Le Docteur Mohamed Mahmoud Ould Mah, Secrétaire général de l’UPSD, n’est plus à présenter, tellement l’homme est connu pour ses positions franches et directes. Homme politique, grand militant de la cause palestinienne pour laquelle il a dirigé un comité contre la normalisation avec Israel...
...cet ancien maire de Nouakchott, ancien candidat à la présidentielle, est un économiste qui a occupé aussi la fonction de Gouverneur adjoint du FMI, avant de créer l’UPSD. Nous lui avons posé deux questions sur le pasteur Terry Jones qui a menacé de brûler le Coran et sur ce qu’il appelle «les régimes occidentaux de droite». Nouakchott-Info: Jusqu’à la dernière minute, le pasteur Terry Jones aura menacé de brûler le Coran. Quelle réaction vous inspire cette affaire et la surmédiatisation qui lui a été donnée? Dr Mohamed Mahmoud Ould Mah: Cette tentative criminelle de brûler notre Livre Saint, le Coran, sous une couverture médiatique sans précédent, appelle de notre part les remarques suivantes: 1°) Il ne s’agit pas d’un "acte isolé" qui aurait été commis par «un illuminé, responsable d’une petite église qui ne compte pas plus d’une poignée de fidèles»; comme certains voulaient nous le faire croire. Il s’agit plutôt d’une campagne orchestrée contre les convictions religieuses de plus d’un milliard et demie de croyants musulmans ; elle est le prolongement normal de cette hystérique islamophobie entretenue et développée par les gouvernements occidentaux de droite au début des années 2000: Blair, en Angleterre, Berlusconi, en Italie, Aznar, en Espagne, Bush, aux Etats-Unis, qui n’hésite pas à évoquer le mot «croisade» contre l’Islam à plusieurs occasions pour justifier son invasion de l’Irak en 2003. Quant à la chancelière allemande, qui a rejoint le groupe en 2005, elle vient de décerner "le prix de la liberté" au journaliste danois qui avait caricaturé notre Prophète Mohamed (PSL). Caricatures que la chancelière allemande «considère plutôt comme une victoire de la liberté d’expression». Les gouvernements occidentaux de droite avaient, d’abord, commencé par bénir, encourager et entretenir ceux des musulmans qui s’en prennent à leur propre religion: Salmane Rushdie, La Bangladaise Nasreen Taslima, etc. 2°) En ce qui concerne la condamnation de l’acte lui-même, force est de constater que la réprobation des gouvernements occidentaux et leur presse était très timide, gouvernements et presse prompts par ailleurs à remuer nos cendres quand il s’est agi de châtier une Iranienne qui a assassiné son mari avec la complicité d’un homme avec qui elle commet régulièrement le crime d’adultère. Certes, les gouvernements occidentaux de droite et les forces qui les soutiennent sont libres de considérer l’adultère comme une forme d’expression de la liberté et d’avoir oublié, à cette occasion, leur enseignement religieux: le péché originel. 3°) S’agissant des arguments avancés par les responsables américains (le président, la secrétaire d’Etat, le ministre de la défense, le commandant des troupes de la coalition occidentale en Afghanistan) pour justifier leur incapacité à empêcher ce crime relèvent beaucoup plus de la provocation que d’une volonté réelle d’éviter l’acte du pasteur: à les croire, la constitution des Etats-Unis ne considère pas comme délit (et moins encore comme crime), le fait de brûler le Coran. On comprend alors, peut-être rétrospectivement, pourquoi les soldats américains, qui avaient souillé et piétiné notre Livre Saint, le Coran, en Irak et en Afghanistan, n’avaient pas été sanctionnés. Ces mêmes responsables américains demandent au même pasteur de ne pas mettre ses menaces à exécution, car cela risquerait d’exposer leurs soldats à un danger, mais pas pour une quelconque autre raison. 4°) Il y a lieu aussi de noter que l’islamophobie est devenue un programme électoral pour les gouvernements occidentaux de droite. L’Occident traverse depuis presque deux décennies des crises économiques et financières graves, qui n’ont d’égale que la crise de 1929. Ces gouvernements font toujours payer aux travailleurs le coût de ces crises: licenciements massifs et détérioration du pouvoir d’achat pour ceux qui ne sont pas compressés. La solidarité des travailleurs fléchit durant les crises économiques (chacun pour soi) et les idées se radicalisent à droite. Des crises économiques naissent souvent les fascismes. Aux USA, la venue d’Oboma a plutôt desservi l’Islam. Finalement, il s’est révélé un président faible à qui les républicains ont inculqué sans peine un complexe contre son nom et contre les origines islamiques de son père. En prévision des élections de mi-mandat, les républicains, en tapant sur l’Islam, ils tapent en réalité sur Oboma (et vis versa.) que 25% des américains considèrent, à tort, comme musulman. Aujourd’hui, en France, comme partout en Europe, les gouvernements cherchent des dérivatifs à leurs difficultés économiques et sociales et ne trouvent, pour mobiliser les électeurs et faire remonter leur cote de popularité dans les sondages d’opinion, que les attaques contre la Burka, le voile islamique, la polygamie et l’immigration. Le chômage, la fin de l’Etat providence, les crises économiques et financières ne sont plus mobilisateurs dans les campagnes électorales d’une démocratie qui s’essouffle, de plus en plus délaissée au profit de taux d’abstention élevés. 5°) Le moment choisi par le pasteur, pour tenter de brûler le Coran, et la chancelière allemande, pour primer le caricaturiste danois, n’est pas innocent: le mois béni du Ramadan et la fête d’El Vitr. Bush, Blair, Aznar, Berlusconi, Merkel (la chancelière allemande, encore elle) avaient choisi la fête d’El Id El Kebir pour pendre feu le président Saddam Hussein, un symbole de la lutte de libération arabe dont le crime est d’avoir écrit sur le drapeau irakien Allahou Akhbar (Dieu est le plus Grand), dans le silence honteux et complice, des autres chefs d’Etats arabes, conscients cependant, qu’il s’agit d’une pendaison virtuelle pour chacun d’eux. Des dirigeants arabes et musulmans dignes de ce nom, auraient dû rappeler leurs ambassadeurs en Allemagne en signe de protestation contre les déclarations à la fois insultantes et provocatrices de la chancelière allemande considérant les caricatures du Prophète (PSL) «comme plutôt une victoire de la liberté d’expression». Malheureusement, au moment où l’Islam, son Prophète (PSL) et son Livre Saint, le Coran, sont victimes d’une islamophobie sans précédent, les pays arabes et musulmans, à l’exception de la Turquie et de l’Iran, manquent de dirigeants capables de répliquer à une telle campagne. Ces dirigeants arabes dont la plupart tirent pourtant leur légitimité du caractère islamique de leurs institutions, sont occupés ailleurs à battre des records qui ne seront jamais homologués: la plus grande horloge au monde, la tour la plus haute du monde, le métro le plus long du monde, les pistes enneigées où on peut faire du ski par 50 degrés à l’ombre …. Ces dirigeants arabes ont plutôt profité du mois béni du Ramadan pour participer, à leur manière, à cette campagne anti-islamique, convaincus, sans doute, par le département d’Etat américain qu’il en va de la stabilité de leur régime: les réunions et les discours dans les mosquées sont désormais surveillés et contrôlés par les gouvernements qui les truffent de policiers en civil. L’appel du muezzin est désormais unifié. On n’entend plus qu’une seule voix, un seul discours; des milliers de voix, qui ont toujours constitué des repères temporels et égrené les appels à la prière pour se répondre mutuellement pour perpétuer cette musique éternelle, se sont tues. La fatwa, à son tour, est désormais réglementée, les gouvernements désignent celui qui est habilité à la donner. Comme le demandait Bush, la solidarité islamique dans le domaine de l’humanitaire, qui était un important acquis des régimes arabes du Golfe est, elle aussi, réglementée, contrôlée et suspectée de financer le terrorisme. Des séries, généralement programmées durant le mois béni du Ramadan, et rendant compte de la vie du Prophète (PSL) ont été retirées dans certains pays arabes pour cause d’avoir été éditées ou tournées en Iran. Nous sommes déjà entrés en plein dans la guerre intra musulmans: sunnites contre chiites à la grande satisfaction des ennemis de l’Islam. Les régimes arabes, à l’exception de la Syrie, de l’Algérie et de la Libye, sont-ils en train de tomber, encore une fois, dans le piège que l’Occident leur avait tendu pour entrer en guerre contre l’Iran (la guerre irako-iranienne). D’ailleurs, pour la majorité des pays arabes, Israël n’est plus l’ennemi, l’ennemi est ailleurs, l’Iran, un pays musulman, accusé de draper une bombe atomique fictive et ces mêmes régimes arabes ne semblent plus s’inquiéter, outre mesure, des 250 têtes nucléaires possédées par Israël, devenu désormais un allié contre l’Iran. Le conflit israélo-arabe, dont on est en train de jouer le dernier acte, est devenu un conflit arabo-iranien. Est-il utile de rappeler à ces régimes arabes que l’Occident ne combat pas l’Iran parce qu’il est chiite, mais parce que l’Iran est un Etat musulman qui tente de se défendre par ses propres moyens, et pourquoi pas défendre les autres musulmans, ceux qui ne comptent pas sur l’Occident pour le faire à leur place, dans un monde désormais régi par la force et dont on tient à en exclure les musulmans. Nouakchott Info : Pourquoi parlez-vous toujours «de régimes occidentaux de droite» chaque fois que vous voulez parler de l’Occident? MMOM : C’est pour éviter l’amalgame souvent entretenu entre les régimes et les peuples. Les politiques actuellement mises en œuvre par les régimes occidentaux ne sont pas l’expression de leurs peuples quand bien même ces régimes sont élus démocratiquement. Par exemple: quand les peuples occidentaux manifestent par millions à Madrid, Londres, Berlin, Rome contre l’invasion de l’Irak en 2003, les gouvernements n’en ont pas tenu compte. Nous sommes donc en droit d’affirmer que ces régimes, en ne tenant pas compte de leurs opinions, ne sont pas l’expression de leur peuple. S’agissant des régimes de gauche, ils se sont toujours démarqués de cette islamophobie et des politiques à caractère raciste et discriminatoire. Propos recueillis par Mohamed Ould Khattatt
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