L’ex-président égyptien Mohamed Morsi meurt après un malaise au tribunal   
18/06/2019

Celui qui est devenu en 2012, le premier président librement élu de l’histoire de l’Egypte était en prison depuis six ans. Ses partisans parlent d’un « assassinat ».



L’ancien président égyptien issu des Frères musulmans Mohamed Morsi, 67 ans, est mort lundi 17 juin, après une audition devant un tribunal du Caire, près de six ans après sa destitution par son successeur Abdel Fattah Al-Sissi, alors chef de l’armée. Il a été enterré mardi selon l’un de ses avocats, Abdelmoneim Abdel Maksoud, « à Medinat Nasr, dans l’est du Caire, en présence de sa famille ».

L’ancien président, en détention depuis juillet 2013, comparaissait au sein du complexe pénitentiaire de Tora dans le sud de la capitale égyptienne.

« Le tribunal lui a accordé le droit de parler pendant cinq minutes (…) Il est tombé sur le sol dans la cage des accusés (…) et a été immédiatement transporté à l’hôpital » où il est décédé, a indiqué le parquet général égyptien dans un communiqué. « Il est arrivé à l’hôpital à exactement 16 h 50 et il n’y avait pas de nouvelles blessures visibles sur le corps », a-t-il précisé. Selon la télévision d’Etat, Mohamed Morsi est mort « à cause d’un arrêt cardiaque ».

Me Maksoud, a déclaré :

« Nous n’avons même pas pu le voir au tribunal à cause des parois de verre blindé [du box] insonorisé. Mais d’autres détenus nous ont fait signe qu’il n’avait plus de pouls. Je l’ai vu emporté sur une civière dans le complexe judiciaire ».


Procès de masse
Issu du mouvement islamiste des Frères musulmans, Mohamed Morsi était devenu, en 2012, le premier président civil librement élu de l’histoire de l’Egypte, un an après la chute de son prédécesseur Hosni Moubarak.

Un an plus tard, il avait lui-même été renversé par l’ex-chef de l’armée, Abdel Fattah Al-Sissi, devenu président et qui dirige aujourd’hui le pays d’une main de fer. A la suite de la destitution de Mohamed Morsi, policiers et soldats avaient tué plus de 1 400 personnes qui manifestaient en sa faveur, et plus de 15 000 Frères musulmans ou sympathisants avaient été emprisonnés. Des centaines de ses partisans ont depuis été condamnés à mort dans des procès de masse parfois expédiés en quelques minutes.

Mohamed Morsi purgeait plusieurs peines de prison, dont une de vingt ans pour avoir ordonné le meurtre de manifestants en 2012 et une pour espionnage au profit du Qatar, avec lequel il aurait partagé des documents confidentiels.

Il comparaissait lundi dans une autre affaire d’espionnage en raison de contacts jugés suspects avec le Hamas palestinien. Le Qatar héberge le guide spirituel des Frères musulmans et le Hamas est une émanation de la confrérie.

Selon des sources proches des services de sécurité, les forces de l’ordre ont été placées en état d’alerte, notamment dans la province de Charkiya, région natale de Mohamed Morsi, dans le delta du Nil.


« Le tuer à petit feu »
Le Parti de la liberté et de la justice de M. Morsi, le bras politique des Frères musulmans, a parlé d’un « assassinat », dénonçant dans un communiqué de mauvaises conditions de détention dont « le but était de le tuer à petit feu ».

En mars 2018, une commission britannique indépendante avait condamné son maintien à l’isolement 23 heures par jour, dans des conditions de détention pouvant « relever de la torture ou du traitement cruel, inhumain ou dégradant ». « Le refus d’un traitement médical de base auquel il a droit pourrait entraîner sa mort prématurée », avait déclaré devant le Parlement britannique le député Crispin Blunt, président de cette commission. D’après son avocat, Me Maksoud, il n’était pas en bonne santé : « Nous avons fait plusieurs demandes de traitement. Certaines ont été acceptées mais pas d’autres. »

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, allié de l’ancien dirigeant islamiste, lui a rapidement rendu hommage en le qualifiant de « martyr ». L’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, a lui exprimé « sa profonde tristesse ».

Selon Jonathan Schanzer, du cercle de réflexion Foundation for Defence of Democracies, « étant donné les circonstances, Mohamed Morsi sera considéré comme un martyr. Et les théories du complot autour de sa mort vont certainement prospérer. »

Dans un communiqué, l’ONG Amnesty International a demandé aux autorités une « enquête immédiate » sur la mort de M. Morsi, qualifiée de « profondément choquante ». L’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch a également réagi. Sa directrice pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Sarah Leah Whitson, a dénoncé sur Twitter « l’échec du gouvernement égyptien à lui accorder des soins médicaux adéquats, encore moins des visites de sa famille ».


Considéré comme une marionnette
 Issu d’une famille d’agriculteurs, Mohamed Morsi s’était affiché lors de la présidentielle de 2012 comme le garant des idéaux démocratiques de la révolte de 2011 déclenchée par la jeunesse libérale et laïque, mais à laquelle les Frères s’étaient ralliés, par opportunisme, selon leurs détracteurs.

Il avait été surnommé « la roue de secours », remplaçant de dernière minute du premier choix des Frères musulmans, l’homme d’affaires Khairat Al-Chater, inéligible, mais avait remporté le scrutin, de justesse, face à un cacique du régime de Hosni Moubarak.

Les manières simples et l’air affable de M. Morsi, marié et père de cinq enfants, avaient contribué à un certain état de grâce durant ses premiers mois de présidence. Puis il s’est rapidement attiré les foudres d’une grande partie de la population qui l’accusait d’être une « marionnette » aux mains des Frères musulmans, en les aidant à accaparer tous les pouvoirs, tout en étant incapable de rétablir la sécurité ou de relancer une économie à genoux.

Dans un pays sous la férule de l’armée depuis des décennies, les pro-Morsi soulignent qu’il a tenté d’évincer les militaires des principaux rouages de l’Etat, ce qui a causé sa perte. Les crises se sont succédé, et un an après son élection, le 30 juin 2013, des millions d’Egyptiens sont descendus dans la rue pour réclamer son départ.

Après l’annonce de la mort de M. Morsi, la télévision égyptienne, soutien du régime actuel, a diffusé en boucle des images de violences et d’attentats, accusant les Frères musulmans de « terrorisme » et de « mensonge ». Les campagnes médiatiques contre la confrérie, et contre la Turquie et le Qatar qui la soutiennent, sont récurrentes en Egypte.


Le Monde avec AFP et Reuters


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