Boghé : Comment un prof de lycée a été tabassé par son élève?   
05/03/2008

Le système éducatif mauritanien est plus que jamais sur la sellette depuis qu’un vent nouveau souffle du côté du MEN. Les multiples mutations en cours n’ont toujours pas eu raison du mamouth. Certes, les choses bougent mais des travers d’un autre âge subsistent encore. Aussi, à Boghé, quand un professeur se fait tabasser par son élève, il y’a lieu de se poser des questions.



 Est-ce les reliques d’un passif disciplinaire ? Est-ce la manifestation d’un laisser aller ? Les questions restent ouvertes.

Sidi Fall, professeur de physique au lycée de Boghé a certainement passé la pire de ses journées en qualité de professeur le mercredi 27 février 2008. Ce matin, le prof a trouvé l’élève, Abdoulaye Tahirou N’Dongo, en train de fumer une cigarette à côté d’une salle de classe. Il en a fait part au Directeur du lycée, M Diaw Moussa, chargeant ce dernier d’aviser le Surveillant Général Monsieur Tahirou N’Dongo, absent, et qui n’est autre que le père de l’élève en question. Quelques instants plus tard, M N’Dongo se présente dans la classe de Sidi Fall et demande des explications. Le professeur de physique dira à l’homme que son fils est impoli et grand absentéiste devant l’Eternel. Il s’en est suivi une prise de bec entre les deux. Sidi Fall a avoue avoir élevé le ton. Toujours est-il que le Directeur, au fait de la situation les a convoqués dans son bureau et a réglé le différend à l’amiable. L’incident était clos. Dans l’après-midi, le jeune N’Dongo qui n’était pas présent lors des événements du matin, s’est présenté au lycée, flanqué de ses amis. Ces derniers lui ont expliqué que son père s’est fait insulter par le prof. Arrivé devant une classe où Sidi Fall faisait son cours, il est entré sans taper à la porte et apostrophe celui-ci en ces termes : «Tu as insulté mon père ce matin?» Sidi Fall lui répond par la négative et l’entraîne hors de la classe.
Un Surveillant Général fait de marbre
 Il a envoyé le chef de classe chercher le Directeur des Etudes, M Soko Moussa, l’élève refuse de s’exécuter, il a envoyé un second élève qui a tout aussi refusé d’y aller. Sidi Fall s’est alors posté devant la salle et a hélé Monsieur Soko. De là où il était, il voyait ce dernier qui lui faisait face Soko était assis à côté du Surveillant Général qui, lui, tournait le dos. Sidi Fall est formel : «Soko a très bien entendu mes appels, il a simplement fait la sourde oreille. » Au même moment, un professeur du nom de Sraba est sortit et a vu la scène. Sidi Fall a envoyé Sraba  pour dire à Soko qu’il avait besoin d’aide. Le prof a saisi le Surveillant Général, ce dernier n’a toujours as bougé.  Le prof de physique voyant que personne n’est venu du côté de l’administration a décidé d’y aller lui-même. Dès qu’il a franchit le pas de la salle de classe, l’élève qui était toujours en faction l’a saisi par le col de la chemise et lui a envoyé un coup de poing qui lui a éclaté le nez et l’a roué de coups. Aussitôt, les gens ont accouru pour les séparer. L’on a noté que le nez de Sidi Fall a été tailladé profondément et a du être cousu au dispensaire de Boghé. C’est pourquoi beaucoup de personnes s’accordent à dire que l’élève devait tenir une arme à la main.
 Un geste prémédité ?
 C’est ce qui explique l’abondance du sang. Du dispensaire de Boghé, Sidi Fall a été évacué à Aleg qu’il n’a regagné que le jeudi matin. Toute la nuit du mercredi au jeudi, il saignait, en témoigne les dizaines de papiers kleenex et ses habits couverts de sang qui sont posés à côté de lui. Il a fait une première radio qui n’a rien décelé, il y est retourné une seconde fois dans la même journée où une seconde radio a révélé une fracture de l’os nasal. Peu après les faits, le Hakem de Boghé a convoqué le Directeur du lycée, le Maire, le Commissaire de police ainsi que les deux délégués des professeurs. L’élève agresseur a été arrête et placé en détention le même jour. De retour d’Aleg, Sidi Fall a fait sa déposition au commissariat de police. Par ailleurs, dès le lendemain de ces événements, les professeurs du lycée et ceux du collège de Boghé ont observé un mouvement de grève d’une journée par solidarité avec leur collègue. Ils ont en outre publié une lettre de protestation adressée au Directeur du lycée dans laquelle, ils condamnent l’incident qu’ils jugent «prémédité et dangereux pour la sécurité des enseignants et de toute la famille scolaire.» Par ailleurs, le Conseil de Discipline s’est réunit le samedi 01 mars 2008 et a décidé de l’exclusion définitive d’Abdoulaye Tahirou N’Dongo et du renvoi pour dix jours des deux élèves qui avaient refusé d’aller avertir le Surveillant Général. Sur place, des voix se sont élevées pour réclamer une sanction à l’encontre du Surveillant Général Soko pour non assistance à personne en danger. De plus, les professeurs souhaitent que Sidi Fall puisse quitter cet établissement où sa dignité a été entamée. En tout état de cause, cet incident rappelle de façon éloquente la nécessité de garantir la sécurité du corps enseignant en repensant la position des établissements scolaires et surtout à les doter d’un personnel administratif suffisant. Tous les profs ne peuvent pas compter sur leurs poings pour se défendre. En plus, çà n’est nullement leur univers.    
Biri N’Diaye


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