Monsieur de Foucault, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt et même d’émotion, les lettres que vous avez adressées au Président de la République Française et à M. le Commissaire Louis Michel. Je vous remercie pour la France et…. pour la Mauritanie bien sûr, mais aussi et surtout pour le courage, la probité et la vérité historique qui ressortent de vos propos.
Votre jugement désintéressé sur Moktar O. Daddah va au cœur de tous les Mauritaniens. La Mauritanie vous est reconnaissante !!
Voyez-vous M. de Foucault, il y a encore en Mauritanie, les restes d’une génération qui sont nés Français, ont connu la période coloniale jusqu’à leur majorité. Ils ont leurs rudiments de la Culture et de la Langue Française. Enfants, ils ont entonné la Marseillaise et vibrent encore à l’entendre par Mireille Mathieu ! Ils ont appris, enfants, que « les Gaulois étaient leurs ancêtres ». Parmi eux, je me donne un droit inaliénable, celui d’avoir une « certaine idée de la France », d’être quelque peu Gaulliste et de vouloir pour la France ce que certains Français, de nos jours, ne semblent pas vouloir pour Elle. J’ai donc été sidéré, ces dix derniers mois, par une « certaine gestion Française» de ce qu’on a appelé « la crise » Mauritanienne. Comme vous l’avez dit, d’une certaine manière, cette crise a été « fabriquée » pour ouvrir une Transition ou plutôt pour continuer la Transition qui a été ouverte en 2005, par le Putsch contre le Président Ould Taya, faisant ainsi des élections transparentes de 2007, une parenthèse ou plutôt un passage obligé qui n’a pu être « évité », sans faute d’avoir essayé. Je me félicite que vous ayez, vous au moins, décrypté la situation en Mauritanie, situation qui n’est pas toujours facile à démêler, j’en conviens, pour n’importe quel observateur, surtout Etranger.
Monsieur de Foucault, Quelque naïf qu’on soit, on ne peut demander à un Pays comme la France, de « gérer » la crise Mauritanienne, autrement que dans l’intérêt de la France, et c’est légitime.
Et c’est valable, du reste, pour les Etats Unis d’Amérique, pour l’Europe comme ensemble de Pays ou tout autre partenaire de la Mauritanie. Mais cet intérêt se doit d’être « bien compris ». Or l’opinion Mauritanienne considère, à tort ou à raison, que la France, par ceux qui parlent ou agissent en son nom, s’est trouvée derrière les Putschistes depuis déjà 2005.
Bien plus, Elle est même accusée de vouloir, contre vents et marées, se « débarrasser » du Président démocratiquement élu Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Cela est difficile à croire bien sûr, encore que rien n’a été fait pour réfuter cette accusation, ce qui est plutôt troublant !
Et la situation de la France comme partenaire traditionnel privilégié des Mauritaniens lui donnerait en quelque sorte, les coudées franches au sein du Groupe de Contact.
Il y a un intérêt primordial, aussi bien pour la Mauritanie, que pour ses partenaires Etrangers et surtout la France et les autres Pays Occidentaux : la STABILITE. Pour aucun Pays, il n’y a d’intérêts dans une Mauritanie instable. Et normalement, c’est aussi un intérêt majeur pour les voisins de la Mauritanie au Sud comme au Nord. Or, c’est méconnaître les données actuelles de la situation en Mauritanie, c’est manquer de discernement et c’est avoir de bien courtes vues que de penser qu’un régime issu du Putsch du 6 Août, peut assurer la stabilité de ce Pays aujourd’hui.
D’un autre côté, en quoi pendant 15 mois, le Président Sidi, otage de son chef de sécurité, a-t-il porté ombrage aux intérêt de la France ? Quels indices a-t-on qu’il aurait lésé ces mêmes intérêts, si on lui avait laissé la possibilité de terminer son Mandat normal ?
Durant sa carrière avec Moktar Ould Daddah, avait-il montré la moindre hostilité à l’égard de la France ? Ou bien l’histoire des relations Franco-mauritaniennes, comme vous le dites si bien M. de Foucault, n’a-t-elle pas été considérée pour gérer cette crise en particulier ? D’aucuns pensent, d’ailleurs, que « certains » Français auraient des intérêts avec ceux qu’on « préparait » à remplacer Sidi à la tête de la Mauritanie : évidemment ceci n’est pas pensable, car la France de De Gaulle et de Mitterrand, pour ne citer que ces deux, notre France depuis le début du 20ème siècle, ne peut laisser « gérer » la crise Mauritanienne, à partir de considérations d’un tel niveau: on ne peut que refuser cette idée qui n’est pas acceptable pour la France !
Par contre, on peut être d’accord avec vous, Monsieur de Foucault, pour constater que jusqu’à présent les « voies » suivies pour régler notre Problème actuel en Mauritanie, ne pouvaient pas atteindre leur but. Cette idée de négociations, de recherche de consensus, de médiations plus ou moins crédibles ou heureuses, cette idée introduite en « camouflé » par la Réunion de Suivi invitée par l’OIF, a compliqué un problème pourtant bien simple.
Mais elle a surtout « enterré » sciemment ou non, la seule voie efficace suivie par l’UA, le Groupe de Contact et la Communauté Internationale dans son ensemble : les Sanctions Individuelles Ciblées.
Rien d’autre ne pouvait, de l’avis de certains, atteindre les Putschistes, leurs soutiens et les bénéficiaires, puisque le Pays s’est trouvé sous l’effet de l’embargo dès les premiers mois sans que cela préoccupe outre mesure.
Monsieur de Foucault, On comprend de votre Lettre que le Président Sidi est disposé à accepter cette Transition qui était au départ, il faut le rappeler, l’objectif ultime de la fronde qui s’est terminée en « apothéose » par le 6 Août.
Votre proposition d’envisager une Transition gérée par le Président Sidi, dans un certain apaisement et surtout dans un Pays préalablement « secouru » après 10 mois de ce que l’on sait, peut être une contribution fort constructive et objective, pour déboucher sur une solution acceptable pour tous les Mauritaniens. Ainsi ceux qui veulent une Transition l’auraient, tout en évitant au Pays les « désagréments » très probables qui peuvent naître, lors d’une Transition « confectionnée » de façon approximative et même à l’arracher.
L’intérêt de la Mauritanie, de ses Partenaires et de ses Voisins pourrait être là .
Il ne me reste plus, Cher M. de Foucault, qu’à vous exprimer toute ma gratitude et ma très haute estime et vous dire aussi que je n’aurais aucun inconvénient à ce que cette lettre soit publiée afin d’aider à éclairer l’opinion dans le même sens que vos deux lettres au Président et au Commissaire.
Mohamed Abdellahi Kharchi (Ambassadeur, Ancien Ministre)
La Réponse de M. B.F. DE FOUCAULT à M. Kharchi
Votre nom, Monsieur le Ministre, m’est parfaitement connu et familier, mais ai-je eu l’honneur de vous rencontrer ?
Ce que vous voulez bien m’écrire me touche profondément. Les Mauritaniens sont de coeur et d’honneur ; il est donc criminel qu’ils soient trompés par des Etats partenaires ou par quelques-uns des leurs s’improvisant chef sans charisme ni légitimité historique ni expérience, simplement en intimidant d’autres pour former un ensemble "la haute hiérarchie militaire".
Je ne fais que tenter de rendre à votre pays et à vos compatriotes, surtout à votre noble et décisive génération, ce que j’ai reçu à mon jeune âge et ne cesse depuis de recevoir de vous tous.
La solution que j’esquisse in fine correspond à la situation et au tempérament, tellement éprouvé maintenant, du cher Sidi Ould Cheikh Abdallahi avec qui j’avais le bonheur de suivre le Président en tournée de prise de contacts : les années 1970.
J’ai maintenant à écrire au plus vite un petit outil pour chacun : la jeune génération et les enseignants : un "abrégé d’une histoire réconciliée de la Mauritanie" de Coppolani à la chute de la dictature actuelle. Celle-ci me paraît de plus en plus piteuse - mais la Mauritanie doit en sortir par le haut.
Je reste persuadé que le président Sarkozy - mieux informé et potentiellement homme de "rupture" - pourrait y contribuer et donc faire gagner du temps à tout le monde et à moindre risque. Dieu aidant, je vais continuer de tenter cette voie.
Croyez, Monsieur le Ministre, en mes sentiments très fidèles et, concernant votre génération fondatrice, très admiratifs.
Lire les courriers adressés par M de Foucault à Louis Michel et, à Nikolas Sarkozy.(Source:Taqadoumy)
Monsieur le Commissaire, Monsieur le Ministre, je fais suite à la communication que je vous ai faite la semaine dernière d’ une lettre-courriel que j’ avais cru devoir adresser au président de mon pays.
Tout tenter et alerter pour que la France - en cavalier seul parmi les 27 - n’ entrave pas ce qui peut être consenti de part et d’ autre par les Mauritaniens pour le rétablissement de leur démocratie. Il semble qu’ à Dakar les choses aient été délibérément dévoyées et j’ ai donc, hier soir, voulu mettre le président Sarkozy devant ce que j’ espère pouvoir encore appeler sa désinformation personnelle.
Voici ce message. Il contient notamment - mais à ma seule initiative - ce que j’ ai reçu dans l’ après-midi d’ hier du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, de la parole et de la noblesse de qui je ne saurais douter un seul instant. Il semble aussi ce matin que le processus unilatéral d’ une élection de façade soit maintenant entamé sans les préalables d’ un gouvernement d’ union nationale dont le président Sidi n’ a jamais refusé la signature, et d’ une commission électorale nationale indépendante entièrement recomposée.
Le président du Sénat, faisant inconstitutionnellement à beaucoup de points de vue,
l’ intérim de la présidence de la République, a résisté pendant plusieurs jours. L’ aspect sécuritaire pour tout tolérer de la junte est un montage, comme l’ avaient été l’ affaire de ce poste saharien (Lemgheity) qui présagea de quelques semaines la chute de l’ ancien président-colonel Ould Taya l’ été de 2005, et le guet-apens de Tourine en Septembre dernier pour pallier un début de fronde parlementaire.
L’ attentat d’ hier est probablement crapuleux, il n’ a pas été revendiqué.
En revanche, l’ atteinte à la liberté de la presse - arrestation et mise en taule depuis six jours du directeur de la publication du site ouest-africain le plus visité et faisant un exemplaire et salubre forum sur la question mauritanienne - est caractérisée.
Le général-candidat nonobstant la lettre et la décision du Conseil que vous avez inspirées, le 3 Avril dernier, joue son va-tout.
Il était à Paris, il y a dix jours et a petit-déjeuné avec Claude Guéant, secrétaire général de
l’ Elysée. Il m’ est pénible de paraître jouer les Bourmont au quartier général de Blücher, à la veille de Waterloo... je crois cependant servir au mieux la cause franco-africaine et euro-africaine. Cause d’ intérêt archi-commun. A votre disposition et à celle de vos services - auprès de qui je me suis informé de la faisabilité du "contrôle" de ce scrutin mais dont j’ ai protégé l’ identité. Sentiments très confiants et déférents, d’ estime pour le passé belge et l’ oeuvre européenne.
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Monsieur le Président de la République,
depuis que j’ y ai accompli mes obligations militaires en 1965-1966, j’ ai suivi les affaires de Mauritanie. La France - du général de Gaulle - y a été grande quoique pas toujours facile, celle de Georges Pompidou, parfois maladroite mais sachant se rattraper, celle du président Giscard d’ Estaing, parfaitement décolonisée. Notre place dans l’ histoire, la mémoire et le développement de la République Islamique de Mauritanie est telle que, naturellement, nous passons pour exercer des influences ou avoir des desseins que nous n’ avons pas forcément en réalité.
Les coincidences sont fâcheuses, je les ai étudiées : rené Journiac, secrétaire général pour les affaires africaines et malgaches à l’ Elysée, est quelques semaines avant le coup militaire de 1978 venu faire l’ état des lieux, des enlèvements d’ otages dans les mines de fer, notre engagement aérien dans l’ affaire saharienne devenaient embarrassants et les putschistes ont été reçus à l’ Elysée dans les huit jours du renversement de Moktar Ould Daddah, aux manettes depuis 1957 et dont le prestige africain, arabe pour ne pas écrire mondial n’ a plus jamais été égalé par un Mauritanien ni approché par la plupart des chefs d’ Etat africains.
Le ouï-dire demeure. Bernard-Albert Bongo, à l’ époque, n’ avait pas été insensible à la totale infortune d’ un homme qui avait pratiqué la politique dans la sainteté ... Un des dictateurs militaires se fit renverser pendant que François Mitterrand l’ avait convié avec une insistance plus que pressante à un sommet francoafricain (Bujumubura Décembre 1984) : Jeannou Lacaze, notre chef d’ état-major général s’ était entretenu longuement quelques semaines auparavant avec son tombeur, un autre colonel...
Nous nous sommes affichés avec Ould Taya (Jacques Chirac, Pierre Messmer et Hubert Védrine) à l’ automne de 1997 à quelques semaines d’ une élection présidentielle-farce boycottée par toutes les forces vraies du pays, et nous avons demandé cent raisons en 2005-2006 à son renversement (enfin).
Il est vrai par une bonne partie de la junte actuelle. Tout cela - pas vraiment bien - n’ a été que partiel. A l’ inverse, grandeur de nos amis mauritaniens, à commencer par le père-fondateur à qui François Mitterrand à peine arrivé à l’ Elysée propose de le rétablir ... refus, je ne rentrerai pas avec les baïonnettes françaises. Moktar Ould Daddah et sa femme avaient passé la saint-Sylvestre de 1980 à Latché.. Aujourd’ hui, ce ne sont plus des reconstitutions ou des a parte. Le général El Ghazouani, alors que les visas, selon l’ Union européenne, ne doivent plus être accordés aux putschistes et à leurs suivants, a été reçu, depuis Septembre 2008, au moins quatre fois par le secrétaire général de la présidence de la République française - mais, à ce niveau et aussi fréquemment, aucun des autres protagonistes de la crise mauritanienne.
Mieux, le général Mohamed Ould Abdel Aziz a rencontré à Paris, il y a dix jours, le secrétaire général. Depuis Février 2009, tout s’ est passé comme si le schéma des putschistes : une élection plébiscite moyennant une apparence de défroque de l’ uniforme, est acceptable par la France, malgré à l’ époque les décisions de l’ Union européenne et de l’ Union africaine. Le président élu le 25 Mars 2007, que vous avez reçu officiellement et qui vous a entretenu de la réorganisation de son appareil militaire pour que nous y contribuions, conditionne sa signature à la formation d’ un gouvernement d’ union nationale et ensuite sa démission à ce qu’ au minimum la garde prétorienne soit dissoute et à ce que surtout l’ organisation politique de cette part de la hiérarchie militaire - dite Haut Conseil d’ Etat - soit dissoute..
C’ est au minimum le parallélisme des formes, cher à notre juridiction du Palais-Royal (je n’ ose écrire... Conseil d’ Etat). Je pense quant à moi que la meilleure transition démocratique serait que le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi fasse son propre intérim et ne remette ses pouvoirs, dans lesquels il serait rétabli, que d’ élu à élu, c’ est-à -dire au successeur que lui auront donné les urnes, fut-il Abdel Aziz d’ ailleurs. Je pense aussi que nous jouons le mauvais cheval - il est en santé précaire, il ne fait pas l’ unanimité de ses pairs, il n’ a pas séduit, c’ est le moins que je puisse écrire, ses voisins géographiques immédiats. Surtout il y a une prise de conscience civique dont je ne connais pas de précédent en Afrique subsaharienne. L’ incarcération du directeur de publication du plus visité des sites internet d’ Afrique de l’ Ouest a montré que la junte "perd les pédales". Enfin, la date du 18 Juillet est intenable, pour le premier tour de l’ élection présidentielle.
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