Ahmed Ould Hamza : «Tout me concerne et rien ne me concerne »   
26/09/2009

Au cours d’une conférence de presse qu’il a animée le 23 septembre dernier dans les locaux de la Communauté Urbaine de Nouakchott (CUN), le premier Magistrat de la ville de Nouakchott, Ahmed Ould Hamza n’a pas mâché ses mots pour crier son ras le bol, face à une politique nationale de décentralisation viciée.



En clair, le premier citoyen de Nouakchott déplore la crispation de l’Etat central sur ses prérogatives à l’heure où les pouvoirs délocalisés deviennent la voie appropriée pour le développement. En clair, Ahmed Ould Hamza a tenu à se disculper face aux habitants de Nouakchott qui lui font porter le chapeau de leur mal vivre.

«Je suis moi-même déçu. A mon arrivée, la CUN était en état de faillite, avec un personnel pléthorique à bas niveau, non payés depuis quatre mois, et un organe institutionnel qui ressemblait plutôt à un vaste Bazar ». Le constat est amer, d’autant plus qu’il est tiré par la première autorité municipale de la ville de Nouakchott, qui en deux ans et demi de mandat estime avoir réalisé des performances mal récompensées.
Performances

Fortement déficitaire, avec plus de 420 employés, dont une quarantaine de fonctionnaires détachés et les trois quarts payés à ne rien faire, la CUN avant Ould Hamza comptait 9 directions. Il était devenu, selon lui, un organe qui bouffait trop d’argent sans résultat.

Au cours de l’audit confié à la Banque Mondiale à l’époque, cette dernière avait suggéré le licenciement de 350 employés, mais Hamza dit avoir refusé cette mesure pour prôner le départ volontaire.

Aujourd’hui, dira-t-il, la CUN compte 298 employés et seulement trois directions, dont deux purement techniques. La gestion s’est également fortement améliorée, ajoutera-t-il, et au lieu d’être déficitaire, la CUN dispose actuellement d’un montant propre de 1 milliard 400 millions d’UM dans les caisses du Trésor Public, grâce aux performances réalisées en 2007 (500 millions d’UM) et en 2008 (400 millions d’UM).

L’attribution complaisante des marchés et autres surfacturations qui faisaient de la CUN une vache à traire ont également disparu, soulignera Ahmed Ould Hamza, qui précise «vous ne verrez plus un seul commerçant à la Communauté urbaine aujourd’hui, alors qu’avant, c’était un véritable marché ».

Autre mesure, la taxe sur la signalisation qui depuis 15 ans profitait à un puissant homme d’affaires sans aucune retombée pour la CUN. Depuis deux ans et demi, cet homme d’affaires, selon Ould Hamza, fait rentrer 15 millions d’UM par année dans les caisse de la CUN sans compter l’obligation de mettre en place un nombre déterminé de feux de signalisation par an. Ainsi de 12 en 2007, le nombre de ces panneaux est passé à 50. En plus, la CUN a institué une taxe pour la publicité, inexistante avant l’arrivée de la nouvelle équipe.

La performance est d’autant plus grande que la CUN selon Ould Hamza ne reçoit aucune subvention de l’Etat. En plus, la Communauté Urbaine de Nouakchott, longtemps absente au niveau régional et international, est aujourd’hui membre dans plusieurs organisations, dont celle des Maires du Monde, celle des Maires Francophones, où elle a continué à bénéficier de son siège tout au long de la crise politique et les sanctions prises contre la Mauritanie.

Ahmed Ould Hamza déclare avoir ainsi fortement contribué à faire rayonner l’image non seulement de Nouakchott au niveau mondial, mais aussi celle de la Mauritanie, en parfait ambassadeur sur des tribunes où le pays était absent. Il vient d’ailleurs d’être élu par ses pairs africains réunis à Nouakchott entre le 16 et le 18 septembre dernier, Vice-président du Partenariat pour le Développement Municipal (PDM), une organisation regroupant les maires d’Afrique de l’Ouest et du Centre.

La CUN a su également se doter d’un corps d’ingénieurs (une vingtaine d’ingénieurs) alors que pour un organe technique de son envergure, elle n’en disposait pas. Parmi les autres réalisations, Hamza a mentionné le parc automobile inexistant à son arrivée qu’il a su constituer ainsi que les coupes budgétaires instituées.

Pour 2009, il dira que le budget d’entretien a été fixé à 45 millions d’UM et qu’en ce mois de septembre, seul 6 millions d’UM ont été utilisés. Idem pour le carburant, 45 Millions d’UM avec une dépense à ce jour de 17 millions, 100 millions d’UM pour réceptions et voyages, 28 millions d’UM d’utilisés à ce jour…

Ordures

S’agissant du dossier relatif aux ordures de Nouakchott, Ahmed Ould Hamza a tenu à souligner que ce dossier concerne uniquement l’Etat mauritanien et l’Agence de développement urbain (Adu) chargée de la gestion de ce volet avec un budget de fonctionnement de 100 millions d’UM.

Pour la réalisation technique, une société française, Pizzorno, a été recrutée pour un contrat annuel de 3 milliards d’UM environ. Seulement, dira Ould Hamza, la société souffre d’impayés qui se chiffrent aujourd’hui à 1 milliard 400 millions d’UM.

La politique s’est immiscée dans le dossier, dira-t-il, avec la grève non justifiée des employés, qui s’est soldée par le renvoi de 200 d’entre eux et la main fourrée de quelques anciens prestataires de la CUN évincés par l’arrivée de la société française et qui cherchent à saborder ses activités.

Affaibli

Ce qu’Ahmed Ould Hamza déplore le plus, c’est le manque de volonté politique pour faire de la décentralisation une réalité en Mauritanie. Selon lui, l’Etat a donné des pouvoirs aux autorités décentralisées sans leur attribuer les budgets correspondants, encore jalousement gardés par les ministères concernés, lesquels s’accaparent des compétences dévolues à la CUN.

Il a déclaré que les Blocs Rouges ont été démolis sans qu’il ne soit informé, avant de lâcher désabusé «la décentralisation n’existe pas encore en Mauritanie » accusant les hauts fonctionnaires de cet état de fait.

Sans aucun moyen, à part le Fonds régional de développement (FRD), les mairies en Mauritanie parviennent à peine à payer leurs employés sans aucune autre possibilité pour subvenir aux besoins de leurs populations. Dévalorisés, sans considérations, souvent écartés dans la réalisation des projets qui concernent leur commune, les maires continuent d’être regardés de haut par les fonctionnaires de l’Etat.

Ainsi, le Premier magistrat de la ville de Nouakchott n’est pas souvent le premier concerné par des décisions qui concernent sa cité. Il ne dispose pas d’une police municipale et on lui refuse l’apport de la force publique pour l’exécution de ses missions.

Dans le cadre du Plan ORSEC déclenché à l’occasion des fortes pluies qui ont frappé Nouakchott, Ould Hamza déplore que les autres maires n’aient pas été associés.

Délaissé

Ainsi, selon Ould Hamza, la CUN ne bénéficie d’aucune subvention de l’Etat, qui ne lui accorde même pas le FRD, précisant que ses recettes fiscales annuelles (environ 300 millions d’UM) ne payent même pas le personnel. Ainsi, entre un gouvernement qui ne verse pas de subvention et des citoyens qui ne payent pas l’impôt, la CUN n’a d’autres voies de survie que la coopération internationale qui lui accorde 90% de ses entrées financières, notamment l’Agence française de développement et la Banque Mondiale.

Même un domaine public pour la réalisation des infrastructures de base est refusé à la CUN qui selon Ould Hamza coure depuis 1 an derrière l’octroi d’un terrain pour la construction d’un marché dont les études de faisabilité sont déjà bouclés. Brandissant une pile de dossier, il montre des pelletées de courriers adressées à l’administration depuis 2 ans et demi, et qui sont restés sans réponse. Ce qui lui fera dire, dépité, «Tout me concerne (en théorie) et rien ne me concerne (en pratique) ».

Politique

Pour Ahmed Ould Hamza, la politique doit être dissociée de la gestion communale, dont la finalité est l’amélioration des conditions de vie des populations par le choix et la réalisation de projets porteurs de développement. Ainsi, dira-t-il, «je suis certes de l’opposition, mais sous ma casquette de Président de la CUN, je suis apolitique et je tends la main à l’autorité politique au pouvoir pour qu’ensemble nous travaillons pour le développement de la ville de Nouakchott ».

Pour le moment, Ould Hamza dit n’avoir eu que sur deux oreilles attentives au niveau de l’Exécutif, celle du Premier Ministre et celle du Ministre de l’Habitat.

Et c’est dans ce cadre qu’il parlera de la volonté de certains à le pousser à la démission et son refus de céder à leur dessein, déclarant qu’il luttera pour que la décentralisation devienne une réalité en Mauritanie. Il invitera ainsi l’Etat mauritanien à œuvrer pour cet idéal.

Ahmed Ould Hamza a par la suite souligné l’absence de l’autorité, le caractère anarchique et indiscipliné des citoyens qui refusent l’ordre et la loi, parlant des marchés, des abattoirs en pleine rue, du manque de civisme des populations qui attendent tout de l’Etat.

«Aujourd’hui, les projets pour la ville de Nouakchott existent, et les partenaires internationaux sont prêts à les financer, mais il manque la volonté politique » dira-t-il, remarquant au passage que l’administration territoriale passe tout le temps à attribuer des terrains et le refuse à la CUN pour la réalisation de ses projets. Il dira que la CUN a déjà pris 15 arrêtés municipaux dont aucun n’est appliqué par l’administration.

Ahmed Ould Hamza a ainsi déploré le recul de la décentralisation avec le retour d’un Ministère de l’Intérieur fort, évoquant la circulaire du nouveau ministre dans lequel il tance les maires comme s’il s’agissait de fonctionnaires subalternes et non des partenaires. Il s’est surtout offusqué de la décision en cours d’aller vers la Région, à l’heure où la décentralisation communale est encore un échec.

Constat

L’échec de la décentralisation est d’autant plus patente qu’Ahmed Ould Hamza n’a pu s’empêcher de déclarer «j’aurai souhaité être le maire de Nouakchott, mais je ne suis que Président de la Communauté urbaine, alors que je ne sais même pas encore ce que veut dire réellement être Président de la CUN» et de répéter «en principe, tout me concerne, mais en réalité, rien ne me concerne ». Ainsi, la Loi n° 2001-51 du 19 juillet 2001 portant institution de la CUN a été vidée de sa substance, et à l’instar de plusieurs milliers d’autres lois votés en Mauritanie, elle se réduit en une litanie de dispositions sans prise dans le réel.

Repenser Nouakchott

En plus de l’impérieuse nécessité de réduire le nombre de communes en Mauritanie, 216, Ahmed Ould Hamza suggère qu’on repense la ville de Nouakchott avec de profonds changements dans le Statut du Président de la CUN, qui n’a en réalité aucun pouvoir sur les neuf maires de Nouakchott, lesquels gèrent en toute indépendance leur commune respective.

Il faut souligner que la conférence de presse de M.Ahmed Ould Hamza s’était déroulée en présence de ses directeurs et conseillers, ainsi que les représentants de l’Agence française de développement (AFD) et de la Banque Mondiale.

Cheikh Aïdara
L’Authentique Quotidien


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