Il aura fallu plus de huit jours pour que les résultats – encore approximatifs - du premier tour des élections législatives, régionales et municipales soient publiés à Nouakchott par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).
Le paysage politique qui s’en dĂ©gage n’aura rien Ă voir avec celui qui prĂ©valait depuis cinq ans. Selon les rĂ©sultats dĂ©livrĂ©s dans la nuit du 8 au 9 septembre, l’Union pour la rĂ©publique (UPR, parti au pouvoir) arrive largement en tĂŞte du premier tour des Ă©lections lĂ©gislatives. Sur 157 sièges de dĂ©putĂ©s en jeu, l’UPR en obtient 67, contre 14 pour le parti islamiste (Tewassoul, opposition). Un second tour est prĂ©vu le 15 septembre pour Ă©lire 22 dĂ©putĂ©s. Le point sur ce qu’il faut retenir ce scrutin du 1er septembre, qui portait sur les Ă©lections lĂ©gislatives, rĂ©gionales et locales : · Scrutins pacifiĂ©s, malgrĂ© de graves ratĂ©s La longueur du dĂ©pouillement a surpris. Il s’explique par la complexitĂ© des trois Ă©lections qui mĂŞlaient scrutin Ă la proportionnelle, donc de liste, et scrutin majoritaire et uninominal dans 4 080 bureaux de vote. Le raz-de-marĂ©e des candidats a tout compliquĂ© : 540 listes s’affrontaient aux lĂ©gislatives, 160 aux rĂ©gionales et 1 552 aux municipales. Et l’inexpĂ©rience des responsables des opĂ©rations Ă©lectorales a fait le reste. Des bureaux de vote ont Ă©tĂ© dĂ©placĂ©s Ă la dernière minute. Beaucoup d’électeurs ont mis leur bulletin dans la mauvaise urne et des prĂ©sidents de bureau de vote ont pris l’initiative de reverser des bulletins d’une urne dans une autre. RĂ©sultat, 520 000 bulletins sur 2,7 millions de suffrages exprimĂ©s ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme nuls. D’autre part, des pluies torrentielles ont retardĂ© l’acheminement des rĂ©sultats de certaines rĂ©gions. Ces ratĂ©s devraient donner lieu Ă une avalanche de rĂ©clamations durant la semaine qui prĂ©cède le second tour prĂ©vu le 15 septembre. L’opposition « radicale » regroupĂ©e dans la « Coalition Ă©lectorale de l’opposition dĂ©mocratique » (CEOD) a dĂ©noncĂ© « des fraudes massives menĂ©es par le camp du pouvoir ». En revanche, l’ancien Premier ministre tchadien Albert Pahimi PadackĂ©, qui dirige la mission d’observation de l’Union africaine, a dĂ©clarĂ© que les « imperfections constatĂ©es ne sont pas de nature Ă entacher [la] crĂ©dibilitĂ© » des Ă©lections. Dans le mĂŞme registre, le Forum des organisations nationales de droits de l’homme (FONADH) a soulignĂ© de graves « insuffisances », tout en concluant à « la relative bonne tenue du scrutin ». Le taux de participation s’est Ă©levĂ© Ă 73,44 %. >>> À LIRE – Mauritanie : Bouamatou s’engage aux cĂ´tĂ©s de l’opposition · PercĂ©e du parti islamiste Tawassoul
Certes, le parti présidentiel, l’Union pour la République (UPR), demeure en tête et décroche 67 sièges de députés sur les 157 à pourvoir. Au premier tour de 2013, il n’en avait obtenu que 44 sur 146 à pourvoir. Mais la progression de Tawassoul est plus importante, puisqu’il s’adjuge 14 sièges (sur les 31 qu’a remportés l’opposition) contre six au premier tour de 2013. Pour les régionales, l’UPR a gagné dès le premier tour quatre des treize régions en jeu. Tawassoul récolte les fruits de son organisation, de son implantation dans toute la Mauritanie et de son refus de boycotter les élections à la différence des autres partis d’opposition, aujourd’hui distancés par la formation islamiste. Pour la région de Nouakchott et de sa communauté urbaine ainsi que dans beaucoup d’autres circonscriptions régionales ou municipales, l’UPR va devoir batailler pour s’imposer, car le mot d’ordre de l’opposition radicale (Tawassoul, FNDU, RFD, IRA-Sawab) est désormais de « voter pour n’importe quel parti engagé dans un deuxième tour contre l’UPR ». Ce « tout sauf l’UPR » ne devrait pas empêcher le parti présidentiel d’obtenir la majorité absolue à l’Assemblée, mais risque de le priver de la majorité des deux-tiers qui lui aurait permis de n’en faire qu’à sa guise notamment au plan constitutionnel. Il lui faudra trouver des alliés parmi ceux que l’on classe dans l’opposition « modérée ». · Recomposition de la scène politique L’Assemblée nationale redeviendra un lieu de débat, l’élection de fortes personnalités de l’opposition tels Mohamed Ould Maouloud (UFP), Biram Ould Abeid (IRA-Sawab), Messaoud Ould Boulkheir (APP) ou Yacoub Ould Moine (AND) garantissant la fin d’un Parlement inaudible. Un sérieux coup de balais devrait faire disparaître la majorité des 70 partis qui ont obtenu moins de 1 % des voix, souvent dépourvus de programme et dédiés à la promotion d’un seul homme. « Le Parlement voit arriver des gens de qualité, analyse Mohamed Ould Oumère, journaliste à La Tribune. Les nouveaux députés seront plus jeunes et, si les députés compteront dans leurs rangs moins de femmes, ce seront des militantes aguerries ». La vie politique mauritanienne s’en trouvera enrichie et modernisée.
jeuneafrique
|