Interview du candidat Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed Ould Ghazouani au site maurinews.info   
19/04/2019

Vous avez déçu certains par ce qu’ils ont considéré comme votre résignation face à la majorité après votre discours qui a été compris comme une ouverture sur tous les Mauritaniens. Quelle est votre réponse ?



Votre utilisation du terme rĂ©signation m’étonne. Je fais partie de cette majoritĂ©. Et, justement, la personne ne se rĂ©signe pas face Ă  elle-mĂŞme. Cette majoritĂ©, Ă  commencer par le PrĂ©sident de la RĂ©publique jusqu’au plus simple des militants de partis qui la composent, a rĂ©pondu prestement au projet de sociĂ©tĂ© dont je suis porteur. Toutefois, je n’ai exprimĂ© aucune exclusivitĂ© pour ma majoritĂ© en ce sens que j’ai tendu la main Ă  tous et j’ai accueilli avec joie toutes les forces politiques et toutes les personnalitĂ©s qui ont rĂ©pondu Ă  l’appel y compris en dehors de  la majoritĂ©. C’est pourquoi je ne vois aucune raison qui justifie  la dĂ©ception que vous Ă©voquez.
 
Les rĂ©seaux sociaux ont relayĂ© le slogan « Ghazouani est Aziz ». Êtes-vous une continuitĂ© de l’homme ? 


Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz est mon Président tout comme il est le vôtre, néanmoins il est mon ami, plutôt mon frère. Notre relation est vieille de près de 40 ans durant lesquels elle n’a jamais été entachée parce qu’elle est fondée sur la sincérité et la fidélité et j’en suis fier. Et il est illusoire de vouloir l’altérer ou d’en douter.
Suis-je lui ? Est-ce que tout frère est son autre frère ? Est-ce que tout fils est son père ? Lui, il est Monsieur le Président Mohamed Ould Abdel Aziz et moi je suis Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed.
 
Vous n’avez pas répondu à ma question…


Si, je crois avoir répondu et vous avez le droit de répondre à vous-même par ce qui vous plait.
 
Certains considèrent votre passĂ© militaire comme un dĂ©faut.  D’aucuns se basent sur ce passĂ© pour dire que vous ĂŞtes le candidat de l’ArmĂ©e et que votre Ă©lection consacre la continuitĂ© des rĂ©gimes militaires. Que leur rĂ©pondez-vous ?


Tout d’abord, je tiens Ă  vous souligner que je suis actuellement un civil et, Ă  ce titre, je suis soumis aux mĂŞmes conditions que celles de n’importe quel autre civil. Quant Ă  mon passĂ©, il me fait honneur. J’ai servi mon pays au sein des forces armĂ©es pendant une très longue pĂ©riode au cours de laquelle j’ai appris ce qui est Ă  mettre Ă  mon actif et non pas Ă  mon dĂ©triment : Le patriotisme, l’esprit de sacrifice, la  discipline, la ponctualitĂ© au travail et la maitrise des dossiers, notamment ceux de la dĂ©fense et de la sĂ©curitĂ©.
A mon tour de vous poser la question : Est-ce là réducteur et, de manière particulière, ne croyez-vous pas comme moi que la maitrise des sujets liés à la défense et à la sécurité est une plus-value qui fait défaut aux autres ?
 
S’agissant justement de la défense et de la sécurité, certains critiquent la présence de soldats mauritaniens en dehors des frontières nationales. Croyez-vous que cela est justifié ?
 
Cette question ne doit pas m’être posĂ©e  parce que je n’occupe plus une quelconque fonction en relation avec l’armĂ©e. Je suis simplement un candidat Ă  la PrĂ©sidence. Toutefois, je ne me dĂ©file pas. Je connais parfaitement le dossier, c’est pourquoi je dirai que la mission de l’armĂ©e est la dĂ©fense du pays contre toute agression quelle qu’en soit l’origine. La place naturelle de l’armĂ©e est Ă  l’intĂ©rieur des frontières nationales. NĂ©anmoins, il existe des situations qui sont liĂ©es au rĂ´le rĂ©gional et international de la Mauritanie et qui  nĂ©cessitent sa contribution aux efforts de maintien de la paix dans notre zone. Certains cas peuvent apparaitre comme une ingĂ©rence des forces mauritaniennes en dehors des frontières nationales alors, qu’en rĂ©alitĂ© il s’agit d’opĂ©rations qui servent la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure du pays en ce sens qu’elle en Ă©loigne le danger. C’est le cas notamment  de  la  participation  Ă   la  force  conjointe  du  G5  Sahel  dont  nous sommes les initiateurs. A ce titre, nous ne faisons que dĂ©fendre nos frontières des dangers du terrorisme, de l’extrĂ©misme et des trafics.
  
 D’aucuns vous qualifient de candidat des forces armĂ©es. Quel commentaire Ă  ce propos ?
 
Les Forces Armées n’ont pas de candidat. Evoquer leur nom dans la compétition électorale est une atteinte à ce noble corps et ne sert pas le pays. Les forces armées nous appartiennent tous. Leur rôle est de défendre l’intégrité territoriale et d’assurer la sécurité du pays.
 
 Votre utilisation de l’avion miliaire a suscitĂ© une certaine polĂ©mique. D’aucuns font le lien entre cela et vos relations avec les forces armĂ©es. Etes-vous certain que votre entregent n’a pas influencĂ© le marchĂ© de location de l’avion ?
 
La question est toute simple : j’ai cherchĂ© un moyen de transport et  reçu plusieurs offres de compagnies aĂ©riennes ainsi que de l’ArmĂ©e. L’offre de celle-ci Ă©tait la moins disante. J’ai contractĂ© avec elle. Je ne vais pas vous encombrer avec des explications sur ce tout le monde sait au sujet de ce type de prestations que fournit l’aviation militaire.
 
Vous revenez d’une tournĂ©e Ă  l’intĂ©rieur du pays que d’aucuns pensent qu’elle transgresse la loi en ce sens quelle se dĂ©roule  avant l’ouverture de la campagne prĂ©sidentielle. Que rĂ©pondez-vous Ă  cela. Et quelle est la raison de cette tournĂ©e Ă  ce moment prĂ©cis ?
 
Je suis porteur d’un projet de sociĂ©tĂ© pour lequel je sollicite l’adhĂ©sion  des mauritaniens. Il est vrai que j’ai prĂ©sentĂ© la vision du projet dans le discours d’annonce de ma candidature. Mais il restait pour moi le plus important, c’est-Ă -dire le respect des Mauritaniens, leur implication Ă  travers le contact direct et la sollicitation de leur appui Ă  ce projet. Comme les candidats ont pour habitude de limiter leurs visites aux seuls chefs-lieux des wilayas, j’ai tenu personnellement, par Ă©gard Ă  tous les citoyens, Ă  visiter toutes les moughataas.
 
L’on constate l’émergence de discours ethniques et sectaires. Quel est votre sentiment Ă  cet Ă©gard et quelle sera votre rĂ©action face aux tenants de  ces discours ?
 
Tout d’abord, je rejette fondamentalement tout ce qui est de nature Ă  semer la division de mon peuple sur des bases claniques, raciales ou ethniques. Je vous renvoie au discours d’annonce de ma candidature dans lequel je me suis engagĂ© fermement Ă  Ĺ“uvrer au renforcement de l’Etat de citoyennetĂ©, de droit et d’équitĂ© de manière Ă  ce que  tous ceux qui se sentent lĂ©sĂ©s ou marginalisĂ©s puissent enfin se sentir fier d’appartenir Ă  ce pays.  
 
Les opposants au pouvoir vous considèrent responsable des obstacles qui ont Ă©maillĂ© le rĂ©amĂ©nagement de la Commission  Electorale Nationale IndĂ©pendante (CENI), et certains disent que votre silence traduit tout au moins une complicitĂ©. Que rĂ©pondez-vous Ă  ce sujet ?
 
Je ne m’étonne point que certains me fassent incomber une responsabilitĂ© pour des faits, ou supposĂ©s tels, et auxquels je ne suis liĂ© ni de près ni de loin. Pour ce qui  est  prĂ©cisĂ©ment  de  votre  question,  je n’ai jamais, Ă  en aucun moment, constituĂ© un obstacle Ă  la rĂ©organisation de la CENI. Bien au contraire, j’estime qu’il est  nĂ©cessaire  d’entreprendre  tout  ce  qui  est  de  nature  Ă   garantir  la transparence dont je suis un inconditionnel et Ă  laquelle j’appelle fortement.
C’est la transparence qui me garantit, une fois élu, que ma victoire soit propre et sans équivoque tout comme si un autre est élu dans les mêmes conditions, je serai capable de le féliciter pour son élection.
 
Il semble que les Mauritaniens sont unanimes sur la baisse du  niveau  de l’enseignement, l’anarchie gĂ©nĂ©rale qui le caractĂ©rise et la prĂ©caritĂ© des conditions des diffĂ©rents corps d’enseignement. De quelles solutions ĂŞtes-vous porteur pour ce secteur et pour les personnes qui en sont concernĂ©es ?
 
J’ai la profonde conviction que l’enseignement de qualitĂ© est le prĂ©alable Ă  tout progrès et qu’il est facteur de raffermissement de l’unitĂ©  nationale.  C’est pourquoi, une fois Ă©lu, il sera en tĂŞte de mes prioritĂ©s. Je veillerai Ă  assurer la gratuitĂ© de toutes ses Ă©tapes, Ă  le rendre obligatoire au niveau des premiers cycles. J’œuvrerai, autant que faire se peut, Ă  introduire toutes les rĂ©formes nĂ©cessaires, Ă   combler les insuffisances et Ă  amĂ©liorer les conditions  de  son personnel. J’exposerai beaucoup plus en dĂ©tails mes engagements Ă  ce sujet dans mon programme Ă©lectoral.
 
De nombreux citoyens considèrent que les conditions Ă©conomiques  sont dĂ©sastreuses. Beaucoup se plaignent de la hausse des impĂ´ts, de la baisse du pouvoir d’achat et de la montĂ©e des prix. Certains acteurs parlent de manque de transparence dans l’attribution des marchĂ©s publics et de l’inĂ©galitĂ© des chances. Quelle est votre vision pour faire face Ă  cette situation ?
 
Les gens divergent à propos de l’appréciation de la situation économique. Pour ma part, je ne considère pas les choses de la façon que vous venez d’évoquer.
De toute façon, je ne m’appesantirai pas outre mesure sur cet aspect pour autant que mon propos concerne l’avenir. S’agissant de ma vision sur la question, j’ai soulignĂ© dans le discours d’annonce de ma  candidature, mon engagement  Ă  Ĺ“uvrer Ă  l’impulsion d’une  dynamique  de  dĂ©veloppement  dans  le  pays  qui assure une harmonie entre les dimensions Ă©conomique et sociale de manière Ă  ce que elle ait un impact positif sur le citoyen. Je m’attèlerai  Ă  ce que soient garanties  la  transparence et l’égalitĂ© des chances entre tous les acteurs Ă©conomiques et que soient crĂ©Ă©es encore davantage d’opportunitĂ©s d’emploi.
 
Certains vous reprochent les visites que vous rendez à des personnalités et à des familles ainsi que votre acceptation d’invitations que vous adressent des initiatives tribales et régionales. Ne trouvez-vous pas qu’il s’agit là d’une forme d’encouragement du tribalisme et du régionalisme et d’un renforcement des pratiques de la société traditionnelle ?
 
Je suis porteur d’un message que je souhaite transmettre par toutes les voies appropriées et ne peux donc qu’accepter avec joie toutes les invitations qui me sont adressées par des électeurs. Pour ce qui est de la société que j’ambitionne construire, c’est une société d’égalité et de justice, fondée sur les principes de la citoyenneté dans le cadre d’un Etat qui garantit les droits à tous sans discrimination aucune.
 
Les intellectuels estiment qu’ils sont marginalisés et considèrent que la culture est reléguée au second plan. Que leur proposez-vous ?
 
La culture est le pilier de toute renaissance. Un pays qui ne respecte pas ses intellectuels et qui ne se préoccupe pas de sa culture n’est pas digne de respect.
Je m’engage Ă  mettre la culture Ă   la  tĂŞte  de  mes  prioritĂ©s.  La  poĂ©sie, la littĂ©rature, le théâtre et la musique bĂ©nĂ©ficieront d’un intĂ©rĂŞt  particulier. Et j’accorderai  au patrimoine  culturel l’attention  requise  en  particulier les manuscrits et vestiges ainsi que les valeurs culturelles  authentiques.
J’encouragerai l’investissement dans la culture et l’appui aux créateurs et aux hommes de lettres.
 
Vous semblez avoir accordĂ© plus d’intĂ©rĂŞt aux partis, aux personnalitĂ©s et aux communautĂ©s  traditionnelles. Quelle place occupe la jeunesse dans vos prĂ©occupations ?
 
Cela n’est pas exact. Une partie du soutien dont nous avons bĂ©nĂ©ficiĂ© jusque-lĂ  provient de partis qui ont des organisations de jeunesse ou d’initiatives constituĂ©es pour la plupart de jeunes ou dans lesquelles ceux-ci jouent un rĂ´le prĂ©pondĂ©rant. Les contacts se poursuivent et les jeunes y seront les plus prĂ©sents. La jeunesse est une ressource nationale et une vĂ©ritable force indispensable Ă  la construction du pays. Notre programme comporte une partie essentielle qui lui est consacrĂ©e afin qu’elle joue pleinement son rĂ´le et qu’elle rĂ©alise ses aspirations Ă  l’emploi et Ă  l’accès aux centres de dĂ©cision. 
 
Les mauritaniens reconnaissent un bond indĂ©niable en matière de  libertĂ©s d’opinion et de presse, mais sont nĂ©anmoins d’accord sur deux choses :
1 – Cette liberté débridée est embourbée dans l’anarchie ;
2 – le mauritanien a le choix entre soit bénéficier de la liberté liée à la privation des avantages de l’Etat parfois de ses droits, soit y renoncer pour vivre. Quels engagements pouvez-vous prendre à cet égard ?

 
Les informations contenues dans votre question ne sont pas précises dans un de leurs aspects. Toutefois, je ne répondrai qu’en ce qui concerne l’avenir. Il n’est absolument pas envisageable de limiter les acquis dans le domaine de la liberté d’opinion et de presse. Au contraire, je m’engage à les enraciner et en élargir l’espace d’expression. Toujours est-il que je considère que la protection de cette liberté requiert de l’asseoir sur une base légale. Il ya effectivement une anarchie totale à laquelle je m’engage à mettre fin dans le respect de la loi et à rendre plus active l’autorité de régulation concernée par la presse (HAPA).
 
L’application de la loi est certes nécessaire pour la création d’une presse professionnelle, mais cela ne suffit pas. Il y a le soutien financier qui est aussi important. Quel appui comptez-vous apporter aux médias ?
 
La presse est une industrie et un secteur d’affaire privĂ©. A ce titre, elle  doit s’autofinancer. Ce qu’elle  est censĂ©e demander c’est que  lui  soit  assurĂ© un environnement propice Ă  son dĂ©veloppement et Ă  la rĂ©ussite de ses affaires.
Néanmoins, je m’engage à rehausser l’appui qu’il lui est accordé, en diversifier les sources et l’organiser. Le critère principal qui sera retenu pour bénéficier de l’appui est l’entière observation des valeurs éthiques et professionnelles et le respect de la loi.
 
Vous sentez-vous menacé par les autres candidats qui ont chacun son assise électorale. Quelle évaluation faites-vous de vos concurrents ?
 
Je ne me sens aucunement menacĂ©. Par ailleurs, je n’aime  pas  porter  un jugement sur les autres ni les critiquer. Je considère plutĂ´t qu’il est du droit de tout celui qui se croit en mesure de diriger le pays et qui propose un projet de sociĂ©tĂ© aux Mauritaniens de se porter candidat. C’est lĂ  une ambition tout Ă  fait lĂ©gitime. Pour ma part, je me suis prĂ©sentĂ© parce que je crois avoir l’aptitude de diriger un pays dont je connais les potentialitĂ©s et j’ai pleinement conscience des dĂ©fis auxquels il fait face et des dangers qui le menacent. Toutefois, je pense qu’il est vraiment important que les Mauritaniens aient l’opportunitĂ© de choisir entre plusieurs programmes. Le gagnant sera en dĂ©finitive la Mauritanie. 
  
Ne sous estimez-vous pas lĂ  les capacitĂ©s des adversaires ? 


Je ne  peux en aucun cas sous-estimer l’adversaire. Cela est contraire aux enseignements de ma formation. Je reconnais avoir en face de moi de vĂ©ritables concurrents. NĂ©anmoins, je suis confiant car c’est finalement l’électeur et son niveau d’adhĂ©sion aux programmes proposĂ©s ainsi que les qualitĂ©s de chacun des candidats qui feront la diffĂ©rence.
En ce qui me concerne, la règle est que le meilleur gagne.
 
Certains soutiens des candidats y compris parmi les vôtres, tiennent des propos peu avenants à l’endroit de leurs concurrents. Quelle est la meilleure attitude à votre avis ?


Je souhaite que les discours des candidats et de leurs soutiens soient empreints de responsabilité et au niveau de nos ambitions pour notre peuple. Il appartient à l’élite qui est l’avant-garde de la société de promouvoir les valeurs de tolérance et de retenue.


Propos recueillis par Cheikh Bekaye 



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