Six ans se sont écoulées depuis le 8 juin 2003 quand de jeunes officiers avaient tenté de renverser Ould Taya. Le putsch sanglant échoua et ses dirigeants s’enfuirent à l’extérieur de la Mauritanie d’où ils tentèrent de nouveau de renverser le régime qui était en place. Ils échouèrent dans leurs nouvelles tentatives en août et septembre 2004.
Arrêtés, jugés et condamnés ils furent amnistiés en septembre 2005 par des nouveaux putschistes qui ont eu plus de chance que leurs cadets. A l’occasion du sixième anniversaire du putsch du 8 juin, nous republions ici des interviews réalisées en mars 2006 et juin 2007 avec deux des principaux meneurs de ce putsch : Saleh Ould Hannena et Abderrahmane Ould Mini devenus depuis novembre 2006 de respectables députés à l’assemblée nationale mauritanienne. Interview de Saleh Ould Hannena Président de HATEM «Le peuple mauritanien est capable de pardonner… loin des règlements de comptes ou de la chasse à un homme humilié et sans pouvoir» Entré dans l’histoire de son pays en bien ou en mal, (c’est selon), l’ex-Commandant Saleh Ould Hannena, aujourd’hui président du parti HATEM, était jusqu’au 3 août , condamné à vivre le restant de ses jours, en prison. C’est en février 2005 qu’il fut condamné à la réclusion à perpétuité, suite à l’organisation de trois tentatives de putsch dont l’une, celle du 8 juin 2003, a été sanglante. Mais le destin en a voulu autrement. Amnistié avec ses amis en septembre 2005 à la faveur du changement intervenu dans notre pays, il est tiré de l’inconfort d’une cellule à Ouad Naga. Ould Hannena s’est lancé depuis dans l’action politique et a fondé HATEM. L’action politique vient ainsi couronner l’action militaire. Dans cette interview que Ould Hannena nous a accordée, nous avons voulu en savoir plus sur l’homme. Entretien. Tahalil Hebdo : Le HATEM est-il le parti des «cavaliers du changement», celui du changement tout court, ou un parti de plus sur la quarantaine de partis politiques mauritaniens, autrement dit, qu’apporte le HATEM à une scène politique aussi émiettée? Saleh Ould Hannena : Je voudrais d’abord remercier le journal «Tahalil Hebdo» et son équipe pour leur participation pertinente à l’éclairage de l’opinion publique nationale et le traitement réservé aux différentes questions nationales constituant un centre d’intérêt. Pour répondre à votre question je dis que le HATEM est un parti national qui tente de réaliser son projet national en recevant une frange importante des leaders d’opinion, des acteurs politiques, des cadres et des intellectuels. Ce projet vise à compléter le trajet parcouru pour le changement et à assurer une mutation positive dans les différents aspects de la vie nationale ainsi qu’à appuyer les changements et les mutations qui s’annoncent après le départ du Colonel Ould Taya. Nous voulons que le HATEM soit le creuset où se conjuguent tous les efforts sincères et sérieux visant le changement et à accompagner les aspirations des mauritaniens, de tous les mauritaniens pour un lendemain meilleur, dominé par le progrès, la justice et l’égalité. Aussi, le HATEM n’est pas un parti d’un groupe. Il est le parti de tous les mauritaniens, quels que soient leur race, leur tendance ou leur appartenance à l’exception évidemment des prédateurs. Cette exception constitue la singularité du HATEM dans le paysage politique national. TH : La solidarité entre les «cavaliers du changement» contre l’ancien régime est-elle toujours de mise, après l’éviction de ce régime ? SOH : Parler des cavaliers du changement n’est plus opportun. Les cavaliers sont une organisation militaire dissoute. Ses membres se sont éparpillés. Parmi eux, il y en a qui sont devenus membres du HATEM. Les liens entre ces derniers sont forts et resteront ainsi parce que ce qui les unit est beaucoup plus important que ce qui peut les diviser. TH : Chef militaire au début, vous êtes devenu président du HATEM donc un chef en politique. Votre expérience dans le commandement militaire vous sera-t-elle utile, pour diriger un parti politique et ses militants ? SOH : Dans la vie, toute expérience vécue par une personne est utile que ce soit dans son parcours politique ou dans un autre parcours. Incontestablement, l’expérience militaire est riche et enrichissante pour mon parcours dans la vie civile dans tous ses détails. TH : Vous venez de créer avec 11 partis politiques une «coalition des forces du changement» en vue de barrer la route au retour de l’ancien régime. Que ferez-vous si vous constatez que le peuple mauritanien préfère les symboles de l’ancien régime, à votre coalition? SOH : Nous serons prêts à respecter le choix du peuple et nous féliciterons ceux qui auront recueillis ses suffrages dans la transparence et l’honnêteté. Néanmoins, j’estime que cette éventualité comporte une grande dose d’exagération. TH : Lors de la diffusion de l’émission «El Ijmae El Watani» la Télévision de Mauritanie a censuré des passages de vos réponses à des questions se rapportant à vos positions par rapport aux victimes du 8 juin et au soutien dont vous auriez bénéficié de la part de l’Etranger dans un conflit national (lutte pour le pouvoir). Pouvez- vous répondre de nouveau à ces questions, et quelle est votre réaction par rapport à cette censure ? SOH : Vous étiez présent lors de cette émission et vous savez que tout ce qui est relatif au 8 juin a été supprimé. Nous ne nous sommes pas opposés à cette suppression de la part de ceux qui ont estimé qu’elle était opportune, parce que nous répondions aux questions des représentants de la télévision, pas à nos questions. La télévision a donc le droit de supprimer et de laisser ce qui lui semble bon, tant que cela n’affecte pas le contenu ou ne l’altère. A plusieurs reprises et dans diverses occasions nous avions répondu à ces questions. Nos réponses étaient pertinentes et claires. Nous n’étions pas inféodés à une quelconque puissance étrangère et les sources de financement de notre lutte étaient nationales. TH : Malgré l’amnistie dont vous avez bénéficié en septembre 2005, vous n’avez pas remis aux nouvelles autorités, les armes exhibées en novembre 2004 par l’aile restée en liberté après votre arrestation, sur la chaîne iranienne «Al Alam». Doit-on comprendre que le «Sein Fein» se lance dans l’action politique légale et que l’«IRA», garde toujours ses armes ? SOH: Nous n’avions plus d’armes à remettre. Nous avions acheminé ce que nous avions comme armes, lesquelles ont été confisquées par les autorités.. TH : Dans une récente interview accordée au quotidien «Al Akhbar» Mohamed Jemil Ould Mansour, coordinateur des Réformateurs Centristes a déclaré que le HATEM est le parti politique le plus proche de la coordination qu’il représente. Tout récemment, il évoquera une « expérience commune » entre les cavaliers et les islamistes . Cette expérience a-t-elle précédé le 8 juin, ou est-elle venue après ? SOH : L’après 8 juin a été une étape cruciale dans la confrontation entre le régime de l’époque et des forces nationales à l’intérieur et à l’extérieur. Il est naturel que ces forces conjuguent leurs efforts pour résister à un ennemi commun. C’est ce qui a eu lieu entre nous et les islamistes et entre nous et d’autres forces nationales. Il ne vous échappe pas que les islamistes ont été un acteur principal dans la résistance menée contre l’ancien régime et ont contribué ainsi à sa chute. Ils étaient comme les cavaliers, des ennemis de ce pouvoir. Ils étaient aussi les acteurs les plus engagés dans cette confrontation sans que cela ne démunie en rien les contributions apportées en ce sens, par d’autres acteurs nationaux. TH : Pensez- vous que le retour au bilinguisme pourra constituer une bouée de sauvetage face à la décrépitude du système éducatif mauritanien ? SOH : L’éducation constitue un pilier essentiel dans la construction de la culture des peuples et le renforcement de leur unité nationale ainsi que la gestion de leurs contradictions dans un esprit positif et dans la protection des cultures nationales et des valeurs religieuses. Durant le règne du régime déchu, l’éducation a fait l’objet d’une destruction systématique, de tâtonnements et d’absence d’objectif national. Le bilinguisme s’il s’accompagne de mesures pédagogiques supplémentaires qui préservent l’unité nationale, l’identité de la nation, si à travers lui, c’est l’ouverture sur le monde qui est recherché, je n’y vois pas d’inconvénients. TH : Quelles solutions préconisent le HATEM pour apurer le passif humanitaire ? SOH : Nous nous attellerons à régler ce dossier de façon directe en préservant l’unité nationale et la concorde entre les composantes nationales. Nous estimons que le passif humanitaire est un mauvais héritage légué par le régime déchu et qu’il doit être réglé dans un consensus national qui engage la responsabilité du peuple mauritanien ou l’Etat reconnaîtra sa responsabilité devant les ayants droits afin que ce dossier soit retiré de façon définitive des mains de ceux qui en font avec de la surenchère à l’intérieur et à l’extérieur.. Nous parviendrons alors à tourner une page que d’autres pays ayant connu des situations plus dramatiques sont parvenus à tourner (l’Afrique du sud, par exemple). TH : Une plainte a été déposée devant un juge belge contre Ould Taya, l’ex-président pour «crimes contre l’Humanité». Jugez vous cette plainte recevable ou préférez-vous que le linge sale mauritanien se lave en famille ? SOH : Nous pensons que ce dictateur a commis assez de crimes pour lesquels il doit rendre compte. Cependant, le peuple mauritanien est toujours capable de pardonner et d’envisager l’avenir avec davantage de confiance pour que les énergies se concentrent plus sur la construction nationale, loin des règlements de comptes ou de la chasse à un homme humilié et sans pouvoir. Nous devons travailler ensemble avec persévérance et sincérité pour que les semblables de ce dictateur ou ceux éduqués de ses mains, ne reviennent plus au pouvoir. C’est cela le défi pour l’avenir. C’est ainsi que la Mauritanie s’engagera sur la bonne voie et arrivera à panser ses blessures. TH : Etes-vous candidat à l’élection présidentielle de mars 2007 et quelle sera la première mesure que vous prendriez, au cas où vous êtes élu à la magistrature suprême ? SOH: C’est au HATEM et à ses instances de décider. Jusqu’à présent le HATEM ne s’est pas encore prononcé. Je ne peux donc répondre au deuxième volet de votre question. Propos recueillis par IOM Abderrahmane Ould Mini dans sa première interview «Nous sommes revenus en septembre 2004 tenter un deuxième coup, s’il réussissait, c’était le changement, s’il échouait, on allait partager la souffrance de ceux qu’on avait impliqués » Profil de baroudeur, numéro 3 des «Cavaliers du changement », secrétaire général du parti HATEM et présentement député à l’Assemblée nationale, l’ex-capitaine Abderrahmane Ould Mini était la soirée mémorable du 8 juin 2003, le chef opérationnel au Bataillon Blindé (BB) après son contrôle par les mutins. Ould Mini a fui en Côte d’Ivoire d’abord puis au Burkina après l’échec de cette tentative de putsch. De là -bas, il a préparé avec ses amis, deux tentatives de putsch (celles du 8 août et de septembre 2004). Revenu en Mauritanie le 16 septembre 2004, il s’est fait arrêter le 25 septembre. Il a été jugé par la Cour criminelle de Ouad Naga qui l’a condamné à la réclusion perpétuelle. Au cours du procès de OuadNaga il fut avec Saleh, l’un des rares mutins à avoir assumé. Puis intervient le 03 août 2005 et l’amnistie, Ould Mini troque sa tenue de rebelle contre l’écharpe parlementaire. Il est maintenant membre du groupe parlementaire «Changement et Réforme». Homme d’action plus que de parole, il a accepté après bien des réticences de répondre à nos questions. C’est la première interview que Ould Mini accorde à un journal. Tahalil Hebdo : On dit que le 8 juin a été un succès politique et une catastrophe militaire car que sur ce plan, il a échoué à son déclenchement… Abderrahmane Ould Mini : Je vous remercie pour l’occasion qui m’est offerte de parler pour la première fois. Ce qui m’empêchait de le faire, c’est que le 8 juin est un événement historique et je ne voulais pas qu’il soit envahi par la politique. Mais je voudrais avant tout exprimer ma déférence et ma considération pour les héros du 8 juin 2003, officiers, sous-officiers et soldats qui se sont convenablement acquittés ce jour historique des missions qui leur ont été assignées. Je voudrais aussi rendre hommage aux héros du 03 août 2005 qui ont mis fin au système. Pour revenir à votre question, on dit -c’est vrai -que tout putsch n’ayant pas réussi, a été un échec d’un point de vue militaire parce que ses auteurs ne sont pas parvenus au pouvoir. Je tiens seulement à dire qu’entre le 8 juin 2003 et le 03 août 2005, il y a eu un peu plus de deux ans. Mais au cas où le 8 juin a été un échec, il fut tout de même une préparation du 03 août 2005 car, sans le 8 juin il n’y aurait pas eu un 03 août. Sur le plan politique, on ne peut non plus parler d’échec car ce que nous vivons aujourd’hui ce sont les fruits du 8 juin que fut la premier «Intifada » du peuple mauritanien. Je voudrai également apporter une correction. Vous aviez dit que j’étais le chef opérationnel du 08 juin. Je n’ai pas l’intention d’être le seul héros du 8 juin. Le vrai chef opérationnel du 08 juin fut sans complaisance le commandant Mohamed Ould Cheikhna. Il a été le coordinateur du 08 juin. Ceci ne limite pas évidemment les rôles importants joués par d’autres. T.H. : Vous aviez pris le contrôle du B.B. aux environs de 10 heures GMT la soirée du 08 juin, les blindés qui sont sortis du BB l’étaient, semble-t-il, avec des munitions blanches d’entraînement Doit-on comprendre que vous n’aviez pas l’intention de faire des victimes ? A.O.M. : Faire des victimes ne peut constituer un objectif par des fils de ce pays comme nous, qui avions l’intention de le libérer : c’est l’amour du pays qui nous a fait bouger. Nous avons choisi des chars pour préserver des vies humaines que ce soit parmi nos éléments ou celles d’autrui en évitant la résistance des forces loyalistes par dissuasion. Il y avait aussi l’effet surprise qui devait jouer un rôle important. Les munitions étaient des munitions d’entraînement. L’objectif n’était nullement de s’en prendre à des militaires qui sont nos frères ni aux civils qui sont nos parents. Il y avait un ensemble de mesures préventives pour éviter les dégâts humains et matériels T.H. : Votre objectif était-il de capturer ou de liquider Ould Taya ? AOM : Non, nous ne voulons pas liquider Ould Taya pour la simple raison que si tel était le cas, on aurait pu bombarder la présidence à partir du B.B. Notre objectif était de contrôler la présidence et capturer Ould Taya. Sa mort ne nous intéresse pas car quelques soient ses fautes, Maaouiya est un mauritanien. Quand il nous a échappé, nous avons compris qu’il y aura résistance. Maaouiya, nous l’avons vu plus tard, est très attaché à son fauteuil. Donc, c’était l’institution militaire qui allait payer le prix des affrontements. Nous avons décidé alors de nous retirer après avoir fait jeter les germes du changement en gardant bien entendu à l’esprit de tenter d’autres formules de changement. T.H. : Aviez-vous l’intention en cas de succès de mettre en place un Conseil militaire (genre CMJD) et est-il vrai que Feu le Colonel Ould Ndiayane allait présider ce conseil? AOM : Je ne veux pas rentrer dans ces détails. Le Colonel Ould Ndiayane, -Paix à son âme-, était l’un des officiers les plus sérieux et les plus intègres de l’armée nationale. Il était un modèle pour nous. Il était le plus digne pour présider ce conseil militaire qui devrait être très éphémère et qui devrait transmettre le pouvoir le plus rapidement aux civils. T.H. : Certains estiment que les auteurs du 8 juin proviennent de quelques camps ayant une proximité sociologique et historique et que les mauritaniens originaires des autres wilayas n’avaient guère pris part à sa conception. AOM : Cela relève de la propagande des renseignements à l’époque. Parce qu’ils voulaient préparer les esprits à une chasse aux sorcières contre quelques tribus déterminées. Je dis que les héros du 8 juin proviennent de toute la Mauritanie, il y’en avait du Trarza, du Brakna, de l’Adrar, les Hodhs etc. C’est vrai que sur le plan sécurité il y’avait des dispositions qui ont été prises et qui exigeaient un haut degré de confiance T.H. : Quel lien existe-t-il entre la tentative de putsch du 28 novembre 2000 et suite à laquelle le commandant Saleh Ould Hannena a été radié de l’armée et celle du 8 juin 2003 ? AOM : Toutes ces tentatives relèvent du même ordre. Elles se justifiaient par les conditions que vivaient la Mauritanie sur le plan politique, économique et social. Surtout que notre environnement, l’institution militaire, a beaucoup souffert de ces conditions avec la généralisation de la gabegie. Il y a eu une prise de conscience par laquelle on a compris que l’on se dirigeait vers l’inconnu. Ce qui s’est passé en 2000 était une préparation de ce qui s’est passé le 8 juin 2003 et ce qui s’est passé le 08 juin préparait le 03 août 2005. C’est un même processus dont l’objectif était de démettre un système qui a transformé l’Armée en instrument politique et de fraude électorale. Pour moi, il n’y avait pas d’idéologie putschiste. Je suis rentré dans l’armée en 1989 par amour pour la patrie, parce qu’à l’époque, on parlait d’une guerre avec un pays voisin. J’ai intégré l’armée pour défendre la patrie, pas pour faire un coup d’Etat. Mais une fois au sein de l’institution militaire, nous avons su que la situation était déplorable sur tous les plans à telle enseigne qu’elle était insupportable : l’armée n’était pas un rempart mais un fardeau sur le peuple mauritanien. T.H : Est-il vrai que les relations avec Israël et la rafle des islamistes en Mai 2003 constituaient les causes principales du putsch du 8 juin en plus de l’influence qu’exerçaient les islamistes sur les meneurs de ce putsch ? AOM : Il n’y avait pas de relations de cause à effet. L’injustice a été générale. Les islamistes en furent victimes tout comme les baathistes, les nasséristes, les négro-mauritaniens. Tout cela a eu une influence sur nous, qui étions appelés à prendre notre responsabilité morale. C’est vrai, nous avions mal apprécié que les imams soient incarcérés, que la parole d’Allah soit bannie des mosquées et que le pouvoir continue à entretenir des relations honteuses avec Israël Cependant notre mouvement n’est pas basé sur des considérations islamistes, mais morales. T.H. : Après l’échec du putsch du 8 juin , les meneurs ont fui de manière différente. Ould Kaabach est sorti par l’Assaba, vous, par le Trarza tandis que Ould Cheikhna et Ould Hannena n’ont quitté Nouakchott pour Tintane que le 22 juin 2003. Comment avez-vous maintenu la coordination qui vous a permis de vous retrouver par la suite au Burkina ? Et du moment que vous êtes taxés d’être des officiers nationalistes arabes, pourquoi n’étiez-vous pas partis en Libye ? AOM : Nous sommes avant tout des officiers issus du peuple mauritanien. Le reste n’est que des sobriquets réducteurs. Nous sommes le peuple mauritanien dans sa diversité ethnique et raciale. Nous avons choisi l’Afrique parce que c’est des peuples accueillants et ouverts. Il y a beaucoup de cérémonials dans le monde arabe. Personne ne peut venir dans un pays arabe sans passeport. Le monde arabe est également surveillé par l’occident en raison du problème du terrorisme. En Afrique noire, les gens sont pacifiques, les Mauritaniens y sont connus comme commerçants, ils ne soulèvent pas la curiosité et nous n’y avons rencontré aucun problème. Je tiens ici à rendre hommage à Moustapha Ould Limam Chavi. Le peuple mauritanien doit également être reconnaissant envers lui. T.H : Le journal malien «Le Républicain» a évoqué en juin 2004 une coordination entre les «Cavaliers du Changement» et le GSPC au nord du Mali. Est-ce vrai ? AOM : C’est faux. Dans sa propagande à l’époque, le régime avait voulu nous lier à des organisations terroristes. Il a échoué parce que nous ne sommes pas des terroristes et si nous l’étions, nous avions suffisamment d’armes quand nous étions en Mauritanie pour mener des actions terroristes. Et nous ne l’avons pas fait. T.H. : A partir de janvier 2004, les renseignements mauritaniens ont avancé que les « Cavaliers » avaient commencé à recruter des guérilléros mauritaniens par le biais de Sidi Mohamed Ould Hreimou et Moulaye Ould Brahim et que vous, Abderrahmane Ould Mini étiez chargé de leur entraînement au nord de la Côte d’Ivoire ? AOM : Nous sommes des officiers mauritaniens et nous avons organisé un putsch à partir de l’Armée. Nous n’avons jamais eu l’intention d’impliquer des civils dans nos affaires. Nous avons toujours ciblé l’armée. La preuve est que toutes les tentatives ultérieures sont venues d’elle. T.H. : Votre retour en Mauritanie le 16 septembre 2004 a été taxé de folie tantôt et de courage. Qu’en est-il ? AOM : Nous respectons toutes les opinions exprimées là -dessus, mais je peux dire que ce n’était ni l’un, ni l’autre. Nous avons organisé un putsch, nous sommes partis, des hommes ont été arrêtés. Il y avait notre responsabilité morale vis-à -vis d’eux. Le régime a voulu nous présenter comme des criminels. Le procès de Ouad Naga a prouvé le contraire. Personnellement, je me suis senti responsable d’avoir envoyé 100 hommes en prison et je ne pouvais continuer à rester à l’étranger. Moralement, cela était inacceptable. Ils n’avaient fait qu’exécuter nos ordres en tant que chefs hiérarchiques. Ils étaient innocents. Nous sommes revenus en septembre 2004 tenter un deuxième coup, s’il réussissait, c’était le changement, s’il échouait, on allait partager la souffrance de ceux qu’on avait impliqués. TH :Vous avez été arrêté le 25 septembre 2004 au Ksar est-il vrai que c’était suite à une dénonciation faite aux autorités par un très proche parent à vous ? AOM : En réalité, il y avait eu des contacts pour redynamiser les cellules qui ont été décapitées lors de la tentative d’août 2004. J’ai contacté dans ce cadre, un militaire dont je ne donnerais pas le nom pour protéger sa dignité. Je crois que c’est lui qui m’avait dénoncé. Il n’était pas un parent proche mais plutôt un ancien ami. TH : Qu’est ce qui vous poussé après votre arrestation à indiquer aux autorités les caches d’armes. Aviez-vous peur qu’elle ne tombe entre d’autres mains ? AOM : Le 8 juin a ouvert des perspectives particulières à notre pays. Il s’agissait d’une phase délicate par laquelle d’autres pays tel le Congo sont passés et de laquelle il ne s’est pas encore relevé. De même que la Côte d’Ivoire. Nous voulions le changement mais pas l’anarchie. Nous avions apporté des armes pour prendre le contrôle des bases militaires qui devaient être le point de départ de notre action. Quand cela n’a pu se produire ces armes étaient devenues dangereuses elles pouvaient exploser et causer des pertes en vies humaines surtout qu’elles étaient stockées dans des quartiers populaires ou dans des marchés. C’était une responsabilité morale d’indiquer leurs lieux. TH : Vous avez été sauvagement torturé durant votre détention. Souhaitez-vous que vos tortionnaires soient jugés ? Eprouvez-vous de la haine vis-à -vis d’eux ? AOM : Jamais ! Je n’éprouve aucune haine vis-à -vis de quiconque. J’étais engagé pour une cause nationale et j’étais prêt à tout supporter surtout de la part de ceux qui n’acceptaient pas le changement. Mais j’estime que ce genre de pratiques dont j’ai souffert dont certains en ont souffert avant moi et d’autres y goutteront après, doit être proscrit. Il faut qu’il y ait de la prévention à l’avenir contre la torture et que les enquêtes ne soient plus basés sur la tortures et l’extraction des aveux sous la contrainte et la peur. J’ai été effectivement sauvagement torturé. Et je me rappelle qu’au cours d’une séance de torture, j’ai été surpris par l’un de mes tortionnaires en train de pleurer .Je me suis mis à le rassurer pour lui dire que je ne le prends pas pour responsable de ce qui m’arrive. Ces gens là étaient contraints et non convaincus de ce qu’ils font. Aujourd’hui , ce dont la Mauritanie a besoin c’est le pardon. TH : Beaucoup de choses se sont passées depuis que vous avez été libérés. L’unité des «Cavaliers du changement» semble avoir volée en éclats. Le capitaine Mohamed Ould Saleck et son groupe ont adhéré au PCD, Mohamed Ould Cheikhna s’est présenté en candidat indépendant à la présidentielle, Saleh Ould Hannena a plus compté sur les islamistes que sur ses ex-compagnons de route. Vous-même, vous avez gelé vos activités au sein du HATEM dont vous étiez le SG. Doit-on en déduire que c’est la haine ou l’opposition au régime de Ould Taya qui vous cimentait ? AOM : D’abord je vous dis que personnellement je n’ai aucune haine contre Maaouiya .Nous nous sommes opposés à son régime et il est fini. Notre idéologie ce n’est pas la haine. Maaouiya est le fils de ce peuple. Nous côtoyons les symboles de son régime au sein du parlement et nous nous respectons .Nous étions d’accord dans la phase militaire de notre action, mais il était nécessaire qu’un cadre soit trouvé pour nous regrouper politiquement et cela n’a pas été le cas. Et je pense que nous nous sommes empressés . L’empressement de certains d’entre nous, a entraîné notre division.. Néanmoins la confiance et le respect continuent à régner entre nous. TH : Cela se dit sous les boubous que vous avez abandonné Saleh Ould Hanena pour soutenir votre cousin Mohamed Ould Cheikhna… AOM : Je comprends qu’on veille quelque part me catégoriser comme tribaliste alors que je ne le suis pas. Je suis moi même un mélange de plusieurs tribus. C’est une injustice de me catégoriser au sein d’une seule tribu.. Je suis le fils du peuple mauritanien et mon engagement est en faveur du peuple mauritanien. Je n’ai jamais fait de politique Des bancs de l’école j’ai intégré l’armée qui est pour moi un milieu d’hommes et un rempart pour défendre mon pays. Les Cavaliers et le HATEM étaient pour moi une mini-Mauritanie. Beaucoup de facteurs internes et externes sont venus pousser chacun à avoir des positions personnelles. Je n’ai jamais été médiatique pour en parler .Quand j’ai vu que Saleh et Ould Cheikhna se sont séparés et qu’il était devenu impossible de les rassembler malgré toutes mes tentatives faites avec d’autres personnalités j’avais même travaillé pour qu’ils se rassemblent sous la candidature d’Ahmed Ould Daddah qui incarnait le changement Malgré tout cela des facteurs ont empêché que cela ne se produise .C’est pour cela que j’ai gelé au premier tour mon action au sein du HATEM et qu’au second tour j’ai envisagé de soutenir le candidat qui incarne le changement . Effectivement j’ai appris par la suite que je soutenais Mohamed Ould Cheikhna .Durant toute la période de l’entre deux tours, j’étais cloué au lit pour des problèmes de santé et parallèlement on venait me dire qu’on dit que je soutiens Mohamed Ould Cheikhna .Je tiens à dire ici que je ne lui ai pas été d’une quelconque utilité, ni dans un meeting, ni dans un site d’animation. D’autant plus que la campagne de Mohamed Ould Cheikhna me reprochait de ne pas les soutenir. TH : Qui est responsable de mort des victimes du 8 juin ? AOB : Je tiens avant tout à demander la miséricorde d’ALLAH pour tous les mauritaniens tués le 8 juin. Cette question a été posée lors du procès. Et la cour nous a innocenté en condamnant le ministère de la défense .Sachant que la cour criminelle ne pouvait être indulgente avec nous et que son jugement nous a blanchi, je ne manquerais pas ici de rendre hommage au président de la cour criminelle de OuadNaga qui a eu le courage de trancher cette question. Quand nous avons décidé notre action, c’était pour sauver le peuple mauritanien et non le tuer .malheureusement aux derniers heures du 8 juin il y avait des tirs incontrôlés nous avons-nous même perdu des hommes dans ces tirs. TH : Vous êtes maintenant un parlementaire, comment percevez-vous votre mission ? AOB : Permettez moi d’abord de présenter mes condoléances à la famille parlementaire ainsi qu’a la famille et aux populations de Tidjikja suite au décés du deputé de Tidjikja feu Sidi Mohamed Ould Bady decédé en fin de semaine ecoulée à Tunis. Qu’ALLAH lui accorde toute sa miséricorde. En tant que parlementaire je suis le porte-parole du peuple mauritanien qui m’a élu pour transmettre ses désirs, ses vœux et ses aspirations.Je suis là pour défendre ses intérêts veiller à la conception de lois et au contrôle de l’action gouvernementale au service de l’intérêt général et de mes électeurs. TH : Sommes-nous maintenant à l’abri d’un autre 8 juin ? AOB : Je crois qu’on doit tirer des enseignements de l’expérience du 8 juin. Le premier est que la violence ne constitue nullement une solution. Il n’y avait pas de perspectives à l’époque. Cet état de fait doit cesser avec la mise en place d’un Etat de droit et réinstaurer la confiance entre l’Etat et les gouvernés. Je souhaite que l’ère des coups d’Etats soit révolu et avec elle, l’injustice et la marginalisation. J’espère qu’un nouvel Etat émergera du contexte actuel et qu’il soit celui de la justice, du droit, de l’égalité et de la justice sociale. TH : Un dernier mot ? AOB : Je souhaite vivement que les nouvelles autorités trouvent une solution pour les grands problèmes du peuple mauritanien notamment les déportés, le passif humanitaire, l’esclavage et les problèmes des officiers sous officiers et soldats cités dans les différentes tentatives de coup d’Etat depuis Juin 2003. Ils ont été amnistiés. Ils sont aujourd’hui dans la rue. Rien n’a été fait pour eux durant la transition. J’espère que dans le cadre du règlement des dossiers de droits de l’homme que leur dossier soit abordé. Sur un plan strictement sécuritaire nous sommes un nouvel Etat pétrolier, il y a des problèmes à nos frontières, nous ne devons pas laisser une armée parallèle dans la rue. Nous devons réfléchir a insérer les militaires radiés et retraités. Ce sont des pères de familles et des réservistes potentiels. Propos recueillis par IOMS
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