La ruée des grandes marques hôtelières internationales sur l’Eldorado africain   
08/10/2018

Comme une répétition de l’histoire du Far-West américain du 19e siècle, le continent africain semble depuis quelques années subir l’assaut de grandes entreprises internationales, à la recherche de nouvelles opportunités d’investissement.



 Si les pioches et tamis des orpailleurs ont laissé leurs places aux accords et plans d’investissements à plusieurs millions de dollars, les récentes annonces des plus grandes marques de l’hôtellerie mondiale semblent donner le ton d’une véritable « ruée vers l’or » du secteur hôtelier, à destination du continent africain.

 

Alors qu’elle est annoncée comme « le continent de l’avenir », l’Afrique, longtemps délaissée par les investisseurs étrangers du secteur tertiaire (tourisme, services), semble aujourd’hui plus que jamais, disposer des moyens de se positionner comme le futur Eldorado de l’hôtellerie mondiale.

 

Le nouveau terrain de bataille des géants mondiaux de l’hôtellerie

Le secteur africain des services de logements intéresse de plus en plus les grandes marques hôtelières internationales, qui se bousculent pour avoir les meilleures places sur le continent.

Les deux premiers trimestres de l’année 2018 ont été rythmés par un festival d’annonce de plans d’investissements pour les prochaines années. Preuve du nouvel attrait du continent africain pour ce secteur. Ainsi, les crises économiques et sécuritaires qui ont secoué les pays africains au cours des années 2000 n’ont eu que peu d’impact sur les arrivées d’investisseurs internationaux du secteur hôtelier, qu’enregistrait l’Afrique au cours de la même période.


 

Selon un rapport du W Hospitality Group, le nombre de projets hôteliers à destination du continent africain a plus que doublé depuis 2009, année où « l’Afrique commençait à peine à devenir le centre d’intérêt des chaînes hôtelières ». Ainsi de 30 000 chambres pour 144 hôtels seulement sur le continent en 2009, le nombre de projets hôteliers en Afrique est passé à environ 73 000 chambres pour 417 hôtels en 2017.

Ainsi de 30 000 chambres pour 144 hôtels seulement sur le continent en 2009, le nombre de projets hôteliers en Afrique est passé à environ 73 000 chambres pour 417 hôtels en 2017.

La plupart des études indiquent que cette course à l’expansion et au positionnement sur le marché africain du logement, est dominée par les géants internationaux de l’industrie hôtelière.

Ainsi, lorsqu’en juillet dernier le français AccorHotels (114 hôtels sur le continent), annonce la création d’un fonds d’investissement de plus de 1 milliard $ pour consolider sa présence sur le continent, ces déclarations sont immédiatement suivies des nouveaux projets d’expansion de ses concurrents (américains principalement).

A cet effet, l’américain Marriott International a annoncé pas plus tard que cette semaine qu’il envisageait d’accroître son portefeuille d’hôtels africains de 50% d’ici 2023 tandis que son autre concurrent, Hilton Holdings (41 hôtels ouverts et 53 en développement en Afrique) annonçait le même jour qu’il allait doubler le nombre de ses établissements hôteliers sur le continent d’ici les cinq prochaines années.

Quant à la société Radisson Hotels Group (90 hôtels et plus de 18 000 chambres en exploitation et en cours de développement en Afrique) elle a annoncé qu’elle ouvrirait 10 nouveaux établissements sur le continent via sa filiale Radisson Hospitality, durant les neuf prochains mois.

Lorsqu’en juillet dernier le français AccorHotels (114 hôtels sur le continent), annonce la création d’un fonds d’investissement de plus de 1 milliard $ pour consolider sa présence sur le continent, ces déclarations sont immédiatement suivies des nouveaux projets d’expansion de ses concurrents.

Si ces investissements massifs semblent laisser peu de place au développement d’acteurs locaux du secteur, il faut noter que certains groupes hôteliers d’origine africaine réussissent néanmoins à tirer leur épingle du jeu et éviter de se faire phagocyter par leurs concurrents internationaux.

 

L’émergence d’acteurs locaux du secteur hôtelier africain

Alors que les géants mondiaux de l’industrie de l’hôtellerie exercent une quasi-hégémonie sur le secteur en Afrique, ils font aujourd’hui face à un sursaut de plusieurs entrepreneurs locaux, qui montrent une envie de plus en plus claire de les concurrencer.

Parmi les principales entreprises panafricaines du secteur hôtelier figure incontestablement le groupe Azalaï Hotels du malien Mossadeck Bally. Plus de deux décennies après sa création, le groupe compte déjà 7 établissements dans 5 pays d’Afrique de l’Ouest avec un chiffre d’affaires autour de 35 millions $ en 2015.

Parmi les principales entreprises panafricaines du secteur hôtelier figure incontestablement le groupe Azalaï Hotels du malien Mossadeck Bally.

D’autres groupes comme les sociétés Onomo Hotels, ou encore Mangalis Hotel Group, se sont peu à peu imposés sur le continent comme des entreprises offrant un contenu adapté aux identités locales, et envisagent pour les prochaines années de s’étendre à de nouvelles villes du continent.


 

Les stratégies étant différentes d’un entrepreneur à l’autre, certains acteurs locaux de l’industrie hôtelière africaine n’hésitent pas à s’associer aux géants internationaux déjà présents sur le continent, pour proposer leur contenu aux consommateurs locaux. C’est notamment le cas de l’algérien Djillali Mehri, patron du groupe Mehri, qui s’est associé au groupe hôtelier AccorHotels (majoritairement présent en Afrique du Nord), pour la réalisation d’un réseau d’hôtels Ibis, Novotel et Etap à travers le territoire l’Algérie.

Si le secteur hôtelier africain suscite autant de convoitise à l’échelle locale comme international, cela est principalement lié à l’évolution des économies du continent qui offrent un environnement propice au développement d’un secteur déjà en plein essor.

 

Des perspectives favorables pour le secteur du tourisme

Le boom du tourisme africain est l’une des causes expliquant l’attractivité du continent pour les grandes enseignes hôtelières internationales. Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), en 2017, le continent a connu une croissance de 9% de ses arrivées de touristes internationaux (63 millions), tandis que l’industrie générait des recettes de 37 milliards $ au cours de la même année, soit une croissance de 8% par rapport à 2016.

Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), en 2017, le continent a connu une croissance de 9% de ses arrivées de touristes internationaux (63 millions), tandis que l’industrie générait des recettes de 37 milliards $ au cours de la même année, soit une croissance de 8% par rapport à 2016.

Alors qu’un Africain actif sur 14 (21 millions) est employé par le secteur selon des statistiques de 2016, le tourisme, qui compte pour près de 8% du PIB du continent, est prévu pour connaître une croissance soutenue pendant les prochaines années. La mise en place d’un marché unique du transport aérien sur le continent, et l’adoption de plusieurs mesures de délivrance de visas à l’arrivée, couplée à l’augmentation prévue des vols de compagnies internationales vers l’Afrique devraient faciliter le développement de ce secteur.

Ainsi, l’accroissement du secteur touristique africain, entraîne une demande croissante d’infrastructures de qualités tels que les hôtels, conformes aux normes internationales, pour accueillir le flux d’individus que reçoit le continent chaque année, qu’il s’agisse de touristes d’affaires ou de vacanciers.


 

Si l’Afrique du Nord, a très tôt connu un développement de ses infrastructures hôtelières, l’Afrique subsaharienne, quant à elle, constitue un marché encore jeune et regorgeant de potentialités importantes pour de tels investissements. Cela explique d’ailleurs que la majorité des plans d’investissements annoncés par les entreprises internationales, se concentrent dans les pays de l’Afrique subsaharienne comme le Ghana, le Nigeria, l’Ethiopie ou le Rwanda, considérés comme les futures locomotives de la croissance économique du continent.

 

Une classe moyenne en expansion

L’émergence et la croissance accélérée d’une classe moyenne de plus en plus aisée favorise également les investissements du secteur hôtelier. D’après les statistiques de la BAD, près de 400 millions d’Africains feraient partie de la classe moyenne. Même si ces chiffres ont été contestés par plusieurs experts en raison du caractère hétéroclite des classes moyennes africaines, il n’en est pas moins vrai que pour les prochaines années, l’Afrique devrait enregistrer une hausse importante de cette catégorie de sa population.


 

Et lorsque l’on se rend compte que 70% des touristes de l’Afrique subsaharienne sont les Subsahariens eux-mêmes, qui représentent également 40% des touristes de l’Afrique du Nord, il est d’autant plus aisé de penser que cette classe moyenne qui alimente une demande croissante en matière d’infrastructures hôtelières de qualité, devrait favoriser le développement du secteur.

70% des touristes de l’Afrique subsaharienne sont les Subsahariens eux-mêmes, qui représentent également 40% des touristes de l’Afrique du Nord.

D’ailleurs, plusieurs entreprises hôtelières ont commencé à adapter leurs offres aux spécificités du marché africain. Alors que pendant des décennies la cartographie hôtelière d’une grande partie de l’Afrique subsaharienne affichait majoritairement des hôtels d’affaires Haut de Gamme ou Luxe, s’adressant surtout à une clientèle occidentale et dans une moindre mesure, institutionnelle, on note une inversion de la tendance. De plus en plus de groupes hôteliers internationaux offrent des services « middle class », voire même « lower class » répondant aux standards internationaux, et adressés à une société africaine en pleine amélioration économique.

 

Des prévisions de croissance démographique en hausse sur fond d’urbanisation accélérée

La résilience du marché hôtelier africain, face aux difficultés liées aux crises économiques est également liée à la croissance démographique, et à l’urbanisation des villes africaines. Selon des statistiques de l’ONU, les dix villes connaissant la croissance la plus rapide au monde seront en Afrique d’ici à 2035, tandis que la population du continent est prévue pour doubler d’ici à 2050.


 

Dans le même ordre d’idées, la Banque mondiale indiquait en 2017 que « la population urbaine en Afrique s’élève actuellement à 472 millions d’habitants, mais elle va doubler au cours des vingt-cinq prochaines années, pour atteindre un milliard d’habitants en 2040 ». Et d’ajouter « dès 2025, les villes africaines abriteront 187 millions d’habitants supplémentaires, soit l’équivalent de la population actuelle du Nigéria ».

Cette situation devrait entraîner une augmentation de la demande de services de logements de qualités, afin de relever le défi de l’urbanisation des futures mégalopoles africaines, stimulant ainsi l’appétit des poids lourds de l’hôtellerie mondial.

D’un autre côté, cette croissance démographique, au-delà de la création d’un potentiel marché de consommateurs de services hôteliers, offre les perspectives d’une main d’œuvre locale facilement accessible et disponible sur le continent, si tant est qu’elle est bien formée. Ceci devrait être bénéfique non seulement aux entreprises internationales, mais également aux économies locales.

Dans une interview accordée à l’Agence Ecofin, Nicolas Willemin chargé d’affaires senior, expert du secteur hôtelier à Proparco, indiquait à cet effet que « pour un emploi direct créé dans l’hôtellerie et la restauration, 1,5 emploi était indirectement généré dans les secteurs connexes ». Et d’ajouter : « ce ratio est supérieur en Afrique et plus particulièrement dans les catégories supérieures d’hôtels avec un ratio d’environ 3 ».

 

Lever les dernières barrières au développement du secteur hôtelier en Afrique

S’il affiche des chiffres flatteurs et des perspectives optimistes pour les prochaines années, le secteur hôtelier africain reste confronté à plusieurs défis qui l’empêchent encore de se développer au maximum de ses potentialités. Malgré le fait que tous les indicateurs sont au vert concernant l’augmentation de la demande en réservations hôtelières sur le continent, cette croissance pourrait être plombée par une absence de main d’œuvre qualifiée, due au manque de formation.

Malgré le fait que tous les indicateurs sont au vert concernant l’augmentation de la demande en réservations hôtelières sur le continent, cette croissance pourrait être plombée par une absence de main d’œuvre qualifiée, due au manque de formation.

Non seulement les pays africains manquent de ressources (infrastructurelles et humaines) de qualité pour former leurs populations aux métiers du secteur, mais les systèmes éducatifs mis en places par les Etats africains ne suscitent que très peu d’envie chez les jeunes de se tourner vers ce secteur.

De plus, certains pays peinent encore à mettre en place des mesures économiques, politiques et fiscales incitatives pour le développement de ce secteur porteur de croissance, ce qui a également des conséquences sur le développement du tourisme.

La rénovation et la restructuration du secteur hôtelier africain par les acteurs publics (Etats) et privés (investisseurs), à travers la facilitation des procédures, l’augmentation des projets de constructions, et la délivrance de formations de qualités pour la potentielle main d’œuvre, devrait permettre au continent de développer une offre de plus en plus en adéquation avec les normes internationales.

Si les pays africains développent de réelles politiques pour favoriser le secteur, l’Afrique pourrait devenir le prochain Eldorado du secteur hôtelier international, et générer des revenus considérables, pour les Etats, les entreprises et les Africains.

 
 
 

(Ecofin Hebdo)


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