Courrier/ Dossier Poly-Hondone: Jeux et enjeux.   
27/01/2013

La Convention de pêche avec le Chinois POLY-HONDONE n’en finit pas de faire parler d’elle et les négociations piétinent. Rappelons brièvement que cette convention de pêche, signée avec une filiale du conglomérat Chinois Poly Group Corporation porte sur la création...



...d’un complexe industriel de pêche à Nouadhibou pour un investissement global d’environ 100 Millions USD.

La Mauritanie, Ă  juste titre, a fondĂ© beaucoup d’espoirs sur ce projet dont elle attendait principalement la concrĂ©tisation d’un embryon d’industrie locale du pĂ©lagique celle-ci devant, sans exagĂ©ration,  gĂ©nĂ©rer des dizaines de milliers d’emplois, dont 2.500 dans le cas prĂ©cis de ce projet.

Objectifs visés, justification des avantages accordés.
Il faut rappeler que les ressources pĂ©lagiques de la Mauritanie sont Ă©normes et que le dĂ©veloppement d’une flotte locale pour leur capture, et d’une industrie Ă  terre pour leur transformation reprĂ©sentera, Ă  terme,  la plus importante activitĂ© du secteur de la pĂŞche, tant en termes Ă©conomiques au sens large qu’en termes de crĂ©ation d’emplois, parmi lesquels  une part importante de main-d’œuvre fĂ©minine, qui sera employĂ©e dans le traitement et la transformation.

Compte tenu de ce qu’elle attendait donc de ce projet, la Mauritanie avait concĂ©dĂ© Ă  Poly-Hondone toutes les facilitĂ©s que cette dernière estimait nĂ©cessaires Ă  la rĂ©ussite dudit projet, et c’est dans cet esprit qu’il faut comprendre l’attribution de licences de cĂ©phalopodes, un certain rĂ©gime et des exemptions qui peuvent paraitre lĂ©onins, lorsqu’ils sont compris  ou lus hors de ce contexte.

Non exécution et déviation du projet, négociations infructueuses.
 Aujourd’hui, soit plus de 2 ans ½ après la signature de cette convention (07/06/2010), le DĂ©partement des PĂŞches constate que le projet n’a pas Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© et, plus grave encore, que les facilitĂ©s exceptionnelles qui avaient Ă©tĂ© accordĂ©es (terrain de 60.000 m2, rĂ©gime de change, fiscalitĂ©, conditions d’emploi de la main d’œuvre Ă©trangère, rĂ©gime douanier, commercialisation, licences de cĂ©phalopodes etc.) pour faciliter la rĂ©alisation de ce projet, stratĂ©gique pour la Mauritanie, ont Ă©tĂ© principalement dĂ©tournĂ©es au profit d’une activitĂ© qui ne devait ĂŞtre qu’un adjuvant marginal, Ă  savoir la pĂŞche et la commercialisation des  cĂ©phalopodes.

Devant cette situation, le Ministère des PĂŞches a invitĂ© Poly-Hondone Ă  discuter de l’application de la convention signĂ©e, ce qui a trainĂ© en longueur, et amenĂ© le MPEM Ă  ne pas renouveler  (01/01/2013) les licences de pĂŞche accordĂ©es pour la pĂŞche aux cĂ©phalopodes, considĂ©rant que la partie Chinoise n’a pas respectĂ© les engagements dans le cadre desquels et dans l’esprit desquels ces licences avaient Ă©tĂ© accordĂ©es.

Plusieurs réunions ont été tenues entre les responsables du Département et la partie Chinoise, sans résultat.

La prioritĂ© pour la partie Chinoise Ă©tant le dĂ©blocage des licences de pĂŞche aux cĂ©phalopodes, en attendant un accord sur les points incriminĂ©s par le DĂ©partement des PĂŞches, alors que le DĂ©partement des PĂŞches ne dispose  que de ce moyen, en l’absence d’une  garantie effective que la partie Chinoise respectera cette fois-ci ses engagements.

Contexte de la nouvelle orientation de la politique des pĂŞches et enjeux.
Pour la Mauritanie, cette situation intervient dans un contexte plus large celui oĂą, après la rĂ©vision des conventions minières et la multiplication par  7 de la contribution de ce secteur aux recettes publiques et de son apport au niveau exceptionnel de  la rĂ©serve en devises, la Mauritanie entend continuer Ă  maximiser les apports et retombĂ©es de ses ressources naturelles, dont les ressources halieutiques.

Ainsi après d’âpres nĂ©gociations qui ont durĂ© plus d’un an, le protocole de pĂŞche avec l’UE vient d’être renouvelĂ© avec de nouvelles conditions techniques et financières  particulièrement avantageuses pour la Mauritanie, tant du point de vue des retombĂ©es Ă©conomiques que du point de vue de la prĂ©servation de la ressource. Au passage et Ă  ce sujet signalons que, contrairement Ă  ce que pensent avoir compris certains, ce protocole est dĂ©jĂ  en vigueur et opĂ©rationnel du fait de son application provisoire adoptĂ©e par Conseil de l’UE en sa session du 03/12/2012, et que les risques  qu’il ne soit pas  ratifiĂ© par le Parlement EuropĂ©en sont quasi nuls.

Les nouvelles conditions techniques et financières ainsi introduites, seront systĂ©matiquement Ă©tendues et appliquĂ©es Ă   toutes les conventions et accords passĂ©s dans le secteur.

Il serait donc peu crédible et désastreux pour le pays que tous les acquis ainsi que tous les effets attendus de la nouvelle orientation du secteur des pêches soient remis en cause par une simple convention commerciale telle que celle de Poly-Hondone, quand bien même celle-ci aurait respecté ses engagements, ce qui n’est pas le cas.

Désinformation et mystification.
Souvenons-nous enfin que dès le dĂ©part certains, fonctionnaires de l’Etat ou personnalitĂ©s rĂ©putĂ©es Ă  tort ou Ă  raison proches du pouvoir avaient, selon les besoins, fait flèche de tout bois prĂ©sentant cette convention comme Ă©tant bilatĂ©rale (RIM-CHINE), ou qu’elle comporte des annexes secrètes ou portant sur des volets tout aussi secrets relatifs Ă   un hypothĂ©tique contrat d’armement, ou que le PrĂ©sident de la RĂ©publique y est actionnaire etc. 

Mais si cette désinformation qui a mystifié l’Administration, mis en ébullition le Parlement, la Presse et l’opinion publique en général, avait pour objet premier de « faire passer » cette convention, puis de sanctuariser ce projet depuis plus de 2 ans, elle s’est malheureusement traduite pour le Gouvernement et pour le Président de la République par un énorme coût politique, qui s’avère maintenant clairement indu.

En effet ces rumeurs et allégations sont totalement démenties aujourd’hui par le simple fait de l’arrêt total des activités de ce projet depuis bientôt un mois, et de la position constante du Département des Pêches demandant tout simplement à la partie Chinoise de respecter les engagements pris, tel que l’a confirmé le Premier Ministre le 10 Janvier devant l’Assemblée Nationale.

Un éléphant blanc ?
Cette situation peut donc durer, et il reste à savoir comment elle peut se dénouer.

DĂ©jĂ , certains signes permettent de questionner la volontĂ© , l’intention rĂ©elle, et mĂŞme les capacitĂ©s de la partie Chinoise Ă  mettre en Ĺ“uvre la dimension pĂ©lagique du projet telle qu’elle  avait Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©e : Oui, pourquoi la partie Chinoise demande-elle Ă  louer les 6.000 tonnes de capacitĂ© de stockage construites, alors que celle-ci serait juste dimensionnĂ©e pour recevoir la production des chalutiers pĂ©lagiques dont elle annonce l’arrivĂ©e dans 3 mois ? Et puis pourquoi la partie Chinoise demande-elle Ă  continuer Ă  acheter les cĂ©phalopodes sur le marchĂ© local, pour les exporter ensuite sous le rĂ©gime prĂ©fĂ©rentiel duquel elle bĂ©nĂ©ficie dans la convention ?

Pour la partie Mauritanienne, accéder à de telles demandes équivaudrait tout simplement à liquider le segment le plus le plus important de la pêche artisanale nationale à savoir les activités de collecte, de traitement, de stockage et de commercialisation des céphalopodes…étant entendu par ailleurs que le stockage prévu au niveau du projet Poly-Hondone n’était pas non plus destiné à concurrencer les capacités de traitement et de stockage nationales déjà existantes.

La question risque ainsi de demeurer en l’état, tant les positions et les objectifs des deux parties sont antagoniques ce qui pourrait, très vite et au bout du compte, rĂ©vĂ©ler que ce projet ou tout au moins tel que l’entend et l’attend  la Mauritanie n’est qu’un Ă©lĂ©phant blanc.

Samouri Ould Ahmed Yehdhih.

Les opinions exprimĂ©es dans ce  courrier n’engagent pas nĂ©cessairement TAHALIL


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