du co-habitant le plus indĂ©licat de la race humaine ; j’ai nommĂ© le rat et autres souris aux dents si affĂ»tĂ©es. C’est de la colle destinĂ©e Ă  la capture de ces rongeurs. Ils sont une vingtaine de jeunes gens Ă  exercer cette activitĂ©.
Ils s’acoquinent avec la mort
C’est certainement une excellente initiative qu’ils ont prise Ă  savoir prĂ©fĂ©rer le commerce Ă  l’inactivitĂ©. Seulement le souci se situe au niveau de leur mĂ©connaissance avĂ©rĂ©e pour la plupart des dangers rĂ´dant autour des ces produits d’une toxicitĂ© inouĂŻe. Dans leur quĂŞte mercantile, ils vous palpe Ă  mains nues, tournent et retournent dans tous les sens les fioles et poudres tueuses sans la moindre prĂ©caution. De plus, s’il s’avère que le client du jour est au mĂŞme degrĂ© d’ignorance qu’eux, ce dernier, comme tout bon acheteur, ne se privera point de soupeser et de renifler mille fois l’arme fatale. Dans sa tĂŞte, il ne pensera qu’à ce qui exterminera la cohorte de cafards qui infestent sa demeure et bien de logis mauritaniens. Tout ce beau monde est en contact direct avec des produits dont ils ne mesurent ni le danger tout comme ils en ignorent la provenance et les rĂ©els pouvoirs de nuisance. Mouvid Ould Sleimane, un des propriĂ©taires de ces Ă©choppes avance des explications : « c’est un mĂ©tier que j’ai choisi de faire Ă  dĂ©faut de disposer d’un avoir important d’argent. En fait, ce que je voulais, c’est possĂ©der une boutique et vendre des produits alimentaires. Ça marche bien au niveau de ce  marchĂ©. Mais comme je n’avais qu’un petit fonds, je me suis investi dans ce secteur en attendant de gagner plus d’argent. » Quant Ă  la question de savoir d’oĂą lui provenait la camelote, l’homme reste Ă©vasif et un brin nerveux: « je pense que les  produits sont produits ici Ă  Nouakchott comme beaucoup de choses que nous consommons. » Une rĂ©ponse bien courte lorsque l’on sait que la quasi-totalitĂ© de ces Ă©lĂ©ments chimiques est estampillĂ©e «made in China, made in  Turkey» et bien d’autres nations aux franchises commerciales douteuses. Ce qui est inquiĂ©tant dans ce cas de figure, c’est bien la lĂ©gèretĂ© avec laquelle ces hommes flirtent avec un danger qui n’a d’égal que le degrĂ© d’insouciance de ses manipulateurs. A propos de la proximitĂ© de tout ce bazar des Ă©tals de viandes, de fruits et lĂ©gumes et les effluves que ne manquent pas de charrier les bourrasques intermittentes de vents sur tous ces aliments, l’homme sort : « nous n’avons pas choisi de nous installer ici. Nous vendions au grand air sur la devanture du marchĂ© SOCIM, c’est lors des opĂ©rations de dĂ©guerpissement de la CUN des derniers mois que nous avons Ă©tĂ© contraints de venir ici. » En clair, ces braves gens n’ont nullement le sentiment de nuire Ă  la santĂ© publique. ILS NE SAVENT PAS ! Du reste, les fripiers et bijoutiers qui les jouxtent n’ont qu’à prier pour ne pas s’empoisonner. Tout de mĂŞme, les pesticides, on connaĂ®t : ça tue Ă  petit feu. Autre lieu, autre pĂ©ril. Sur le chemin allant du Centre Culturel Marocain aux abords du marchĂ© SOCIM,  sur les deux bords de la rue bitumĂ©e, il existe une kyrielle de boutiques dont la spĂ©cialitĂ© reste la vente de cordages, d’équipements de pĂŞche mais surtout des emballages de rĂ©cupĂ©ration dĂ©chargĂ©s des navires.
Des emballages empoisonnés !
A ce niveau, ce qui fait froid dans le dos, c’est bien le contenu initial de ces emballages. Aussi, l’on y trouve vidĂ©es de la rĂ©sine qu’elles contenaient dont on peut apercevoir encore quelques rĂ©sidus au fond des rĂ©cipients. Les acheteurs se les octroient pour en faire des citernes de stockage d’eau potable. Pire, on trouve sur place et en très grand nombre des bidon dont on peut encore voir Ă©crit sur le flanc : «ACIDE»  Ils sont tout aussi utilisĂ©s comme gourdes d’eau de consommation. Ces rĂ©cipients ont Ă©tĂ© pour certains directement revĂŞtus de sac en toile  pour en accĂ©lĂ©rer le rafraĂ®chissement. Ils sont opĂ©rationnels pour l’emploi. Il serait  illusoire de penser que le vendeur prendra la dĂ©licatesse d’avertir le client sur le risque qu’il encourt en buvant des rĂ©sidus toxiques. Cet Ă©tat interpelle Ă  ne point douter une prise en charge d’une bien meilleure politique de la santĂ© publique. Il serait utile de penser Ă  mettre sur pied un service de l’hygiène publique dotĂ© de moyens consĂ©quents et de connaissances avĂ©rĂ©es en matière de cadre de vie et de bien-ĂŞtre.  En attendant, il est grand temps de mener une sensibilisation tout azimut sur les dangers tournant autour de certains emballages.
Biri N’diaye


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