Les nouveaux défis de l’Ouguiya :Par Mohamed Nacer Ould Moctar Nech - septembre 2002   
13/03/2006


Introduction
Dans la perspective des prochaines réunions avec les institutions de Bretton -Wood prévues entre le 13 et le 22 septembre prochain, et compte tenu de l’évolution actuelle des choses, eu égard à l’exigence pour les autorités en charge de tracer les contours d’une orientation efficace de la politique monétaire et ce, dans l’optique d’une gestion optimale des disponibilités et des potentialités nationales, il nous apparaît nécessaire, dès à présent, d’envisager sans tarder l’ensemble des mesures pratiques et adéquates de nature à :
- premièrement, marquer un véritable signe de rupture avec le statuquo-ante, dans la réalité une entente délictuelle entre certains acteurs et décideurs économiques bien spécifiés, entente dont les conséquences se sont, d’évidence, révélées désastreuses à maints égards par le passé, et dont le moindre effet est de tirer la monnaie nationale vers un gouffre sans fin.
Cependant, si les objectifs immédiats des autorités publiques, à savoir la restauration de la confiance, la réduction substantielle de la pente de glissement de l’Ouguiya, la reprise en main du marché des changes, le rééquilibrage des outils et des modalités d’intervention sur la scène économique, notamment, paraissent être assez bien définis, il s’avère, si l’on en juge les faits quotidiens, que l’on risque de s’acheminer vers une approche construite sur les erreurs du passé et qui , de ce fait, nous ramènera fatalement à la case départ.
- deuxièmement, élaborer un plan d’action à large spectre, plan qui devra découler d’une volonté puissante de la part du Gouvernement afin d’unifier les instruments de la politique économique, et ce, dans l’objectif essentiel de maximiser les effets positifs de cette politique, telle qu’initiée par les pouvoirs publics, en particulier, sur la vie du citoyen de tous les jours.
Comme on pourra le constater dans les développements ci-après, il s’agira, avant tout, de redéfinir les concepts et les approches économiques appropriés quant aux objectifs à atteindre et aux instruments susceptibles de contribuer à atteindre efficacement ces objectifs.
- troisièmement, définir une stratégie à moyen et long terme de nature à asseoir un socle solide pour l’Ouguiya.
A ce niveau, il sera, sans nul doute, nécessaire pour la Mauritanie, d’entamer, aussitôt que possible, les approches politiques construites dans le but de nouer les accords bilatéraux ( ou multilatéraux) propres à consolider la position de l’Ouguiya face aux effets fluctuants des comparaisons internationales dans le futur.
Ainsi, la présente note s’efforcera d’aborder tour à tour - bien que de manière inégale- l’ensemble des aspects liés à cette problématique, le fil de la réflexion devant être guidé par le souci de tenir compte à la fois de l’option libérale de la politique économique et de l’obligation pour la Mauritanie de garder, en permanence, comme objectif stratégique la nécessité de préserver ses intérêts vitaux dans le strict respect des accords internationaux.
Faudrait -il le rappeler, la stratégie guidant la mise en œuvre des politiques de développement du Pays a été, ces dernières années, essentiellement centrée sur la libéralisation de la vie économique, en particulier les professions commerciales, financières et bancaires, cela, dans la cadre d’une déréglementation généralisée de l’ensemble des activités marchandes , de l’instauration du principe du libre arbitre prévalant, s’agissant, notamment, de la régulation des prix et de manière générale, du concept de libre concurrence.
D’emblée, il est possible, aujourd’hui, d’affirmer que cet objectif a été très largement atteint par le Gouvernement, en raison, à la fois d’une ferme volonté de la part des autorités publiques, volonté qui s’est conjuguée au souhait des partenaires institutionnels - le FMI, notamment du fait qu’il est principalement concerné par les aspects finances publiques et économie de libre marché- de voir la Mauritanie rejoindre graduellement, mais sûrement, les concepts libéraux du développement.
S’agissant du thème qui nous préoccupe, cinq objectifs sont visés :
1- la privatisation des banques commerciales et, généralement, de toutes les activités d’intermédiation financière
Il s’agissait, à ce niveau, de délester le Trésor public du poids gestionnel des financements bancaires en faveur de l’économie, l’Etat n’ayant pas intérêt - tout du moins d’un point de vue libéral - à tenir tous les leviers de la scène économique.
L’Etat devra, surtout, se limiter à réguler l’activité générale au travers des instruments classiques dévolus à la puissance publique, à savoir la politique budgétaire et la politique monétaire.
Dans le principe, cette mission universelle de l’Etat serait d’autant facilitée que, ce faisant, les autorités publiques ne seraient plus à la fois juge et partie prenante de la vie économique.
2- la suppression des refinancements de la Banque Centrale au profit de l’économie et l’instauration d’un marché de capitaux
Une telle approche découle de la précédente, dans la mesure où il s’agissait pour les autorités monétaires de ne plus avoir à soutenir l’activité économique au moyen de ressources publiques. Ce qui reviendrait, en somme, à la situation antérieure où le Trésor public était à la fois détenteur de portefeuille et régulateur de la liquidité bancaire.
3-la limitation des effets dits de " concentration de groupe " au sein des structures bancaires par l’introduction de garde-fou réglementaires
L’objectif initial qui consistait à atomiser la structure capitalistique des institutions financières " n’ayant pas porté fruits ", la loi bancaire (loi 95011) a été aménagée, de ce fait, dans un " souci d’équilibre fondamental " face, en particulier, à l’hégémonies des entreprises ou entités économiques puissantes.
Le danger était de voir la constitution spontanée de pôles financiers difficilement contrôlables par les autorités en charge et qui pourraient, d’une manière ou d’une autre parasiter l’efficacité de la politique économique initiée par les pouvoirs publics, notamment la politique monétaire.
4-la libéralisation des changes et la mise en place d’un marché des changes élargi (MCE)
Afin de " faire revenir tout le monde à la scène économique légale ", la nouvelle politique des changes mit fin au contrôle des changes, reconnut l ‘existence d’un " marché libre " des devises et institua le taux paritaire de l’Ouguiya, à la fois par référence à la monnaie panier, le dollar, et par référence au taux pratiqué l’avant veille sur le " marché libre ".
Bien entendu, les exportateurs pouvaient ainsi librement disposer de leurs disponibilités internationales, notamment, tandis que les intermédiaires financiers locaux n’avaient plus qu’une obligation d’information ex post de la Banque Centrale, pour ce qui est de leurs activités liées au change.
5-la libre convertibilité à terme de l’Ouguiya, dont le principe du flottement était retenu comme fondement à la côte journalière sur le marché des devises
Une fois l’expérience devenue concluante, plus rien n’empêcherait, alors, que l’ouguiya puisse naviguer toute seule, selon les paramètres convenus entre la Mauritanie et le FMI, à savoir une côte fixée au ratio du dollar au jour le jour, le taux en cause étant corrigé par le ratio quotidien dicté par la loi de l’offre et de la demande au niveau de l’ensemble des opérateurs sur le marché des changes.
En somme, cette approche se fondait principalement sur l’hypothèse idéale établissant le principe que tout le monde - entendons tous les acteurs sur la scène -se comporterait en " bon père de famille " en tant que partie prenante de la vie économique nationale.
Il est évident que par rapport à l’ensemble des objectifs stratégiques, le Gouvernement avait une réelle conscience des difficultés à traverser.
Du fait des contraintes internes et externes de toutes sortes ( objectifs macro-économiques, conditionnalités financières, règles et usances uniformes internationales), le credo était, dans l’absolu, de " laisser faire le FMI ", et ce, dans l’attente d’alternatives politiques et économiques plus favorables pour la Mauritanie.
L’objectif de la présente n’est pas de revenir, en détail, sur ces différents objectifs ; néanmoins, certains aspects liés à la politique monétaire méritent d’être analysés.
1-s’agissant de la politique de privatisation, de capitaux et de la réglementation bancaire, il convient surtout de retenir qu’il est à craindre la survivance encore pernicieuse d’un réel mélange des genres entretenu par les milieux d’affaires les plus dominants opérant au sein du dispositif économique du Pays.
Le fait de réglementer ne suffisant pas d’évidence, faudrait -il que l’opérateur récalcitrant subisse à ses dépens les conséquences de ses actes délictueux, avant de se rendre compte de leur irrationalité.
Une étude globale sur financement IDA, à l’instigation du FMI est d’ailleurs prévue pour octobre 2003, cette étude ayant pour objet de procéder à une évaluation de la situation du système - y compris la Banque Centrale- et de proposer les mutations propres à renforcer la sécurité et la transparence sur le marché de capitaux.
Au demeurant, et en attendant qu’il soit statué, en particulier sur la problématique de séparation de pouvoirs au sein des banques - souvent dirigées de manière patrimoniale , la BCM est en mesure, au vu de loi 95011, d’instituer l’application anticipée de la réglementation internationale dans ce domaine, en invitant aussitôt les banques à différencier l’exécutif du consultatif en leur sein , dès janvier 2003.
L’objectif, à ce niveau, est de rendre plus crédible le principe dissuasif de la responsabilité civile et pénale des dirigeants bancaires dans l’exercice de leur fonction.
Un tel signal sera ressenti comme une volonté chez lez autorités publiques de séparer le grain de l’ivraie et de s’acheminer résolument vers l’application de la loi s’agissant des volets sanctionnels liés à l’exercice du métier de banquier.
2- pour ce qui est de la politique des changes, il nous semble que des précisions sont nécessaires pour corriger les effets de réfraction liés à la définition non appropriée des concepts, entraînant en l’occurrence des aberrations dans la conduite de la politique monétaire en général et des changes en particulier.
Primo, le terme marché des changes a été mal défini par l’ensemble des parties prenantes.
Il semble que l’idée de marché où s’achètent et se vendent librement les devises a prévalu sur l’idée maîtresse qui est, en réalité : lieux publics où l’acquisition libre des devises en assure la meilleure utilisation au bénéfice des agents économiques dans le maintien d’un rapport qualité prix acceptable des biens et services fournis sur le marché.
Aussi, l’accord signé dans ce cadre par la Mauritanie avec le FMI comporte-il la définition aberrante du concept de marché des changes, la lettre d’intention de la Mauritanie - qui est le document de référence - stipulant, ainsi, que le taux paritaire de l’Ouguiya " serait aligné sur l’évolution des prix de devises sur le marché dit libre , c’est à dire le marché " où s’échangent librement les devises ".
La lettre d’intention a perdu de vue que l’élément clé des transactions sur le marché est en réalité une monnaie nationale non convertible, à savoir l’Ouguiya et que, de ce fait, le risque d’en faire le maillon faible de la chaîne transactionnelle était le plus à courir.
Par ailleurs, deux autres paradoxes majeurs entachent l’option de cotation fondamentale des devises par rapport à l’Ouguiya retenue par les parties prenantes dans le cadre de l’accord.
-par marché libre, selon la définition incriminée, force est de constater qu’il n’existe pas de marché libre autre que la marché parallèle, c’est à dire le marché noir !
En d’autres termes, la cotation de l’Ouguiya est dictée tous les jours par les spéculateurs sur le marché parallèle des devises et, cela, de la manière la plus légale !
Cette situation inacceptable ne peut durer , et il va falloir, dès à présent, jeter les bases d’une renégociation de cette entente irrationnelle avec le FMI, en montrant de façon claire aux partenaires qu’elle résultait d’une vision erronée du contexte, des moyens mis en oeuvre et des objectifs économiques à atteindre.
-par marché des changes élargi dit MCE, il ne s’agit, en réalité d’autre chose que d’une autre définition aussi aberrante du même marché parallèle, car jamais, par exemple, les exportateurs de produits halieutiques n’ont cédé des devises sur ce marché, pas plus que les banques primaires ou les bureaux de change et, à fortiori les intervenants non institutionnels.
Paradoxalement, le marché des changes dit marché des changes élargi, ne dispose que d’un offreur sur le marché, la BCM. Tous les autres acteurs en présence étant demandeurs nets de devises !
Cette situation, faut -il le préciser, perdure depuis 1995. De ce fait, la monnaie nationale, l’Ouguiya pâtit de cette situation depuis l’avènement de la nouvelle politique des changes initiée de concert avec les partenaires au développement.
Naturellement, ce contexte anachronique provoque la dépréciation de notre monnaie. Le plus révoltant est que cette chute libre n’est pas due à l’évolution défavorable du dollar , ni au contexte économique mauritanien, plutôt porteur quant à la consolidation du coût de la monnaie
Ainsi, s’est-on retrouvé dans un contexte de politique monétaire fondé sur le commerce, notamment, spéculatif des devises, au risque de compromettre tous les efforts de développement initiés par les pouvoirs publics, et cela d’autant :
1-que les " interventions " de la BCM sur le marché des changes, officiellement destinées à baisser le prix des devises - entendons principalement le dollar US et l’euro -sur le marché libre se concluaient par un résultat paradoxal :
-fondamentalement, ces interventions ont pour objet d’éponger les excédents de liquidité en monnaie nationale circulant dans les rouages économiques, afin de comprimer la demande de devises. Ce faisant, du fait que le prix de l’argent au jour le jour en devient, ainsi, un élément constitutif essentiel du prix de revient, elles contribuent essentiellement au renchérissement du taux de l’argent sur le marché de capitaux .
-Accessoirement, les mêmes interventions ont pour but de soutenir l’offre de devises, notamment, au profit des intermédiaires (banques, bureaux de change), qui ont la charge d’assurer les prestations directes en faveur des importateurs et opérateurs économiques. Or les bénéficiaires de ces devises prennent pour référence le marché parallèle - n’est il pas reconnu officiellement ?- et cèdent les devises obtenues auprès de la Banque Centrale à un taux proche ou égal au taux usuel pratiqué sur ce marché .
2- que le principe de libéralisme économique a été dévoyé de son sens originel, confondu, ainsi, avec le principe du laisser faire, par les autorités monétaires, qui occulte l’objectif essentiel du libéralisme économique, qui, en réalité, n’a de résultats tangibles que dans un contexte où les règles du jeu sont respectées par toutes les parties prenantes, au mieux des intérêts de toute la communauté.
Aussi les autorités monétaires devraient -elles prendre davantage conscience de leur mission au sein du dispositif économique global , en occupant la position d’arbitre neutre et vigilant qui leur est dévolue par l’Etat et reconnue par tous les acteurs en présence sur la scène économique.
Cependant, si l’analyse des données factuelles permet de ressortir nombres de défaillances, en grande partie responsables de la situation de crispation actuelle du marché de capitaux et des biens de consommation, il reste que les mesures à prendre dans l’optique de contenir l’évolution des choses se doivent d’être avant tout d’un ressort pratique.
Les actions qui mériteraient d’être inscrites dans le cadre d’un plan d’action global pourraient se structurer comme suit:
1- premièrement , il convient de replacer les bonnes définitions dans leur véritable contexte : ainsi, plutôt que de parler de marché des devises ( définition que bon nombre d’opérateurs économiques ont opportunément confondu avec le marché de négoce de devises, comme activité principale au jour le jour), il importe, désormais, de retenir une nouvelle approche du marché où l’on se préoccuperait, désormais, de la meilleure utilisation que l’on pourrait faire des disponibilités du pays en terme de devises.
Il s’agit, ici, de recréer le lien naturel devant être établi, à chaque moment, entre le coût des devises et le prix des biens et services sur le Territoire. Actuellement ce prix est défini par rapport au coût de la devise sur le marché parallèle, il convient de revenir au coût réel, en isolant du marché parallèle l’essentiel des produits stratégiques destinés au consommateur.
Une telle approche a un objectif double :
a-isoler progressivement le marché parallèle -mise en quarantaine- en le privant de son gagne-pain fondamental, à savoir le négoce de l’import.
Cet objectif ne sera pas atteint, cependant, si l’usage fait des devises n’est pas spécifiquement différencié et précisé.
b-maximaliser la transparence des transactions en devises, puisque dans l’hypothèse retenue, les règlements internationaux seront effectués par la Banque Centrale et non par les intermédiaires, tout du moins pour les produits retenus dans la liste des biens et services soumis à la quarantaine.
Afin d’en assurer la transparence, on pourra instaurer un système de salle de marché ainsi structuré :
- le lieu des échanges : la salle de réunion de la Chambre de Commerce, lieu propice et commun à tous les, intervenants
- les intervenants : les banques, la banque centrale, les bureaux de change (opérations spécifiées), la CGEM
- fréquence de fonctionnement du marché : tous les jours, du lundi au jeudi, de 9 heures à 13 heures ; chaque produit ou groupe de produits est adjugé durant 30 minutes
- arbitrage : par huissiers désignés pour leur probité et leur compétence dans le corps des magistrats ou désignés ad hoc pour présider les séances. Les résultats des adjudications sont publiés dans le journal Horizon.
- le principe de participation : les banques ou bureaux présentent des soumission d’importation de produits au nom de leurs clients selon les critères définis par le Ministère du Commerce ( prix, qualité, origine, délais de livraison) et la BCM (délai de réalisation, conditions d’importation)
- limite des soumissions par produit : à déterminer par la BCM, de concert avec le Ministère du commerce, sur avis technique des fédérations patronales concernées
- exécution des adjudications : la Banque centrale prend en charge les adjudications, les banques initient les opérations uniquement par voie de crédit documentaire, les règlements sont effectués par la BCM après prélèvement par l’intermédiaire financier directement au fournisseur étranger
- contrôle des expéditions et prise en charge : SGS ou bureau de contrôle équivalent (entrant dans le contrat cadre avec le Gouvernement).
- Observatoire des prix internationaux : structure de vérification au sein de la salle de marché, via Internet, des prix de marchandises en dollar US sur le marché international.
- Structure organisationnelle des pools d’importation: les importateurs s’organiseraient en pools, d’où avantages comparatifs, facilité de contrôles fiscaux, douaniers …
En effet, ce qui explique, de manière non négligeable, les pressions sur les prix de devises, c’est que tout le monde va en ordre dispersé (des centaines d’importateurs dits occasionnels plus ou moins informels prennent l’avion avec leur pactole de devises) ; or plus les quantités d’achat de devises sont faibles, plus le prix est élevé.
En effet le principe fondamental du marché parallèle est qu’il partitione la demande pour contrôler l’offre de devises sur la marché.
La salle de marché sera régie par un texte (arrêté ou note de service) conjoint entre deux ou plusieurs ministères techniques.
Une telle approche a pour but, non seulement, d’éliminer une partie du circuit spéculatif (les capitaux injectés ne passent plus par le marché parallèle), mais elle a, en outre, l’avantage de contribuer à maximaliser l’efficacité des réserves de change du Pays, puisque le premier critère d’attribution des moyens de paiement est le coût de la marchandise à importer par référence aux pratiques internationales.
-deuxièmement , afin de réduire l’effet des rôles parasites dans ce domaine, les interventions de la Banque Centrale sur la marché des changes seront réduites à l’alimentation en billets de banques des bureaux de change agrées, afin de pourvoir les besoins des voyageurs en moyens de paiements internationaux.
En effet, il conviendrait pour l’Institut d’Emission :
1- d’arrêter les opérations non spécifiées ( ventes en blanc) sous forme de devises en faveur des banques, sauf pour les transactions faites dans le cadre de mesures transitoires destinées à apurer les soldes débiteurs des institutions financières auprès des correspondants étrangers à une date déterminée, préalablement, par la banque Centrale.
2- De ne plus initier des transferts directs (transactions dites "gestes") en devises au bénéfice d’entreprises, particuliers, importateurs, autres opérateurs, sous le prétexte de soutenir le cours et la disponibilité sur le marché des denrées de première nécessité ou le cours de l’Ouguiya sur le marché des changes.
3- Les bureaux de change agrées, justifiant d’une structure conforme (local, agents compétents, sécurité) bénéficieraient d’allocations en devises sous forme de dépôts, à concurrence des garanties déposées auprès de la Banque Centrale.
Jusque là, les bureaux de change " achetaient " les devises ; or dès lors qu’ils les achètent, les bureaux seraient en droit de vendre leurs disponibilités sur le marché au prix de référence. Dans la mesure où ils ne seraient plus que dépositaires, leurs coûts financiers seraient, de ce fait, considérablement réduits et se retrouveraient tout naturellement dans la position de commissionnaires.
-troisièmement, il semble désormais nécessaire d’unifier les instruments de la politique monétaire au travers de la prise en compte de l’ensemble des variables ayant pour effet de faire varier la balance des capitaux nationaux, notamment :
- les transferts issus de mouvements de capitaux entrants et sortants opérés par les bailleurs et partenaires et qui ne seraient pas budgétisés au niveau du Trésor.
- Les transferts en faveur du secteur financier coopératif (début de prise en compte au niveau des statistiques monétaires BCM)
- La redéfinition de l’approche d’intervention du Trésor public sur la marché de capitaux, sous forme d’adjudication de bons du Trésor -en moyenne près de 100 Milliards UM par an de mouvement.
Au delà de l’objectif initial qui est, à ce jour, de stabiliser le niveau de la liquidité sur le marché (lutte contre l’inflation), les effets pervers consistent, en revanche, à détourner les banques - principaux intervenants dans ce domaine- de l’économie réelle au bénéfice de l’économie non marchande (besoins de l’Etat).
Par rapport aux risques à prendre sur les entreprises souvent démunies en garanties hypothécaires, il s’agit là, en effet, de placements sûrs, puisque gérés par la Banque Centrale sous forme de titres négociables et endossables.
Compte tenu des besoins nouveaux de l’économie - il conviendrait de mener des études pour évaluer les nouveaux besoins en moyens de paiements, nés de l’entrée sur la scène active de l’économie nationale des province de l’intérieur, par la jeu du développement décentralisé et la disponibilisation des infrastructures de base - il est nécessaire d’élargir la latitude des concours en faveur des opportunités de développement liées à ces nouveaux marchés pour les banques et le secteur financier en général.
Cela entraînera, inévitablement, une expansion de la masse monétaire au bénéfice de l’économie réelle.
- l’adaptation de certaines dépenses de fonctionnement de l’appareil public aux pratiques et usances internationales.
Une première expérience consisterait à excentrer les dépenses de fonctionnement de l’administration publique et parapublique jusqu’ici réalisées en régie par l’Etat.
Cette approche ferait économiser des capitaux substantiels à l’économie publique au bénéfice des dépenses d’investissement, avec une moindre pression sur les besoins en devises (près de 12 milliards UM d’économie à faire semble-il.
- restaurer le principe du niveau du taux d’intérêt comme moyen d’action discrétionnaire des pouvoirs publics sur le marché de capitaux.
Présentement, il n’existe pas de taux d’usure formel au niveau de notre système bancaire (en France, il est actuellement de 14% ). La pratique de taux d’intérêts débiteurs élevés constitue un handicap certain pour le croissance économique du Pays et sape les efforts de la politique monétaire du fait du niveau des coûts de structure induits par les concours bancaires.
De plus, l’économie des ménages s’en trouve ruinée (crédits consentis à 25% de coût en moyenne, selon un sondage effectué entre le 15 et le 23 juillet de l’année en cours).
A noter que ces taux sont restés excessivement élevés en dépit de la baisse du taux de référence (taux directeur institué par la BCM) Banque centrale, actuellement chiffré à 11%, contre 23 % il y a deux ans.
C’est que du fait de l’absence de l’institut d’émission du marché de refinancement, son taux directeur est devenu neutre sur le marché de capitaux, ce qui est dommageable pour le bon fonctionnement de l’activité économique.
- limiter le niveau de transformation des capitaux par les agents économiques.
Depuis la fermeture de l’UBD , il n’existe plus d’alternatives formelles importantes pour le financement de l’investissement, des équipements et de l’Habitat. Les banques ne sont pas outillées pour ce faire (dépôts à vue et capitaux propres limités), tandis que les ressources de l’Etat ne peuvent être, dans le principe, mises à contribution pour les transactions privées.
Il appartient à ce niveau à la Banque Centrale, en tant que maître d’œuvre, de contribuer à recréer le cadre et les instruments de la scène économique susceptibles de mettre en ouvre une structure à gestion privée (interbancaire, par exemple) et à même d’assurer l’essentiel des financements nécessaires- dans les pays développés ces structures existent sous la houlette de l’Etat.
En l’absence de telles structures de financement, il est évident que la seule alternative pour l’ensemble des agents économiques consiste à utiliser des capitaux de courte durée pour des placements de longue durée ( c’est ce qu’on appelle la transformation de capitaux), ce qui contribue très largement à déséquilibrer le fonctionnement des rouages économiques par l’immobilisation des ressources disponibles pour la croissance du PIB, entraînant la rareté de capitaux et, donc, la hausse de taux d’intérêt sur le marché.
D’ailleurs, l’un des signes de rareté de capitaux sur le marché national est qu’actuellement les coût des capitaux long et des capitaux courts sont identiques car il n’ y a pas de séparation entre ces deux segments du milieu économique.
- enfin, adapter la Banque Centrale à son contexte et sa mission.

L’ensemble des textes régissant l’Institut d’Emission datent de 1973 ; Ainsi:
- le Gouverneur est le seul ordonnateur du budget
- le Gouverneur préside le Conseil et gère la Banque
- le gouverneur signe à lui seul toute dépense qu’elle qu’en soit le montant et en agrée l’opportunité ex ante
- la Banque Centrale n’est pas passible de la Cour des Comptes
Dans le contexte actuel, il serait hasardeux de penser à procéder à des mutations profondes, non pas qu’elles puissent faire courir un risque quelconque à la Banque Centrale ou à l’état, mais tout simplement du fait que :
- l’Institut d’Emission a, depuis longtemps, rompu avec une politique de recrutement et de formation efficaces, et ce en dépit d’un budget de formation élevé ( 30 Millions UM pour l’année 2002) .
Les stages à l’étranger, (Banques Centrales, Instituts centraux, Organisations financières…) sources d’acquisitions de méthode et de méthodologie ont été depuis longtemps bannis ; on se retrouve , de ce fait, avec un personnel de bon niveau, certes, à l’origine, mais très peu aguerri face aux mutations internationales et pour les besoins de la recherche économique et financière ( capacité de conception et d’exécution) .
A cet égard, on se retrouve actuellement dans les deux extrêmes dans le domaines des capacités disponibles au niveau de l’encadrement de la Banque : ou bien le personnel est diplômé, mais sans expérience notable (moyenne de 4,5 années) ; ou bien peu formé à l’origine, mais se prévalent d’une expérience de longue durée.
Dès lors, on comprend aisément les antagonismes pouvant naître de cette situation conflictuelle entre les cadres qui se considèrent autodidactes et les cadres qui se considèrent technocrates, lorsqu’il s’agit de solutionner les problèmes vitaux qui se posent avec acuité à l’Institution..
- La Banque Centrale s’est très peu souciée, ces dernières années, de se modeler au fur et à mesure des évolutions et des exigences modernes : elle ne dispose pas à ce jour d’un système d’information digne de ce nom.
Alors que la plupart des banques primaires se sont depuis longtemps équipées, la BCM utilise encore la comptabilité semi-manuelle à large échelle et les machines à écrire.
Il devient urgent de doter la BCM des instruments techniques et technologiques lui permettant d’assurer convenablement sa mission et d’être, ainsi, digne de confiance.
- La structure managériale de la BCM gagnerait à être renforcée par modulation du pôle managerial stratégique.
Dans l’étape actuelle, il semble utile de renforcer l’équipe au sommet, par exemple, par un deuxième ou un troisième vice - Gouverneur (l’un chargé des opérations financières et bancaires, l’autre de la gestion des services communs) Les mandats subsidiaires (présidence de Conseil, par exemple) pourraient être partagés ou tout simplement supprimés - ce qui serait encore mieux , compte tenu de l’obligation de neutralité et de réserve propre au métier de la Banque Centrale dans les rouages économiques.
Ainsi délesté du poids direct de certaines responsabilités (de routine , notamment), le Gouverneur s’occuperait davantage de stratégie et serait en mesure de réfléchir et de coordonner à plein temps avec les autres membres de l’équipe économique sur l’ensemble des actions relevant de son rayon d’action, en particulier la politique économique, monétaire, l’efficacité du dispositif d’intermédiation.
Au demeurant, si consolider les acquis nationaux dans les domaines économiques passe nécessairement par une prise en compte permanente des variables de nature à en influencer l’évolution et l’efficacité, il s’avère également qu’il devient indispensable de réfléchir aux perspectives diverses à moye et long terme qui s’offrent au pays dans ce domaine.
C’est que, conscients que l’option d’indépendance financière est un choix irréversible au plan national et que la Mauritanie serait considérablement diminuée dans l’hypothèse d’une remise en cause de cette indépendance, il revient aux pouvoirs publics de baliser les axes d’orientation, en particulier pour ce qui est des choix monétaires.
Ces choix fondamentaux devraient tenir compte de deux exigences majeures:
- premièrement, la flexibilité, puisque, en l’absence d’alternative pratique aux moments critiques, les coûts économiques et politiques pour les solutions de repli deviennent d’autant plus élevés.
Le FMI impose, alors, des conditions souvent drastiques, lorsqu’il d’agit pour lui d’agir dans un contexte de crise, entraînent avec lui, le plus souvent, les financiers et partenaires institutionnels.
- Deuxièmement, la pérennité, car si, dans l’absolu, la cotation de base de toute monnaie est adossée aux potentialités immédiatement réalisables en terme de moyens de paiements internationaux, y compris les tirages sur le FMI, il n’en demeure pas moins que la coopération bilatérale offre des possibilités d’accords capitalisables sur la base d’accords commerciaux stratégiques ( exemple, l’accord de pêche ou les accords pétroliers).
Ces accords consistent pour le pays ou groupe de pays tiers à disponibiliser assistance technique - c’est ce que se proposait l’unité chargée des aspects monétaires en 1998 au sein de l’Union européenne dans la perspective d’une mission d’évaluation -, capitaux frais en devises aux moments critiques, notamment lorsqu’il s’agit de soutenir le cours de la monnaie, soit sous forme d’appuis budgétaires - consolidation de la dette intérieure publique , par exemple- ou d’opérations directement libellées en devises, telles les apurements de dette auprès de banques et organismes financiers internationaux, non partie prenante des accords PPTE.
Une telle stratégie se fonderait essentiellement sur la programmation économique et financière comme moyen d’action.
Actuellement, si la Mauritanie a pu évaluer de manière cohérente toutes les composantes de sa dette structurelle, il reste que ce travail - immense et laborieux - pourrait être projeté sur l’avenir selon différents scénarios d’évolution, tenant compte des hypothèses les plus contraignantes pour la balance des paiements, et ce, afin de mesurer l’ensemble des variables de nature à toucher de manière substantielle à l’équilibre extérieur du pays, et, plus généralement, à la sensibilité du pays aux comparaisons internationales.
Il est évident, qu’à ce niveau, les aspects monétaires tiennent le noyau central de toute analyse critique dans la perspective d’asseoir l’intangibilité de l’indépendance économique et financière de la Mauritanie.

Conclusion
Après avoir opté pour une approche libérale quant aux échanges avec le reste du Monde comme fondement pour ses choix de développement nationaux, l’économie du pays traverse à présent l’une des crise naturelles de croissance du type que tout état souverain est en passe de connaître au fil de son existence.
Par bonheur, la secousse est survenue dans un contexte porteur : croissance positive, finances publiques solides, secteur privé en pleine mutation et redéfinition et, ce, dans un contexte riche en variables de développement.
Dépasser la crise, c’est d’abord en prendre conscience ; cela paraît être aujourd’hui acquis, au vu des mutations récentes au niveau des nominations à certains postes clefs
Les solutions seront opportunément volontaristes, pragmatiques et seront porteuses de signaux clairs pour l’ensemble des acteurs en présence sur la scène économique.
Les mesures, pour être crédibles, devraient être irréversibles mais ne dévieront pas des orientations fondamentales tirées de la doctrine libérale universelle.
De ce fait, nos accords internationaux ne sauraient être remis en cause dans la principe, mais devront être graduellement adaptés à notre contexte et notre spécificité.
Ainsi, il est urgent de mettre à contribution toutes les capacités et ressources de nature à relever les défis économiques, les quels constituent le vrai gage de développement et de pérennité d’un pays.
Jusque là, les pouvoirs publics ont déployé d’importants efforts pour adapter les rouages de production aux usages de notre environnement économique et social ; il importe à présent de faire en sorte que cet environnement s’adapte aux usages propres à l’économie libérale telle que pratiquée dans notre époque.
Le discours politique du Président de la république se résume, quant à ce thème précis de la vie nationale au travers d’un message de large portée que nous livrons en substance pour conclure cette réflexion à propos d’un thème aussi passionnant que vital :
" Pour tout pays fier de son indépendance et sa souveraineté, connaître le développement durable, passe nécessairement par l’acquisition des citoyens de ce pays des connaissances indispensables à la maîtrise de l’environnement économique et social, ainsi que par une prise de conscience spontanée des devoirs de citoyenneté.
" Il n’est nul état qui puisse se construire lorsque les parties prenantes en présence délaissent le milieu économique auquel elles appartiennent pour construire les économies des pays tiers .
" Il n’est guère de sens à l’action humaine lorsque celle- ci n’est pas constamment nourrie de l’espoir d’un lendemain meilleur".


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