La Convention de pêche avec le Chinois POLY-HONDONE n’en finit pas de faire parler d’elle et les négociations piétinent. Rappelons brièvement que cette convention de pêche, signée avec une filiale du conglomérat Chinois Poly Group Corporation porte sur la création...
...d’un complexe industriel de pêche à Nouadhibou pour un investissement global d’environ 100 Millions USD.
La Mauritanie, à juste titre, a fondé beaucoup d’espoirs sur ce projet dont elle attendait principalement la concrétisation d’un embryon d’industrie locale du pélagique celle-ci devant, sans exagération, générer des dizaines de milliers d’emplois, dont 2.500 dans le cas précis de ce projet.
Objectifs visés, justification des avantages accordés. Il faut rappeler que les ressources pélagiques de la Mauritanie sont énormes et que le développement d’une flotte locale pour leur capture, et d’une industrie à terre pour leur transformation représentera, à terme, la plus importante activité du secteur de la pêche, tant en termes économiques au sens large qu’en termes de création d’emplois, parmi lesquels une part importante de main-d’œuvre féminine, qui sera employée dans le traitement et la transformation.
Compte tenu de ce qu’elle attendait donc de ce projet, la Mauritanie avait concédé à Poly-Hondone toutes les facilités que cette dernière estimait nécessaires à la réussite dudit projet, et c’est dans cet esprit qu’il faut comprendre l’attribution de licences de céphalopodes, un certain régime et des exemptions qui peuvent paraitre léonins, lorsqu’ils sont compris ou lus hors de ce contexte.
Non exécution et déviation du projet, négociations infructueuses. Aujourd’hui, soit plus de 2 ans ½ après la signature de cette convention (07/06/2010), le Département des Pêches constate que le projet n’a pas été réalisé et, plus grave encore, que les facilités exceptionnelles qui avaient été accordées (terrain de 60.000 m2, régime de change, fiscalité, conditions d’emploi de la main d’œuvre étrangère, régime douanier, commercialisation, licences de céphalopodes etc.) pour faciliter la réalisation de ce projet, stratégique pour la Mauritanie, ont été principalement détournées au profit d’une activité qui ne devait être qu’un adjuvant marginal, à savoir la pêche et la commercialisation des céphalopodes.
Devant cette situation, le Ministère des Pêches a invité Poly-Hondone à discuter de l’application de la convention signée, ce qui a trainé en longueur, et amené le MPEM à ne pas renouveler (01/01/2013) les licences de pêche accordées pour la pêche aux céphalopodes, considérant que la partie Chinoise n’a pas respecté les engagements dans le cadre desquels et dans l’esprit desquels ces licences avaient été accordées.
Plusieurs réunions ont été tenues entre les responsables du Département et la partie Chinoise, sans résultat.
La priorité pour la partie Chinoise étant le déblocage des licences de pêche aux céphalopodes, en attendant un accord sur les points incriminés par le Département des Pêches, alors que le Département des Pêches ne dispose que de ce moyen, en l’absence d’une garantie effective que la partie Chinoise respectera cette fois-ci ses engagements.
Contexte de la nouvelle orientation de la politique des pêches et enjeux. Pour la Mauritanie, cette situation intervient dans un contexte plus large celui où, après la révision des conventions minières et la multiplication par 7 de la contribution de ce secteur aux recettes publiques et de son apport au niveau exceptionnel de la réserve en devises, la Mauritanie entend continuer à maximiser les apports et retombées de ses ressources naturelles, dont les ressources halieutiques.
Ainsi après d’âpres négociations qui ont duré plus d’un an, le protocole de pêche avec l’UE vient d’être renouvelé avec de nouvelles conditions techniques et financières particulièrement avantageuses pour la Mauritanie, tant du point de vue des retombées économiques que du point de vue de la préservation de la ressource. Au passage et à ce sujet signalons que, contrairement à ce que pensent avoir compris certains, ce protocole est déjà en vigueur et opérationnel du fait de son application provisoire adoptée par Conseil de l’UE en sa session du 03/12/2012, et que les risques qu’il ne soit pas ratifié par le Parlement Européen sont quasi nuls.
Les nouvelles conditions techniques et financières ainsi introduites, seront systématiquement étendues et appliquées à toutes les conventions et accords passés dans le secteur.
Il serait donc peu crédible et désastreux pour le pays que tous les acquis ainsi que tous les effets attendus de la nouvelle orientation du secteur des pêches soient remis en cause par une simple convention commerciale telle que celle de Poly-Hondone, quand bien même celle-ci aurait respecté ses engagements, ce qui n’est pas le cas.
Désinformation et mystification. Souvenons-nous enfin que dès le départ certains, fonctionnaires de l’Etat ou personnalités réputées à tort ou à raison proches du pouvoir avaient, selon les besoins, fait flèche de tout bois présentant cette convention comme étant bilatérale (RIM-CHINE), ou qu’elle comporte des annexes secrètes ou portant sur des volets tout aussi secrets relatifs à un hypothétique contrat d’armement, ou que le Président de la République y est actionnaire etc.
Mais si cette désinformation qui a mystifié l’Administration, mis en ébullition le Parlement, la Presse et l’opinion publique en général, avait pour objet premier de « faire passer » cette convention, puis de sanctuariser ce projet depuis plus de 2 ans, elle s’est malheureusement traduite pour le Gouvernement et pour le Président de la République par un énorme coût politique, qui s’avère maintenant clairement indu.
En effet ces rumeurs et allégations sont totalement démenties aujourd’hui par le simple fait de l’arrêt total des activités de ce projet depuis bientôt un mois, et de la position constante du Département des Pêches demandant tout simplement à la partie Chinoise de respecter les engagements pris, tel que l’a confirmé le Premier Ministre le 10 Janvier devant l’Assemblée Nationale.
Un éléphant blanc ? Cette situation peut donc durer, et il reste à savoir comment elle peut se dénouer.
Déjà , certains signes permettent de questionner la volonté , l’intention réelle, et même les capacités de la partie Chinoise à mettre en œuvre la dimension pélagique du projet telle qu’elle avait été arrêtée : Oui, pourquoi la partie Chinoise demande-elle à louer les 6.000 tonnes de capacité de stockage construites, alors que celle-ci serait juste dimensionnée pour recevoir la production des chalutiers pélagiques dont elle annonce l’arrivée dans 3 mois ? Et puis pourquoi la partie Chinoise demande-elle à continuer à acheter les céphalopodes sur le marché local, pour les exporter ensuite sous le régime préférentiel duquel elle bénéficie dans la convention ?
Pour la partie Mauritanienne, accéder à de telles demandes équivaudrait tout simplement à liquider le segment le plus le plus important de la pêche artisanale nationale à savoir les activités de collecte, de traitement, de stockage et de commercialisation des céphalopodes…étant entendu par ailleurs que le stockage prévu au niveau du projet Poly-Hondone n’était pas non plus destiné à concurrencer les capacités de traitement et de stockage nationales déjà existantes.
La question risque ainsi de demeurer en l’état, tant les positions et les objectifs des deux parties sont antagoniques ce qui pourrait, très vite et au bout du compte, révéler que ce projet ou tout au moins tel que l’entend et l’attend la Mauritanie n’est qu’un éléphant blanc.
Samouri Ould Ahmed Yehdhih.
Les opinions exprimées dans ce courrier n’engagent pas nécessairement TAHALIL
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