Les chefs d’État africains se rassemblent ce week-end Ă Addis Abeba pour un sommet extraordinaire de l’Union africaine (UA), oĂą ils chercheront Ă s’accorder sur un projet de rĂ©forme institutionnelle de l’organisation portĂ© depuis deux ans par le prĂ©sident rwandais Paul Kagame.
Il reste peu de temps Ă Paul Kagame, qui a insistĂ© pour que ce sommet soit convoquĂ©, pour faire passer ces rĂ©formes destinĂ©es Ă rendre l’UA moins bureaucratique et plus efficace, mettent en garde les analystes. En janvier, il cèdera son poste annuel de prĂ©sident en exercice de l’UA au chef de l’État Ă©gyptien, Abdel Fattah al-Sissi, bien moins enclin que lui Ă dĂ©fendre ces rĂ©formes. « L’inquiĂ©tude tient Ă ce que, mĂŞme si elle ne devait pas chercher pas Ă revenir dessus, l’Égypte ne ferait très probablement pas la promotion de ces rĂ©formes », explique Elissa Jobson, du centre d’analyse International Crisis Group (ICG). Pour elle, le sommet de samedi et dimanche est le « dernier effort » pour faire adopter autant de modifications que possible avant que Kagame ne passe la main au prĂ©sident Ă©gyptien. Une rĂ©forme nĂ©cessaire Longtemps critiquĂ©e pour sa lourdeur administrative et son inefficacitĂ©, l’UA avait chargĂ© en 2016 le leader rwandais de rĂ©flĂ©chir Ă une rĂ©forme visant notamment Ă garantir l’autonomie financière de l’organisation pour lui donner les moyens de sa souverainetĂ© politique. Kagame a cherchĂ© Ă tailler dans les dĂ©penses de l’UA, en limitant le nombre de sommets et de commissions, et Ă rĂ©duire sa dĂ©pendance Ă l’égard des donateurs Ă©trangers. Il a aussi suggĂ©rĂ© qu’elle circonscrive ses prioritĂ©s Ă la sĂ©curitĂ©, la politique et l’intĂ©gration Ă©conomique. Mais plus de deux ans et cinq sommets après, plusieurs Etats clĂ©s sont toujours extrĂŞmement rĂ©ticents et l’espoir de voir un accord global ĂŞtre conclu cette semaine dĂ©pend surtout de qui se rendra Ă Addis Abeba. « Il faudra voir combien de chefs d’État viennent, et ça dĂ©terminera le succès du sommet, (qui) dĂ©terminera d’une manière ou d’une autre le succès des rĂ©formes », remarque Liesl Louw-Vaudran, consultante auprès du centre sud-africain d’analyse Institute of Security Studies (ISS). Pour l’instant, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, le Botswana, les Comores, le Togo et le Ghana ont confirmĂ© qu’ils enverraient leur prĂ©sident. Le Nigeria et le Mozambique dĂ©lĂ©gueront leur ministre des Affaires Ă©trangères. Les autres pays n’ont pas fait savoir qui se dĂ©placerait. Des rĂ©ticences Certaines rĂ©formes ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© adoptĂ©es. En dĂ©but d’annĂ©e, les chefs d’État de l’UA avaient acceptĂ© de faire passer de deux Ă un le nombre de sommets annuels. Selon Elissa Jobson, analyste Ă l’ICG, près de la moitiĂ© des 55 Etats membres ont acceptĂ© de payer une taxe de 0,2% sur les importations, pour rĂ©duire la dĂ©pendance de l’UA Ă l’égard des bailleurs Ă©trangers, lesquels contribuent Ă son budget Ă hauteur de 50%, et l’autre moitiĂ© trouvera un autre moyen de payer. Aucune dĂ©cision n’a encore Ă©tĂ© prise sur les autres propositions du prĂ©sident rwandais, comme celle de charger le prĂ©sident de la Commission de l’UA, actuellement le Tchadien Moussa Faki Mahamat, de nommer le vice-prĂ©sident de la Commission et les autres commissaires. La plupart des pays africains les plus puissants sont en effet rĂ©ticents Ă donner Ă l’UA la capacitĂ© de prendre des dĂ©cisions Ă leur place, observe Liesl Louw-Vaudran. « Ils ne veulent abandonner aucune part de souverainetĂ© Ă la Commission de l’UA. Ils la voient encore comme une sorte de secrĂ©tariat chargĂ© de mettre en oeuvre ce que les chefs d’État dĂ©cident », explique-t-elle. MĂ©fiance de l’Égypte Elissa Jobson souligne que les rĂ©serves de l’Égypte tiennent Ă une sorte de ressentiment, le pays ayant Ă©tĂ© suspendu de l’UA un an après le coup d’État de 2013 ayant amenĂ© Al-Sissi au pouvoir. « Il y a un sentiment gĂ©nĂ©ral que cette dĂ©cision avait Ă©tĂ© plus impulsĂ©e par la Commission que par les États membres. C’est une raison supplĂ©mentaire pour l’Égypte de vouloir voir les pouvoirs de la Commission rĂ©duits », pense-t-elle. Un diplomate travaillant Ă l’UA et ayant requis l’anonymat ajoute que l’Égypte a publiquement soutenu les rĂ©formes, mais aimerait probablement qu’elles se concentrent sur d’autres aspects que ceux dĂ©fendus par Kagame, comme la sĂ©curitĂ© et la reconstruction post-conflits. « Personne n’espère vraiment que ce sommet va permettre de rĂ©soudre quoi que ce soit, mais vous verrez peut-ĂŞtre quelques dĂ©cisions prises », laisse-t-il entendre. Par Jeune Afrique avec AFP
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