Cheikh Saad Bouh Kamara, Ambassadeur de la Mauritanie au Sénégal : "Le Sénégal a une raffinerie, alors que nous sommes producteurs de brut. Voilà une piste qui mérite d’être explorée"   
06/03/2006


Excellence, le Sénégal s’apprête à accueillir, ce jour, le président de la République islamique de Mauritanie, Son excellence le Colonel Ely Ould Mohamed Vall. En tant qu’ambassadeur de ce pays au Sénégal, quel sens donnez-vous à cette première visite officielle ?
Son Excellence, le Colonel Ely Ould Mohamed Vall, président du Conseil d’Etat pour la justice et la démocratie effectue une visite d’amitié et de travail, le 6 mars à Dakar, sur invitation de son frère et ami, Son Excellence Me Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal. Si je dois donner un sens à cette visite, je vais dire que c’est le sens le plus haut et le plus significatif entre deux pays frères, deux pays voisins, deux pays qui entretiennent des relations séculaires, des relations très anciennes et dans tous les domaines. Il s’agit de relations dictées par l’appartenance à la même aire géographique, politique et économique. Ce sont des relations fortement soutenues par le désir et le souhait de deux pays frères qui entendent continuer leurs relations sans être gênés en quoi que ce soit.

Justement, dans ce cadre, pouvez-vous nous faire le point de la coopération entre les deux pays ?
La coopération entre la Mauritanie et le Sénégal est excellente et touche plusieurs domaines. Nous appartenons à différentes organisations internationales de coopération et de développement que sont le Comité Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse au Sahel (Cilss), l’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (Omvs), la commission sous-régionale des Pêches (Csrp), l’Organisation internationale de la Francophonie, etc. Nous entretenons également des relations bilatérales dans plusieurs domaines. Par exemple dans l’harmonisation des politiques agricoles, la lutte antiaviaire et anti- acridienne, dans le domaine de l’environnement avec le projet pour la conservation de la biodiversité et
des équilibres écologiques, dans le domaine de l’élevage où il y a un protocole d’accord réglementant la transhumance qui est en cours de finalisation entre les deux États, dans le domaine de la pêche où il y a une convention renouvelée chaque année permettant aux pêcheurs artisanaux de pêcher dans les zones maritimes de chacun des Etats, dans le domaine du transport. C’est peut-être le lieu de souligner le Pont de Rosso auquel tiennent les deux Etats et que nous attendons pour le bien être de nos populations et pour booster nos économies et les échanges commerciaux. La libre circulation des personnes et des biens, c’est par le biais du Pont de Rosso. Cet ouvrage constituera l’achèvement de ce grand projet de route Dakar-Nouakchott-Rabat. Cette route est déjà achevée entre Dakar et Rosso-Sénégal et entre Rosso-Mauritanie jusqu’à la frontière marocaine au nord. Ce qui reste dans ce grand projet de route, c’est le Pont de Rosso que nous attendons en 2008. Ce sont également des relations qui existent dans les domaines du tourisme, de l’éducation, de la santé, de la coopération décentralisée, du secteur privé où nous accueillons souvent des opérateurs économiques, des séminaires, des réunions, des échanges, etc. Les relations sont étroites entre les chambres consulaires de nos pays. Il y a aussi une bonne coopération dans le domaine de la sécurité, notamment par rapport à la criminalité transfrontalière et la sécurité des personnes et des biens.

Peut-on s’attendre à la redymanisation de la commission mixte Sénégal-Mauritanie?
C’est dommage que la grande commission mixte Sénégal-Mauritanie s’est réunie pour la dernière fois en 1999 et je vous annonce que les deux Etats ont décidé de convoquer la rencontre dans le premier trimestre 2006. Cette décision a été prise lors de la visite de Son Excellence Me Abdoulaye Wade à Nouakchott.

Quid des échanges entre nos deux pays ?
Il y a plusieurs perspectives qui s’offrent aussi bien au Sénégal et à la Mauritanie. Il faut tout simplement saisir ces opportunités, que ce soit dans le domaine touristique ou des transports ou de l’énergie. Je pense au pétrole, car le Sénégal a une raffinerie, d’où l’importation de brut, alors que nous sommes producteurs de brut. Voilà une piste qui mérite d’être explorée.

Excellence, peut-on parler également de la situation des réfugiés à la frontière?
É coutez, ceux que vous appelez des réfugiés se considèrent comme étant de nationalité mauritanienne. La position de l’État mauritanien et des hautes autorités mauritaniennes est claire dans ce domaine. S’il y a des mauritaniens qui se réclament comme tel, ils sont invités à rentrer, les portes sont ouvertes. C’est également une période historique à laquelle tous les Mauritaniens doivent participer.

Et si on parlait de la transition politique ?
C’est avec plaisir que je vais parler de transition, mais avant je voudrais d’abord parler de ce qui a amené à la transition. Vous savez qu’avant du 3 août 2005, il y avait une crise politique multidimensionnelle en Mauritanie. Vous savez que le pluralisme formel, instauré en Mauritanie depuis 1991, était déguisé. Vous savez que l’opposition était opprimée. Vous savez que la dissolution des partis politiques était fréquente. Et nous avons assisté à un exercice solitaire du pouvoir, n’offrant aucune perspective d’alternance. Ni aucune perspective de dialogue. Ce qui a conduit à une succession de tentatives de coup d’Etat, dont une au moins sanglant. Celle de juin 2003, plus d’autres. C’est ainsi que les forces armées et de sécurité nationale ont pris la décision courageuse et historique de mettre fin à une situation qui n’offrait de choix que de gérer les pourrissements en attendant l’éclatement incontrôlable ou d’agir pour prévenir les dérives. C’est le deuxième choix, nos forces de sécurité l’ont choisi en mettant sur pied un Conseil militaire pour la justice et la démocratie qui a tout de suite déclaré sa volonté d’asseoir une démocratie réelle pendant une période de transition n’excédant pas deux ans. Alors, un gouvernement civil a été formé le 10 août 2005 avec un temps fort. D’abord le Conseil militaire a déclaré par rapport à l’inéligibilité de son président, de ses membres ainsi que du Premier ministre ainsi que des membres de son Gouvernement. Donc ni le président du Conseil, ni les membres, ni le Premier ministre, ni les ministres ne peuvent briquer un poste électoral. Alors, tout de suite, pour apaiser les esprits, il y a eu l’amnistie pleine et entière, pour permettre tous les Mauritaniens, à l’intérieur comme à l’extérieur, de jouir entièrement de leurs libertés. Ensuite, il y a eu l’ouverture de tous les médiats, aux partis et aux organisations de la société civile, tout tendance confondues. Et pour trouver un contenu à la transition, trois comités interministériels ont été constitués. Le premier, c’est sur la transition démocratique, le deuxième sur la justice, le troisième sur la bonne gouvernance. Alors, l’ensemble des rapports élaborés par l’ensemble de ces trois comités interministériels ont été discutés lors des journées nationales de la concertation. Une espèce de conférence nationale à la mauritanienne à laquelle ont pris part six cents participants de toutes les sphères politiques, ethniques, sociales, etc. de la Mauritanie. Ils sont sortis de ces journées avec un contenu pour cette transition-là. Le calendrier électoral est désormais fixé, la commission nationale indépendante est déjà opérationnelle et, aujourd’hui, nous sommes en train de procéder aux recensements pour l’élaboration d’un fichier électoral fiable et permettant d’aller aux urnes dans une pleine transparence.

Aujourd’hui quel appel lancez-vous, Excellence, aux Mauritaniens de la diaspora pour un retour définitif au pays ?
Je lance un appel à tous les Mauritaniens. Vu la volonté politique affichée par les hautes autorités du pays, vu la croissance économique que connaît notre pays, je lance un appel à tous les Mauritaniens de participer à la réussite de cette transition et au processus de construction de l’Etat mauritanien fort, émergent, qui est en train de se construire.

Une dernière question. Quel est le message à l’endroit des Mauritaniens du Sénégal pour accueillir le président?
Les Mauritaniens vivant en République sœur du Sénégal sont invités à accueillir son Excellence le Colonel Ely Ould Mohamed Vall, président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie pour le soutenir pour les efforts qu’il est en train d’entreprendre pour la construction d’une Mauritanie fortement économique et réellement démocratique.
Propos recueillis par ABDOULAYE THIAM
"Le Soleil du 04-03-2006"


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