Financement libyen : les angles morts de la dĂ©fense de Nicolas Sarkozy   
24/03/2018

Mis en examen, l’ancien président a développé sa défense dans un texte publié par « Le Figaro » : un argumentaire parfois spécieux, des impasses sur de nombreux éléments matériels.



Mis en examen à l’issue de sa garde à vue par les juges qui enquêtent sur le possible financement libyen de sa campagne présidentielle, en 2007, Nicolas Sarkozy a communiqué au Figaro les principaux éléments de sa défense. Dans ce verbatim, publié le jeudi 22 mars, l’ancien président développe un argumentaire parfois spécieux pour discréditer Ziad Takieddine, l’un des principaux témoins à charge de ce dossier.
Mais il passe surtout à côté des nombreux éléments matériels rassemblés par les enquêteurs depuis 2013. Nous reproduisons ce texte contextualisé et annoté pour faciliter la compréhension.

Lire aussi :   Comprendre l’affaire de Sarkozy et la Libye en 2007

«Dans l’énoncé des faits que vous envisagez de retenir à mon endroit, vous avez indiqué que j’avais travaillé en vue de favoriser les intérêts de l’Etat libyen.

Comment peut-on dire que j’ai favorisé les intérêts de l’Etat libyen ?

C’est moi qui ai obtenu le mandat de l’ONU pour frapper l’Etat libyen de Kadhafi. Sans mon engagement politique, ce régime serait sans doute encore en place.

DĂ©cryptage

Nicolas Sarkozy était effectivement en première ligne dans l’intervention militaire qui a abouti à la chute de Mouammar Kadhafi, en octobre 2011. Mais l’ex-président oublie un peu vite la lune de miel qu’il a vécue au début de son quinquennat avec le Guide libyen.

M. Sarkozy a contribué à faire revenir Mouammar Kadhafi sur la scène internationale en le recevant avec faste à l’Elysée, en décembre 2007, pour l’anniversaire de l’adoption par les Nations unies de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

L’ex-président est-il allé plus loin pour favoriser la Libye de Kadhafi ? C’est ce qu’affirme aujourd’hui Baghdadi Ali Al-Mahmoudi, qui était à l’époque le premier ministre libyen : « Sarkozy a remercié maintes fois les autorités libyennes, les officiels bien sûr, Kadhafi et son entourage proche » pour ce financement, a expliqué son avocat à France 3 le 20 mars 2018.

Le Colonel Kadhafi lui-même ne s’y est pas trompé, puisque je vous rappelle qu’entre 2007 et le 10 mars 2011, il n’y a aucune espèce d’allusion au prétendu financement de la campagne.

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C’est assez logique, puisque la relation des deux chefs d’Etat fonctionnait alors en bonne entente. Mouammar Kadhafi n’aurait eu, à cette période, aucun intérêt à embarrasser Nicolas Sarkozy avec des révélations sur le financement de sa campagne.

Les déclarations de M. Kadhafi, de sa famille et de sa bande n’ont commencé que le 11 mars 2011, c’est-à-dire le lendemain de la réception à l’Elysée du CNT [le Conseil national de transition], c’est-à-dire les opposants à Kadhafi. C’est à ce moment-là et jamais avant que la campagne de calomnies a commencé.

Je suis accusé sans aucune preuve matérielle par les déclarations de M. Kadhafi, de son fils, de son neveu, de son cousin, de son porte-parole, de son ancien premier ministre et par les déclarations de M. Takieddine dont il est avéré à de multiples reprises qu’il a touché de l’argent de l’Etat libyen. Je dirais qu’il a pillé l’Etat libyen. à propos de M. Takieddine, je voudrais vous rappeler qu’il ne justifie durant cette période 2005-2011 d’aucun rendez-vous avec moi.

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Nicolas Sarkozy remet en cause la valeur des déclarations de Ziad Takieddine. Ce marchand d’armes franco-libanais a en effet une réputation sulfureuse. Intermédiaire pour différents contrats d’armement, il est soupçonné d’avoir joué un rôle dans l’affaire de Karachi, concernant le financement de la campagne électorale d’Edouard Balladur par des rétrocommissions en 1995. Il s’est ensuite rapproché de l’entourage de M. Sarkozy (Claude Guéant, Brice Hortefeux…), a contribué à renouer des relations avec la Libye dès 2005 et a joué ensuite les intermédiaires dans plusieurs dossiers, notamment la libération des infirmières bulgares détenues en Libye.

Mais en 2011, l’homme d’affaires, qui a été arrêté à son retour de Libye en possession de 1,5 million d’euros en liquide, estime avoir été lâché par Claude Guéant et Nicolas Sarkozy, qui lui préfèrent un autre intermédiaire, Alexandre Djouhri. M. Takieddine change alors d’attitude en livrant des informations à la justice sur l’affaire de Karachi, puis en évoquant dès 2012 le financement libyen de la campagne de 2007.

Mieux, dans une autre procédure où vous avez eu accès à l’intégralité de mon agenda 2007 – L’Express l’a publié – jamais personne n’a fait état d’un quelconque rendez-vous avec M. Takieddine. Et pour cause, il n’a jamais existé durant toutes ces années de 2004 à aujourd’hui.

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Le fait qu’aucun rendez-vous avec M. Takieddine ne figure dans l’agenda de Nicolas Sarkozy ne signifie pas qu’il n’a pas eu lieu. L’agenda en question a été transmis par M. Sarkozy de sa propre initiative au juge d’instruction chargé de l’affaire Bettencourt, en juin 2012. On peut gager qu’il n’aurait eu guère intérêt à consigner dans cet agenda une rencontre avec l’intermédiaire Ziad Takieddine, deux mois après les premières révélations de Mediapart sur l’hypothèse du financement libyen.

Le site d’information assure d’ailleurs qu’une rencontre a eu lieu en 2005 entre Nicolas Sarkozy et le chef des services intérieurs libyens Abdallah Senoussi, en présence de Ziad Takieddine.

Durant ma garde à vue, j’ai démontré un mensonge de M. Takieddine.

M. Takieddine aurait vu le fils Kadhafi le 4 mars 2011.

Il ne peut pas y avoir d’erreur sur cette date puisque c’est le lendemain que M. Takieddine a été arrêté au Bourget avec une importante somme en liquide.

Or en relatant cet entretien, M. Takieddine dit: «J’ai demandé au fils de Kadhafi si ce qu’il avait dit à Euronews concernant le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy était vrai».

Or ce fait est matériellement impossible puisque l’interview à Euronews de Saîf Al Islam n’a eu lieu que 12 jours plus tard, soit le 16 mars.

Comment peut-on interroger quelqu’un sur une émission qui n’a pas eu lieu et sur des propos qui n’avaient donc pas encore été tenus ?

C’est un mensonge !

DĂ©cryptage

Il y a effectivement une incohérence dans le récit de Ziad Takieddine. Interrogé le 9 mai 2012 par le juge Renaud Van Ruymbeke, il déclare : « Saïf Al-Islam, que j’ai rencontré lors de ma dernière visite en Libye le 4 mars 2011, m’a répondu "oui" à ma question : "Ce que vous avez déclaré à la télévision au sujet du financement de la campagne de M. Sarkozy en 2007, est-ce vrai ?" ».

Or, l’interview en question du fils Kadhafi n’a été diffusée que douze jours plus tard, le 16 mars 2011 par Euronews, qui précise qu’elle a été réalisée la veille. M. Takieddine ne s’est pas expliqué sur cette incohérence.

M. Takieddine ment lorsqu’il affirme sans aucune preuve qu’il pouvait pénétrer place Beauvau sans justifier du moindre rendez-vous, simplement en déposant son nom. On ne rentre pas place Beauvau sans indiquer avec qui on a rendez-vous!

C’est un mensonge !

Troisième mensonge: il se trompe sur la prétendue description des lieux du ministère de l’Intérieur quand il indique que le bureau de Claude Guéant était au premier étage à côté de l’appartement du ministre de l’Intérieur. C’est faux! Le bureau du directeur de cabinet, Claude Guéant ou un autre, a toujours été au rez-de-chaussée, et au premier étage il n’y a aucun autre bureau que celui du ministre. C’est très facilement vérifiable.

Enfin, il indique être passé au ministère de l’Intérieur aux alentours du 27 janvier 2007 précisant qu’il n’avait pas rendez-vous avec Claude Guéant. Mais il n’avait pas non plus rendez-vous avec moi: mon agenda en portera témoignage.

Fort heureusement alors qu’il était porteur d’une mallette, dit-il, contenant 1,5 million d’euros, il dit m’avoir croisé par hasard. Qu’aurait-il fait de cette mallette s’il ne m’avait pas croisé?

Toutes les investigations montrent que je n’ai jamais été un proche de M. Takieddine. Lui-même a déclaré que je ne l’avais jamais reçu à l’élysée.

Compte tenu de leur absence de crédibilité, les propos de M. Takieddine ne peuvent en aucun cas constituer des indices graves et concordants quand on connaît son passé judiciaire et les multiples déclarations contradictoires qu’il a proférées.

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Dans ce texte, Nicolas Sarkozy sous-entend que l’essentiel des éléments qui lui sont reprochés proviennent du témoignage de Ziad Takieddine, dont il remet en cause la crédibilité. Il passe sur les nombreux autres éléments qui accréditent la thèse du financement libyen :

Plusieurs officiels du régime libyen ont affirmé que leur pays avait financé la campagne de Nicolas Sarkozy, parmi lesquels Abdallah Senoussi (ancien chef des services intérieurs), Baghdadi al-Mahmoudi (ancien premier ministre), Mohamed Ismail (ancien bras droit du fils de Kadhafi) et Moftah Missouri (ancien traducteur de Kadhafi).

Une note issue des archives des services secrets libyens, datée du 10 décembre 2006 et publiée par Mediapart en 2012, évoque un accord de financement de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy pour 50 millions d’euros. L’ancien président de la République française a toujours contesté la validité de ce document signé de l’ancien chef des services de renseignements extérieurs libyen Moussa Koussa, mais la justice l’a débouté en première instance et en appel.

Un carnet de l’ancien ministre du pétrole libyen Choukri Ghanem, datant de 2007 et publié en 2016 par Mediapart, mentionne des versements destinés à la campagne de Nicolas Sarkozy.

Les juges ont également rassemblé plusieurs éléments qui pourraient attester de l’utilisation des « millions de Kadhafi » par l’entourage de Nicolas Sarkozy : l’ouverture suspecte d’un coffre-fort par Claude Guéant, les nombreux paiements en espèces au sein de l’équipe de campagne et des virements d’argent libyen ayant profité à Claude Guéant et Ziad Takieddine.

La guerre menée par la coalition internationale en 2011 s’est étalée entre mars et octobre 2011 et elle a duré 7 mois. Durant ces 7 mois M. Kadhafi était en vie, rien ne l’empêchait de livrer les documents, photos, enregistrements, virements que lui-même et ses proches ont indiqués tout au long de ces sept dernières années posséder sans qu’à aucun moment, d’aucune façon, on en voie le début du commencement.

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L’existence de preuves a souvent été évoquée, sans qu’elles ne soient jamais présentées. Récemment, Saïf Al-Islam, qui a été libéré en juin 2017 par la milice qui le détenait depuis six ans, s’est exprimé : suite à la garde à vue de Nicolas Sarkozy, le 20 mars, il a estimé que si la justice avait relancé « l’affaire contre l’ancien président, c’est parce qu’elle a reçu des preuves », a ainsi rapporté une journaliste tunisienne d’Africanews.

Celui qui a annoncé vouloir se présenter à la présidence libyenne de 2018 aurait aussi précisé avoir en sa possession d’autres preuves solides, dont un enregistrement entre le défunt président libyen et M. Sarkozy.

Enfin il me faut terminer par le document Mediapart, comble de la manipulation.

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Ce « document Mediapart » est une note datée du 10 décembre 2006, à en-tête officiel, dans lequel le chef des services de renseignements extérieurs libyen, Moussa Koussa affirme que « le régime va appuyer la campagne électorale de Nicolas Sarkozy pour un montant de 50 millions d’euros » et que cette décision a été prise après une réunion avec Brice Hortefeux et Ziad Takieddine le 6 octobre 2006. Mediapart affirme avoir reçu ce document via « d’anciens hauts responsables du pays » et le publie lors de l’entre-deux-tours de la présidentielle de 2012.

Durant ma garde à vue, j’ai versé au dossier le rapport des enquêteurs sur ce document dans le cadre de l’instruction de M. Cros.

Je cite les trois dernières phrases: « La réunion évoquée par cet écrit n’a pas pu se tenir à la date indiquée, ce qui semble confirmer que le contenu pourrait être mensonger. Il existe donc une forte probabilité pour que le document produit par Mediapart soit un faux. ».

Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les enquêteurs dans le cadre d’une procédure parallèle à la vôtre sur une plainte que j’avais moi-même déposée.

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Nicolas Sarkozy n’a cessé de contester la validité de la note libyenne. Il a même assigné en justice Mediapart pour faux et publication de fausse nouvelle (ce qu’il appelle la « procédure parallèle »). Mais l’enquête s’est terminée par un non-lieu, d’abord en première instance puis en appel fin 2017. L’ancien président s’est pourvu en Cassation.

L’instruction n’a pour l’instant pas permis d’établir que la note était un « faux matériel » et les experts n’ont pas vu d’altération ou de falsification. Quant à savoir si la réunion évoquée s’est réellement tenue ou non, la justice n’est pas non plus parvenue une conclusion formelle.

Pendant les 24 heures de ma garde à vue, j’ai essayé avec toute la force de conviction qui est la mienne de montrer que les indices graves et concordants qui sont la condition de la mise en examen n’existaient pas compte tenu de la fragilité du document ayant fait l’objet d’une enquête judiciaire et compte tenu des caractéristiques hautement suspectes et du passé lourdement chargé de M. Takieddine.

S’agissant du financement illégal de la campagne 2007, j’ignorais qu’il existât un réquisitoire supplétif du chef de ce délit, y compris au début de ma garde à vue, puisque quand les enquêteurs m’ont présenté les motifs de la garde à vue, ce délit n’y figurait pas.

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L’enquête judiciaire visait initialement les délits de corruption, trafic d’influence, détournement de fonds publics, faux et usage de faux, abus de biens sociaux, recel et blanchiment de fraude fiscale. Les juges ne pouvaient donc mettre Nicolas Sarkozy en examen que pour ces chefs d’accusation. Mais ils ont finalement ajouté au dernier moment le chef de « financement illicite de campagne électorale », par le biais d’un acte juridique qu’on appelle un « réquisitoire supplétif ».

J’ai fourni aux policiers qui m’ont interrogé une décision de non-lieu définitive sur le chef du délit de financement illégal de parti politique comme de financement illégal de campagne électorale puisque votre collègue M. Gentil avait longuement enquêté sur la campagne 2007, non pas pour savoir si elle avait été financée par les Libyens, mais par Mme Bettencourt.

Je précise que ce n’est pas moi qui ai bénéficié d’un non-lieu pour ce délit puisque je n’avais pas été mis en examen pour cela. Mais ce délit a été écarté par le juge Gentil pour la campagne 2007.

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L’affaire Bettencourt, dans laquelle le financement illégal de la même campagne de 2007 n’a pu être prouvé, est un dossier distinct de l’instruction menée pendant cinq ans par les juges dans l’affaire Kadhafi. Un financement illégal n’exclut pas l’autre.

J’ai également communiqué un article commentant ce non-lieu et indiquant qu’en tout état de cause, pour le parquet de Bordeaux, les faits étaient prescrits et ce dès 2013. S’ils étaient prescrits en 2013, que doit-on dire pour 2018 ?

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C’est vrai, le financement illégal de campagne électorale est théoriquement prescrit, puisque la prescription d’un délit est aujourd’hui de six ans, et que les faits remontent maintenant à 11 ans.

Dans l’affaire Bettencourt, les juges avaient dû renoncer à retenir ce chef d’accusation en 2013, car le délai de prescription était à l’époque de trois ans, et donc déjà épuisé.

On ignore pourquoi les juges ont décidé de retenir ce chef d’accusation. Il est possible qu’ils fassent valoir que le financement libyen fait partie des « infractions occultes et dissimulées », pour lesquelles le déclenchement du délai de prescription est repoussé jusqu’à la découverte de l’infraction (c’est-à-dire en mars 2011, avec les premières allégations de Saïf al-Islam).

Les faits dont on me suspecte sont graves, j’en ai conscience. Mais si comme je ne cesse de le proclamer avec la plus totale constance et la plus grande énergie, si c’est une manipulation du dictateur Kadhafi ou de sa bande, ou de ses affidés, dont Takieddine fait à l’évidence partie, alors je demande aux magistrats que vous êtes de mesurer la profondeur, la gravité, la violence de l’injustice qui me serait faite.

J’ai déjà beaucoup payé pour cette affaire. Je m’en explique : j’ai perdu l’élection présidentielle de 2012 à 1,5 %. La polémique lancée par Kadhafi et ses sbires m’a coûté ce point et demi. Le document Mediapart ayant été publié entre les deux tours le 28 avril 2012 alors que je me trouvais à Clermont-Ferrand en présence de Brice Hortefeux.

M. Takieddine a toujours affirmé [jusqu’au mois de novembre 2016] ne m’avoir jamais remis de liquide. Très exactement trois jours avant le plus important débat qui opposait les candidats de la droite à la primaire.

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Ce témoignage a été recueilli une première fois le 18 octobre, détaille Mediapart, puis enregistré face caméra le 12 novembre, chez M. Takieddine à Paris et publié le 15, soit en effet deux jours avant le débat précédant le premier tour de la primaire. Mais l’intermédiaire avait déjà fait des déclarations à la presse et aux juges en 2012 et en 2013 sur la crédibilité d’un financement de la campagne de Nicolas Sarkozy.

J’ai perdu la primaire et les déclarations de M. Takieddine n’y sont pas pour rien. Déclarations immédiatement postérieures à un article du Monde qui reprenait les déclarations de M. Senoussi devant la Cour pénale internationale, lequel M. Senoussi ne m’apparaît pas être un témoin de moralité s’agissant d’un homme qui a mis en œuvre l’attentat du DC10 d’UTA, qui a coûté la vie à des dizaines de nos compatriotes.

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M. Senoussi est loin d’être l’incarnation du témoin de moralité, mais Nicolas Sarkozy se montrait beaucoup plus amène à son égard avant que celui-ci ne se retourne contre lui.

Plusieurs éléments révélés par Mediapart laissent à penser que des proches de M. Sarkozy ont tenté d’intervenir en sa faveur en 2006-2007 pour annuler ou atténuer sa condamnation par contumace à une peine de perpétuité, en 1999, pour son rôle de cerveau dans l’attentat du DC10 d’UTA. Abdallah Senoussi a ainsi choisi en 2006 comme avocat le conseil personnel et ami de Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog (qui nie avoir effectué la moindre démarche ou même rencontré M. Senoussi). Une note confidentielle rédigée par Ziad Takieddine fait également état d’une réunion de 2009 à laquelle aurait participé Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, dans le but d’évoquer de possibles interventions judiciaires en faveur de M. Senoussi.

Depuis le 11 mars 2011, je vis l’enfer de cette calomnie.

à ma connaissance aucun élément tangible autre que les déclarations de la famille Kadhafi, du clan, des affidés n’est susceptible d’apporter le moindre crédit à leur propos.

Croyez-vous que si j’avais la moindre chose à me reprocher en la matière, j’aurais été assez bête, assez fou pour m’attaquer à celui qui m’aurait à ce point financé?

Pourquoi prendre ce risque ?

Je ne suis pas un intime de Takieddine. J’ai été le chef de la coalition qui a détruit le système Kadhafi et j’ai d’ores et déjà payé un lourd tribut à cette campagne rarement égalée de boue, de calomnies et d’insanités.

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C’est l’intellectuel médiatique Bernard Henri Lévy (membre du Conseil de surveillance du Monde) qui a aidé Nicolas Sarkozy à intervenir en Libye, alors que les printemps arabes et leurs représailles faisaient rage, en lui présentant les responsables du Conseil national de transition (CNT), l’organe politique de la rébellion qu’il a choisi de promouvoir, de Paris à Washington et Tel Aviv. Ces Libyens laîques et islamistes, dont certains sont d’anciens diplomates et haut-fonctionnaires, font bonne impression à Nicolas Sarkozy.

Je vous demande avec toute la force de mon indignation de retenir des indices et non pas des indices graves et concordants.

Si dans le cadre de vos investigations ultérieures des éléments dirimants apparaissaient tels qu’ils ne sont pas apparus durant les sept dernières années, vous auriez naturellement toute liberté de revoir votre position.

Dans l’affaire Bettencourt, j’avais d’abord été mis sous le statut de témoin assisté puis mis en examen puis finalement j’ai eu un non-lieu.

Je pense que présenter la demande comme je le fais est quelque chose d’honnête, me paraît conforme à l’attitude que j’ai toujours eue à l’endroit de l’institution judiciaire et de vous-même M. le Président.

Je n’ai jamais cherché à me soustraire à mes obligations dans mes rapports avec mes amis, mes collègues et toutes les personnes citées dans la procédure, vous avez pu voir que je n’ai jamais cherché à influer sur leurs déclarations ou leurs jugements, y compris s’agissant de personnes qui sont mes plus proches collaborateurs encore aujourd’hui.

DĂ©cryptage

Le 12 février 2014, alors que L’Express publie un nouvel épisode du dossier, l’ancien chef de l’Etat demande à son directeur de cabinet, l’ancien préfet de police Michel Gaudin, de « surveiller l’affaire de nos amis d’outre-Méditerranée ». L’intermédiaire Alexandre Djouhri s’active auprès de l’ancien chef du renseignement extérieur libyen, Bechir Saleh, afin qu’il signe un courrier pour dédouaner Nicolas Sarkozy, sur une idée de Michel Gaudin. « Selon le Président [...], le plus tôt serait le mieux », aurait dit M. Gaudin à M. Djouhri.

Et donc je vous demande de retenir, comme la loi vous en donne la possibilité, un autre statut que celui de mis en examen : celui de témoin assisté.

Je m’en remets à l’intime conviction qui est la vôtre sur la sincérité de mes propos et sur la force des arguments que j’ai essayé de présenter devant vous.»



Le Monde


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